De nos mains (1)

Peut-être parce que du jeûne qui retient mes mains de trop faire, de la prière qui les fait se rejoindre en croisant mes doigts, de l’aumône qui essaie de les ouvrir aux autres, mes mains, les mains, nos mains sont elles aussi à raconter.
De l’imposition des Cendres, croix marquée sur nos fronts par la main du prêtre, jusqu’à Ses mains clouées en croix au soir de Sa Pâque, le Carême me parle d’elles tout le temps.

Alors, je vais venir vous raconter des mains, oh… pas seulement les miennes, surtout celles autour.

 

On nous parle toujours à chaque nouveau Carême – et fort justement – d’un temps à suivre Ses pas, d’un chemin fait d’essentiel, d’une route où Dieu randonne à nos côtés. Et même d’une “conversion.” Je ne suis pas certaine d’aimer ce mot “conversion” qui étymologiquement m’inviterait à une drôle de pirouette sur moi-même laissant ce que je suis pour devenir une autre.
J’exagère un peu.
J’exagère à peine.
Ce n’est tout simplement pas possible.

Certes, je peux me tourner davantage vers Dieu, ou mieux, pour Dieu vers les autres, mais humblement, en y regardant à deux fois et sans aucune fausse modestie, mon demi-siècle de Carême ne m’a pas “changée”. Oh! sans doute aimerais-je assez sentir chaque année que ce Carême a été “efficace”. Nous sommes bien dans cette ère du rentable non ? et j’avoue que moi aussi je m’y laisse souvent happer. Je ne parle même pas de mes pauvres petites forces humaines décuplées au rythme d’efforts dérisoires mais bien de la place que je lui fais pour me laisser faire. Oui c’est bien là. Mais point de conversion.
Carême désespérant ? Pas vraiment.
Mal compris ? Souvent.
Inutile ? Certainement pas.
Alors donc, faut-il pour autant faire une croix dessus le jeter aux oubliettes ? Non, bien sûr que non.
Mais peut-être y entendre un autre mot que celui de conversion. Un mot plus petit. Un mot qui laisse à Dieu le soin de s’approcher et à nous celui d’être un peu plus proche.

 

Un réveil ?

 

Comme au matin
Il y a ce réveil dans mes mains

Lorsqu’elles tâtonnent encore dans la pénombre de la chambre
Lorsqu’elles se laissent glisser sur la rampe d’escalier chemin familier qui guide mes pas silencieux
Lorsqu’elles cherchent un peu de chaleur en se serrant l’une contre l’autre et, malicieuses,  frottent les joues de mon visage fatigué
Lorsqu’elles touchent le monde encore endormi et osent croiser d’autres mains, les rencontrer, les encourager, les recevoir.
Les aimer

Au premier jour de ce Carême
Il y a ce réveil dans mes mains

Lorsqu’elles tournent les pages d’une Bible et laissent, confiantes, les doigts filer sur les lignes
Lorsqu’elles suivent Ta Parole à la fois familière et nouvelle, accompagnent, soutiennent, écrivent ma prière silencieuse
Lorsqu’elles cherchent un peu de lumière et retiennent dans mes paumes ce qui fera peut-être grandir mon jour qui sait
Lorsqu’elles touchent mon cœur endormi et espèrent qu’il croise d’autres mains, qu’il leur laisse de la place, et qu’il ose encore les aimer

 

Un réveil.

 

Je préfère ce mot-là.

Il y a ce réveil possible dans nos mains qui cherchent, qui prient, qui font, qui Te reçoivent et surtout qui  essaient au matin de ce nouveau Carême de frotter nos paupières pour y voir un peu plus clair!

 

Bon mercredi des Cendres, belle entrée en Carême chers amis, amies, à nous réveiller, à “déchirer nos cœurs” comme nous y invite le prophète Joël et à laisser nos mains s’ouvrir !

 

 

 

 

 

 

14 réflexions au sujet de « De nos mains (1) »

  1. Merci ! J’espérais ton billet au tôt de ton matin comme tu dis si bien et avant d’aller me coucher…il est si tard ici !!
    Beau Carême! je penserai à vous ce soir aux Cendres.

  2. Dans notre liturgie des Cendres ce soir nous chanterons “Mon âme, pourquoi es-tu endormie ? Réveille-toi… ” Une traversée de quarante jours pour nous amener à ce réveil. Bonne entrée dans le Carême, Corine.

  3. Un réveil oui c’est tellement ça, ce petit rappel qui vient piquer au vif notre course quotidienne pour nous dire ne m’oublie pas. Je pense Dieu plein d’humour et il a ponctué nos vies de temps liturgiques immuables irremplaçables et que l’on ne rempli pas toujours pareil . Mes carême ces dernières années paraissent secs et fades en apparence et loin de Dieu mais il sait comme on l’aime comme on s’accroche à lui dans nos croix quotidiennes mais que parfois humains centré sur nous nos enfants nos familles on oublie vite le grand le beau de cette croix .

    Alors oui ma coco comme j’aime ton image de reveil qui me parle et me sort de cette torpeur du quotidien qui parfois nous engloutit nous laissant démunis.
    Bon carême à toi, à toute la famille on vous embrasse fort 😘😍

    1. Merci Yayon (j’aime tant retrouvé ton p’tit nom 😉 ) oui…torpeur de notre quotidien et hop debout! Bon Carême à toi et Jérémy, une douce pensée pour les loulous et mon Nathanaël <3 🙂

  4. C’est chouette de te lire, et puis c’est bien vrai ça, tient, qu’on voudrait que tout soit utile et rentable. Merci pour tes mots tout doux, comme toujours, et très justes, qui donnent envie de s’y lancer le cœur léger. <3

  5. Merci Corine ! Toujours un grand plaisir à te lire. Se réveiller le matin est toujours compliqué pour moi ,cela me parle donc beaucoup ! Réveillons nos coeurs en ce temps de carême ! Bon carême à toi et à tous tes lecteurs !

Répondre à Chantal Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.