Couleurs (1)

Dans les gris de novembre et du monde, il est difficile d’apercevoir les couleurs. Aucune nuance ou si peu. C’est souvent ainsi mais nul doute que cette année, la noirceur semble estomper la lumière.
Alors, peut-être pourrais-je essayer d’en poser ici des couleurs, celles que j’attrape d’un regard, celles que je touche du doigt, celles qui embaument un peu l’espace de mes jours. Au fil de novembre et avant un Avent de possible douceur.  😉

 

Un rond de soleil

J’ai travaillé toute la journée.
Me replonger dans la poésie pour mes 3è, dans des contes merveilleux pour mes 6è, dans des montages audio pour mes latinistes. Oh… qu’elles m’ont fait du bien ces heures à lire, chercher et écouter à nouveau leurs voix ! Oui, qu’elles m’ont fait du bien. Je ne voulais plus rien entendre du monde. Rien. Surtout pas tous ces profs qui ne cessent de tempêter contre un pouvoir qu’ils critiquent mais dont ils attendent Tout pendant que mon petit collège silencieux – et beaucoup d’autres comme lui je le sais –  travaille d’arrache-pied ce vendredi de vacances pour prendre à bras-le-corps le retour des élèves et leur préparer un temps de parole et d’écoute. Et c’est prêt. Et cela se fera, comme d’habitude, à la seule force de notre bienveillance, de notre imagination  et de notre temps donné. 
J’ai travaillé toute la journée.
Par la fenêtre de mon bureau, le noir du ciel annonçait la pluie. Je l’ai aperçu lui aussi, cherchant à occuper son temps ailleurs que derrière son écran, ramassant les feuilles mortes, allégeant la terre de son potager, sciant les rondins pour le feu qui bientôt nous réchaufferait. Oh… qu’il m’a fait du bien son sourire, son clin d’œil par la fenêtre ! Oui qu’il me fait du bien. Je ne voulais plus entendre les cris du monde. Plus aucun. Surtout pas tous ces gens qui savent mieux que personne ce qu’il faut dire ou ce qu’il faut penser quand je ne sais pas ce qu’il faut répondre au mal, quand  je ne sais que les larmes et si peu la colère, quand je crois seulement au verbe aimer.
J’ai travaillé toute la journée. J’ai rempli l’espace de mon temps pour oublier.
Mais rien ne s’est vraiment apaisé.
Puis l’heure s’est approchée. Celle qui mène doucement mes pas vers la cuisine. Celle où je travaille autrement de ma tête et de mes mains.
J’ai fait bouillir l’eau, jeté le riz en pluie, mélangé le lait à la crème et aux raisins blonds, laissé frémir le dessert à petits bouillons. 
J’ai attrapé le potiron, caressé un peu ses joues dodues et orangées, coupé sa chair en morceaux. J’ai préparé une soupe à la douceur du velouté en ajoutant quelques herbes, un peu de crème encore. Les odeurs se sont entremêlées, parfums prometteurs d’une belle fin de journée. Un rayon de soleil par la fenêtre a percé les nuages. J’ai sorti les assiettes et dressé joliment ma table. Comme si je m’invitais à être heureuse. Un peu.

Et curieusement, le verbe aimer a enfin pris du sens, autour d’un petit rond de soleil.
Premier jour orangé.

 

 

 

 

 

6 réflexions au sujet de « Couleurs (1) »

  1. Tu as raison Corine, il faut affronter le réel près de chez soi, en comptant sur ses propres ressources et je vois bien qu’il t’en reste encore, je prierai pour vous tous lundi matin.

  2. Merci Corine , oui se donner de bons moments, moi je me suis plongée dans la lectio divina de Marc avec le seul mot commencement. Qu’est ce que je commence, commencer chaque jour, mille et mille fois, creuser pour trouver ce petit coin de lumière de joie., trouver ce qui est naissance dans un rayon de soleil, le souffle du vent, un sourire mais aussi une colère partagée. Car en moi il y a aussi la colère, reste à la transformer… mais je ne peux pas nier cette colère qui existe aussi . Je suis dans une maison de personnes âgées et moins âgées. Pourquoi s’autorise-t-on à partir d’un certain moment (quand ?) à penser pour elles, à ne jamais les consulter. J’aime le dernier paragraphe de Bruno Frappat (âgé lui-même de 75 ans) dans le journal d’hier. Quand prend-on leur avis pas seulement sur le confinement, mais sur l’organisation même des maisons qu’on fait pour eux, sans eux ?

  3. Bonsoir Corine,

    En cette période troublée et troublante vos mots font du bien. Ils viennent colorés les coeurs, combler ma vie. Merci de trouver des mots quand les miens manquent pour exprimer mon ressenti. Merci de trouver des mots pour refleurir le monde. Milles mots, milles et une couleur et un peu de vie 🙂

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