Couleurs (5)

Une histoire de vermillon

 

Il est des tout petits moments en classe de français qui ressemblent à des pépites. 

Au détour d’un texte, mes 6è ont rencontré l’adjectif vermillon et comme il s’agissait de qualifier un vêtement, je leur ai demandé sa couleur. Le vert a fusé. Vert millon dans leur tête sûrement. Des mains levées, toutes du même avis. Au milieu de leur acquiescement – que j’ai cru un instant unanime – pour un vert sans doute un peu clair, une main timide s’est levée, hésitante. Une main qui ne se lève jamais.
– Je crois que c’est rouge plutôt. Je crois qu’on dit rouge vermillon.

La classe s’est tue, scrutant mon regard puisqu’il n’y a plus que le coin de mes yeux qui se plisse légèrement pour sourire.
Alors, félicitant ma jeune élève, j’ai raconté le vermillon, l’origine latine du pigment, son rouge éclatant aux frontières d’un orangé en sortant de ma trousse ma panoplie de crayons de couleur.

Un adjectif de plus dans leur sac de mots qui peu à peu grossit de leurs échanges. Et le rappel que chaque parole compte et que, parfois, 29 réponses identiques ne savent pas ce que la 30ème ose dire.

 

J’ai repensé à ce tout petit moment de classe ce matin. Cette presque unanimité qui parlait fort et sa petite voix qui disait la vérité. Et je crois bien que cela m’a rassurée un peu en traversant rapidement les réseaux de me rappeler que les vérités tout comme les jolis mots, les petits instants de paix, les presque riens qui donnent du sens à nos existences, ce ne sont pas souvent les paroles les plus bruyantes. 

Il est des tout petits moments de classe qui me font – les font je l’espère aussi – sourire. Un peu plus.

 

 

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