Le goût des dimanches

Cela fait plusieurs messes déjà.

 

Les dimanches retrouvent le goût des dimanches avec mes robes de juin, celles qu’on trouve jolies, avec le léger des jours qui allongent leurs heures, avec la douceur du temps qui éteint  la pluie et les retrouvailles qui étirent nos cœurs.
Les dimanches retrouvent cet écho. Celui qui résonne en douceur, tout au fond.
Et la chanson qui ajoute des mots d’italien à mes souvenirs, qui me prend les tripes et que j’aime fredonner.

 

Les dimanches retrouvent l’espace de nos corps aussi.
De ces corps encore doucement éloignés, à peine, on ose s’approcher, pourtant.
Nos corps qui nous manquaient tant reprennent place dans nos vies.

Et dans la mienne s’ajoutent aux heures collégiennes les parfums de mes enfants, les mains de mes amis, les sourires de mes proches.

Mes dimanches ont retrouvé ce goût-là aussi et Son corps à Lui.
Au milieu de tous, avec tous ceux qui se rassemblent dans mon église.
Son Corps et nos tripes.

 

Je me suis trompée.
J’ai cru que l’Eucharistie ne me manquait pas.
Je me suis trompée.

Non pas qu’elle soit nourriture indispensable à mon seul pauvre petit corps, non.
Non pas que cette faim-là une fois assouvie me remplisse de joie, non.
Non, ce n’est pas cela.

Mais c’est qu’Elle est mon merci.
Celui écrit en son nom et le seul que je sais murmurer à Dieu.

Les yeux vers Lui, les mains tendues portées à ma bouche, ne savent lui dire que ça.

Merci.
Merci. Merci.
Merci de m’aimer jusque là.

Je ne savais plus cela, je crois.
Il m’a fallu le manque pour que je ne l’oublie pas.

 

 

Les dimanches retrouvent le goût de mes dimanches. Ceux qui rattrapent le temps, l’arrêtent au bord de ma vie et à l’entrée d’une grande porte d’église, le laissent filer en prières sur un banc et l’emportent en un souffle promis.
Cinq lettres, un seul mot pour aimer, un merci déposé au pied de Ta Croix.

 

Cela fait plusieurs messes déjà que mon merci à Dieu sonne comme en écho à mes dimanches.
Et l’Eucharistie me prend les tripes comme une vieille chanson italienne.
En un murmure, en un merci.

 

Sous un parapluie

La vie parfois laisse peu d’espace pour écrire.

 

Le temps déborde ici.
Il semble s’épaissir de retrouvailles et de précautions
s’alourdir de rendez-vous et de décisions à prendre avant la fin de l’année scolaire
et dans ce tourbillon de vie retrouvée on dirait pourtant qu’il s’allège en sourires véritables.

 

20 heures et des poussières.
Sortie du dernier conseil de classe.
Il pleut.
Il pleut encore.
Il pleut comme un jeudi soir d’automne.

Petit tour à trois sous un parapluie. Deux pas de côté et nous voilà parties à fredonner.
Fatiguées de semaines qui épuisent on laisse aller nos éclats de rire et le poids de nos grands et petits soucis.
I’m singing in the rain !

– Si l’on nous voyait à 20 heures et des poussières danser et chanter sur un parking de collège !
– On nous trouverait un peu plus folles… 
– Qu’est ce que ça fait du bien… enfin !

 

Mais personne ne voit que la vie se chante
Aux heures et jours d’un collège
aux soirs de nos réunions
même sous la pluie 

 

Et la vie parfois ouvre un peu d’espace pour écrire encore le plein, le joli, l’entier d’une vie de prof.  🙂

 

Une brassée de genêts

Il y a quelque chose sur ma route en ce moment. Oui, vous savez, la petite route à travers la campagne qui part de ma maison et arrive au collège.
Il y a quelque chose que je n’avais pas remarqué la semaine dernière. Oui, vous savez, trop absorbée par l’idée d’y retourner enfin.
Il y a quelque chose, quelque chose qu’on sent d’abord, fenêtres ouvertes, vitres baissées à respirer le soleil du matin, celui qui espère le monde.
Il y a quelque chose, quelque chose qu’on peut voir ensuite si on quitte un tout petit peu la ligne goudronnée.
Oh pas trop… seulement ce qu’il faut pour embrasser du regard l’au-delà des grands fossés.
Des brassées, d’énormes brassées, de gourmandes brassées de genêts.
De l’or à perte de lignes, de l’or dans les courbes des virages, du doré sur le bord de mon chemin.
Tu le sais, toi, que l’arbuste se déploie sur les terres pauvres, sur les bords secs, sur les difficiles des ravins. Tu le sais, ici, sur nos bords de chemins arides.

Il y a quelque chose sur ma route en ce moment.
Il suffit de regarder, d’oser, d’embrasser des yeux ce qu’il y a autour. Un peu de beau, un peu de bon qui fait de ma route un chemin pavé d’une seule certitude.
Il peut bien y avoir des ronces envahissantes, des ravins arides, des fossés abrupts. 
On peut bien y entendre des fausses notes, des jugements à l’emporte-pièce, des disputes faites de mots vains.
On pourra jeter tous les cris.
On pourra crier en tous sens.

Je ne sens, je n’entends, je ne vois que la Lumière que Ta Parole ne cesse de poser sur les bords de nos routes.
Je ne garde qu’Elle.
Et sur le bord de mon chemin, comme une brassée de genêts d’or.

 

Au ras des pâquerettes

C’est à hauteur d’homme que Dieu est venu.

Petite, j’ai un jour demandé si Jésus était grand.
La première fois, on m’a répondu un bien sûr qui s’exclame parce qu’on n’avait pas compris que ma question c’était une histoire de taille. Seulement. Il est des questions d’enfants toute simples que parfois les adultes imaginent autrement.
J’ai redemandé plus tard en précisant bien qu’il s’agissait de savoir combien il mesurait. Je n’ai pas eu la réponse attendue du mètre soixante, soixante-dix ou quatre-vingts mais peut-être bien un réponse qui voulait en dire davantage à la petite fille qui questionnait encore et toujours.

– Une hauteur d’homme.

C’est à hauteur d’homme que Dieu est là. J’ai gardé ça, à défaut d’une mesure.

J’y pense souvent. Quand dans l’ordinaire de mon temps, je croise des visages fatigués et qu’il suffit d’un regard qui sourit, à même hauteur, pour le faire sourire à nouveau. Dieu a croisé nos regards.
J’y pense souvent. Quand le nez baissé sur mon nombril, je ne vois plus grand chose autour et qu’il suffit d’une main pour relever mon menton, à même hauteur, pour que j’avance à nouveau. Dieu croise mon regard.
J’y pense souvent. Quand plongée dans le quotidien, je me laisse envahir par le ras des pâquerettes et qu’il suffit de lever les yeux pour être à hauteur des autres. Dieu y est déjà.

C’est à hauteur d’homme que Dieu est là.

 

J’y ai pensé juste hier.
Sur un bord de Loire, allongée dans l’herbe, au repos d’un jeudi d’Ascension qui L’élève, j’ai tourné la tête.

 

Du ras de mes pâquerettes, Son Église m’est apparue, à ma hauteur. J’ai souri en attrapant l’instant.
Pas plus haute. Pas plus grande. Juste là.
Comme Lui.
À bâtir à hauteur de nos vies.

Dix minutes à peine

J’ai retrouvé ma petite route familière.
Celle de dix minutes à peine, à travers la campagne d’un matin qui se réveille, qui déjà espère la douceur d’un jour, qui vallonne mes pensées de la maison au collège. 
Dix minutes à peine de bois, de champs, de quelques fermes.
Dix minutes à peine de bourgeons, de fleurs déjà, d’un printemps qui s’installe.
Dix minutes à peine de musique parfois, d’une chanson que j’aime, de silence souvent.
Dix minutes à peine de quelques nuages, d’une trouée de ciel bleu, d’un rayon de soleil en clin Dieu.
Dix minutes à peine d’une petite prière qui roule.

Pour ma collègue amie qui se bat toujours sur son lit d’hôpital,
pour ce temps qui nous éprouve, nous bouscule et et nous blesse,
pour notre joyeuse équipée de profs une fois de plus embarquée,
pour nos élèves qui vont presque tous revenir mais comment,
pour ma vie de prof qui sans s’être arrêtée sait qu’elle va mieux se retrouver.

Pour des sourires qu’on fera désormais avec nos yeux.
Pour ce bout de chemin qui reste à inventer avant l’été de cette vraiment drôle de manière.

Dix minutes à peine de ma petite route familière. 
Et au retour d’hier, je me suis encore dit qu’elle ressemblait beaucoup à mes chemins de prières
à tracer ma route en regardant les couleurs du temps.
Toujours les mêmes et jamais vraiment. 

Garder le joli

C’est souvent comme ça.
Je sais garder le joli.

D’un roman mal fichu, je me souviens pourtant de ce passage que j’aurais bien aimé écrire.
D’un film monté de travers, je me rappelle quand même le superbe jeu du rôle secondaire.
D’une classe difficile dont on sort épuisée, j’aime malgré tout leurs mots de fin d’année, ceux qui feraient presque pleurer
D’une réunion barbante qui tourne en rond, j’aime raconter le bon mot qui m’a fait sourire.
Du plus rude de ma vie, je me souviens que c’est ce rude qui m’a appris à tant vouloir le doux.

C’est comme ça.
Quand je veux la colère, quand je désire la revanche, quand j’espère la rancune, je ne tiens jamais la route bien longtemps.
Je n’oublie pas mais les gris s’effacent.
Parfois ça peut paraître tiède. C’est ne pas savoir ce qu’il faut de rebelle pour ne garder que le joli.

 

C’est comme ça.
Je ne sais garder que le joli.

 

Un peu plus de 50 jours, 8 semaines.
Je n’aime pas les bilans. Surtout quand rien n’est terminé. Mais je sais ce que je vais garder. Malgré tout.
Je n’oublierai rien du difficile des vies et des morts tout autour mais je le sais, le joli restera.
Et je vais garder
les heures à ne plus compter,
mes heures à leur écrire sur un clavier,
nos heures à nous parler dans un écran,
les heures à les entendre toujours rire,
mes heures à les lire encore et encore,
nos heures à faire de chaque repas un tour de fête,
les heures à demander si tout va bien,
mes heures à Te lire,
nos heures à Te prier.

 

Ce sera mon défi pour les demains à aimer.
Garder le joli.
Encore.

Au crayon qui s’efface

 

 

Mardi 12 mai – 9 h à 12 h: préparation de rentrée au collège.

 

J’ai eu envie de poser un joli coup de fluo sur l’info.
Drôle de rentrée de mai.
Mais tout est au conditionnel même que j’ai préféré écrire l’info au crayon qui s’efface.
J’ai pourtant envie de l’illuminer.

 

Bien sûr c’est compliqué, inédit, inquiétant.
Mais, dans mon petit collège à la campagne, au milieu d’un village quasiment épargné, au cœur d’un département et d’une région peu touchés par le virus, l’idée que nos plus jeunes élèves puissent reprendre un peu pied dans un collège où ils se trouvent plutôt bien, ça aussi, ça fait du bien:  à eux, ils l’écrivent; à leurs parents, qui pour la plupart nous redisent leur confiance; à nous, qui avons envie d’être là.
Bien sûr ce ne sera pas la classe habituelle. Bien sûr la récré se vivra sans parties de foot endiablées, sans insouciance, sans bagarres aussi. Bien sûr l’odeur des désinfectants gommera celles de nos peintures, de la cuisine de Gaëtan et même du café de la salle des profs.
Bien sûr.
Tout semble vouloir recommencer mais en pointillés, au conditionnel, en crayons qui s’effacent.
Et l’agenda si carré, si sûr, si organisé d’habitude prend des allures étranges de rondeurs, de peut-être, de on verra bien.

 

Et ce matin, je Te relis encore.
Je me demande parfois si mon chemin près de Toi, avec Toi n’est pas, lui aussi, davantage un chemin au crayon qui s’efface. Non pas avec l’oubli des ratés, non. Mais avec ces pointillés, ces peut-être, ces absences de certitudes qui pourtant, bizarrement, sont celles qui me font avancer. 
Le chemin n’est pas droit et bien tracé, je le sais trop bien. Mais n’empêche. Sur le fil d’un crayon qui s’efface, il y a toujours cette envie de poser un joli coup de fluo. Et de continuer.
Comme pour illuminer mes peut-être d’un Tu es là.
Toujours.

 

De nos corps et du Sien

On s’appelle, on se textote, on roule, on marche. On se rappelle, on se retextote, on roule encore, on marche encore. En boucle. Je ne sais où. Et on ne se retrouve pas. On tourne encore, on n’y arrive pas. En vrai.

Je me réveille. Ouf. Je suis réveillée. En vrai. Oui, en vrai cette fois. Premier mauvais rêve – je n’aime pas le mot cauchemar, premier mauvais rêve de confinement…ou  de déconfinement, je ne sais trop.

 

 

Le café s’attarde un peu, on est samedi après tout.  Les mains retiennent le chaud de la faïence. Elles se posent ensuite sur les pages d’une Bible. Le papier semble encore plus doux au toucher ces temps-ci. Je relis ce Livre que j’aime tant.
Puis mon corps se lève, doucement. Il n’y a pas d’urgence aujourd’hui. Je cherche des nouvelles d’A. Pas encore de nouvelles mais celles d’hier étaient bonnes.  Mon amie opérée en urgence il y a deux jours d’une rupture d’anévrisme va bien : les membres de son corps fonctionnent, elle comprend. La parole seule est encore absente. Je prie Dieu. Et Syméon, tu sais toi.

J’ai rincé la tasse et je l’ai laissée sur le rebord de l’évier. J’en reprendrai un autre tout à l’heure.
Mes jambes me mènent doucement vers la porte du jardin. La fraîcheur de la pluie nocturne sur l’herbe, je reste un peu malgré le frais sur mes épaules, ça sent bon.  Des moineaux s’attardent entre les rangs de haricots puis sur les branches du cerisier. Mais rien à chiper encore. Ils chantent  pourtant. La nature est heureuse je crois.

Pas un autre bruit au dehors.
Je repense à mon mauvais rêve.

Nos corps nous manquent. Nos mains qui se serrent en des bonjours amicaux, nos bras qui s’embrassent, nos joues qui se tendent. Nos corps nous manquent. Nos peaux qui s’effleurent dans la file d’attente, dans le métro trop serrés, dans les couloirs qui défilent. Nos corps nous manquent.

Et Son Corps ? J’ai lu encore. Leurs avis, leurs colères.
Il ne me manque pas Ton Corps à moi, non. Non et peu importe ce que les autres en pensent. J’ai Ta Parole. Tellement plus depuis des semaines. Avec ce temps presque arrêté qui me donne le temps de Te lire et relire. Dans Tes livres, oh celui-ci, et les évangiles.
Je me nourris de Tes mots.
Et Ton Corps ? Non, Il ne me manque pas. Je Te sais là. Et je repense à tes amis après Pâques. Je pense aux miens. Ce sont leurs corps qui me manquent, ceux de ma famille, de mon église, de ma vie.
Combien Ton corps de chair, disparu, a dû leur manquer.

Parce que Tu marchais, ils suivaient Tes pas, ils ont peut-être bien retiré tes sandales au soir et soulagé tes pieds fatigués.
Parce que Tu tenais le pain, ils partageaient avec Toi les repas, les sourires, les larmes. Tes mains dans leurs mains.
Parce que Ton corps avec leurs corps ne voulaient faire qu’un. Combien le vide de Toi a dû leur manquer.

Nos corps nous manquent.

Je reprends un café.
J’ouvre enfin l’évangile du jour.
« C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. »

Mais nos corps nous manquent Seigneur.

Prières en mots confinés

Six semaines, un peu plus de 40 jours, un désert ?

Six semaines, un peu plus de 40 jours et tant de mots qui savent, qui croient savoir, qui auraient su si.
Tellement de il faudrait, il aurait fallu, il faudra. Pour le monde, pour notre pays et pour mon Église.
Je lis tant de ce qu’il serait bon de faire confinés, de ce qu’il faudra ne pas manquer de faire une fois déconfinés. Oh…sans doute qu’ils sont  de bonne foi ces hommes et ces femmes qui parlent un peu plus fort que les autres, qui parlent pour les autres, parfois au nom des autres, parce qu’il y a toujours ces belles envolées qui ont envie de nous montrer le bon chemin.

Six semaines, un peu plus de 40 jours que je leur préfère les mots confinés, ceux qui parlent tout bas et qu’on n’entend nulle part.

Six semaines, un peu plus de 40 jours de petits messages, d’appels, de bavardages-de-voisins-à-au-moins-deux-mètres, de lettres, de sourires, de mains qui n’ont besoin de personne pour continuer à se tendre, d’idées, de projets, de petites actions, de presque grandes décisions, de petits riens plus qu’importants qui se font sans bruit.
Six semaines et un peu plus de 40 jours de nouvelles de gens tout autour qui se battent, sont malades, guérissent, pleurent, souffrent, accompagnent, travaillent, chantent, soignent, soutiennent, construisent, cherchent, accueillent, prient, aident. De gens qui vivent.

Et six semaines et un peu plus de 40 jours que je Te confie mes mots à leurs mots mêlés.
Dans mes petites prières confinées.
Celles qui ne savent jamais ce qu’il faudrait, ce qu’il aurait fallu, ce qu’il faudra mais qui entendent dans Ta Parole d’être ici et maintenant au milieu des autres. Proches.

Et si tu savais, Seigneur, tous les clins Dieu de vie, de joie, d’espérance que je lis, que j’entends, que je vois, des premiers rayons du matin aux dernières lueurs du soir.
Six semaines, un peu plus de 40 jours, un désert ? Oh non, même pas.
Surtout pas.
Un chemin qui suit sa route peut-être, et tout au bord, Tes pas.

Avec ses mots

J’avais distribué les Vendredi ou la vie sauvage une semaine avant le confinement.
Alors pendant quatre semaines de travail via nos écrans, j’ai guidé mes 6è à travers l’île de Robinson.

Voyage entre les lignes de Michel Tournier. Un peu perdus parfois sur cette île déserte. Égarée, je l’étais aussi, comment faire sans les voir, moi qui les croise depuis presque 30 ans.

Nous avons tenu comme nous avons pu, avec des petites astuces dans mes messages et leurs instants à poser des questions, à inventer  jour après jour comment garder nos sourires, toujours. Certains ont eu un peu de mal à trouver le chemin mais au final, nous avons tous réussi à rencontrer Vendredi et à dire au revoir à Robinson et Dimanche avant les vacances.

Vacances.
On a essayé de se donner des conseils pour déconnecter un peu et profiter des petits riens du quotidien de nos maisons et pour beaucoup ici, de la chance d’un jardin. J’ai pensé à ces quelques-uns, celles et ceux pour qui la vie était difficile bien avant et parfois un peu plus douce en venant au collège chaque matin.

On s’est dit au revoir, au lundi 27 presque comme d’habitude avec le rituel d’une p’tite histoire à écrire. Parce qu’il y avait eu cette question: “Madame, est-ce qu’on aura nos 7 mots comme avant chaque vacances ?”
Le principe comme un rituel pour aimer écrire, un peu plus encore.
Des mots piochés dans les séances précédentes. Avec, ils racontent un bout de leurs voyages imaginaires.

Et pour le lundi de la rentrée, vous rédigerez un texte avec les mots suivants:
ami, apprendre, bouteille, carte, espoir, porte, vérité.

Ce sont donc des mots qu’on avait rencontrés dans le chapitre. Certains avaient déjà ouvert un horizon vers d’autres îles, d’autres naufrages, d’autres aventures.

ami, apprendre, bouteille, carte, espoir, porte, vérité.

Avec le droit de conjuguer, de mettre au singulier, pluriel, féminin, bref du moment qu’il y ait les 7. Règles d’un jeu, juste pour écrire.

Après les vacances de la Toussaint, celle de Noël et de février, j’avais récupéré des petits bouts de textes et de très jolies histoires, toujours en lien avec le chapitre et l’oeuvre du moment. Toujours, j’insiste.

Alors, là, j’attendais mille aventures de Robinson, de Vendredi, de naufrages, d’îles, de natures à rivaliser avec celle d’un tableau du Douanier Rousseau affichée en classe.

 

L’affiche est restée au mur de leur classe.

 

J’attendais une échappée sans doute. Des rêveries.
Mais c’était sans compter sur D. 

Elle n’avait pas envie d’attendre lundi.
Alors, au midi d’aujourd’hui, elle a dû ouvrir sa messagerie et d’un clic ou deux, elle m’a envoyé son travail. Avec un petit bonjour en sourire comme elle en a toujours. Malgré tout.

Tout est là, exactement.
Loin de Robinson et de son île, mais tout est là, avec ses 12 ans.
J’attendais des rêveries. Quand leurs mots veulent dire la vie. Malgré tout.

 

Le confinement vu par une ado
Ce confinement est très dur car on ne voit personne. Moi je trouve que cette période difficile a des côtés négatifs et des côtés positifs :
les côtés négatifs :
– On ne voit pas la famille et les amis. Moi, ça me manque beaucoup. La vérité c’est que  je suis vraiment très proche de ma famille. Mais vous allez me dire que j’ai de la famille chez moi. Oui, j’ai  mon frère, ma maman et mon papa. Mais je suis vraiment très proche de toute ma famille (mes grands-parents, mes oncles, mes tantes, mes cousins et mes cousines). Quand je ne les vois pas, je demande même à ma maman si on peut aller les voir car ils me manquent beaucoup.
– Des personnes meurent dans le monde entier et tous les jours. Cela me touche et me rend triste.
– Mes amis me manquent beaucoup.
– Mes activités en dehors du collège me manquent aussi. J’ai hâte de reprendre le basket.
les côtés positifs :  
– Dans ma famille personne n’a la maladie donc ça me rassure. J’ai encore un petit espoir que le coronavirus n’arrive pas dans ma famille et je le souhaite à toutes les familles du monde entier.
-Je soutiens tous les soignants qui travaillent 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Dans notre pays on a la chance d’avoir des soignants qui ont des compétences.
-A la maison je passe beaucoup plus de temps avec ma famille proche. Je profite de toutes les choses que je ne prends pas forcément le temps de faire en semaine ou le week-end : faire des balades, des jeux, de la cuisine…  Je trouve ça chouette !!!
– Grâce à ce confinement je vais apprendre à être plus autonome dans mon travail scolaire. Il faut plus se débrouiller quand les professeurs ne sont pas là.
En ce moment on a l’habitude de toujours pousser les mêmes portes, de toujours voir les mêmes personnes…  mais je pense quand même à mes amis, à ma famille…
Du coup, j’ai fabriqué des cartes pour eux mais bien sûr, je leur donnerai quand on pourra. Je ne peux pas faire comme Robinson sur son île et jeter des bouteilles à la mer !!!
Journaliste en herbe : D.
Reportage avril 2020