De nos mains (8)

Pour ce Carême, je viens vous raconter des mains…les miennes, les nôtres, les vôtres, et, à venir cette semaine, de “belles” mains que j’ai rencontrées ou que je croise encore…

 

 

Certains, ici, se souviennent peut-être de Coquille et de ses petites histoires, Coquille du haut de ses 3 pommes qui écrit au crayon… Je ne l’ai pas oubliée. Et comme je reviendrai vous reparler d’elle un jour prochain, j’avais envie de laisser ici, au début encore de ce Carême, une petite place pour elle avec une petite prière que j’ai écrite il y a tout juste un an. Elle ressemble de près à ma petite prière de petite fille et, en la relisant,  je crois qu’elle n’est pas très éloignée de ma prière de tous les jours, encore aujourd’hui.

 

Une petite prière, main dans la main

 

Je ne sais pas très bien faire ma petite prière du soir. Ni celle du matin d’ailleurs. On m’a bien appris pourtant. Le silence, les mercis, les pardons, les s’il te plaît, le petit chemin qui prend du temps pour aller jusqu’au fond de son cœur, les genoux posés par terre, les mains qu’on rapproche, les paupières qui se ferment. Mais je ne sais pas très bien faire cette prière-là. Je crois que je fais un peu semblant quand j’essaie.
Peut-être que c’est à cause du verbe faire, peut-être qu’elle ne me ressemble pas. Parce que moi, pour vous dire la vérité, ma petite prière, je n’ai pas l’impression de la faire.

Je la touche avec mes doigts quand je caresse les pages de mes dessins d’évangile.
Je la sens sur ma peau quand le vent trop fort fait frissonner mon matin qui repart sur le chemin de l’école.
Je l’entends dans les bonjours de Lili lorsqu’elle me rejoint au carrefour des deux arbres.
J’y goûte même sur les crêpes de Grand-mère à la fin des jours quand elle y ajoute un peu de miel.

C’est pas de la poésie de petite fille vous savez, ma petite prière je ne la  fais pas vraiment. J’ai juste l’impression que Jésus, Il est toujours là, tout à côté, très près, à bien vouloir me donner la main. C’est ça oui.
Ma petite prière, elle est là quand moi aussi je veux bien attraper La Sienne.
Et qu’on avance main dans la Main.

 

 

 

Bon jeudi !  Puisse votre Carême être un chemin avec Jésus, votre main dans La Sienne.

à demain

©shutterstock

 

 

 

 

 

 

De nos mains (7)

Pour ce Carême, je viens vous raconter des mains…les miennes, les nôtres, les vôtres, et, à venir cette semaine, de “belles” mains que j’ai rencontrées ou que je croise encore…

 

Jeux de mains

 

Depuis la reprise lundi matin, ils sont invités à les laver régulièrement, à ne pas les laisser traîner n’importe où, à ne pas se serrer la pogne en arrivant au collège le matin.
Il ne s’agit pas d’en faire trop pour leurs mains ni de leur faire peur, mais simplement de rappeler quelques mesures d’hygiène élémentaires pour éviter la propagation d’un virus.

Dans la classe, les plus jeunes ont exprimé leur peur devant cet inconnu qui déboussole leur habituelle certitude de vivre dans un endroit “sûr”, loin de tout ce qu’ils voient du monde “seulement sur les écrans”. Les plus grands, quant à eux, se sont interrogés sur les limites des hommes que soudain ils semblaient découvrir.
À chaque fois, j’ai écouté, rassuré souvent, ouvert de jolies discussions avec mes troisièmes. Au final, hier, après une journée de rentrée, la vigilance était de mise, une attention sereine à faire… un peu plus attention.

Après la récréation, le temps d’une heure creuse avec quelques collègues et notre surveillante de cour, il y eut un  bavardage autour d’un café.
– Je ne sais pas si ce sont les vacances mais c’est apaisé le climat de la cour depuis hier…
– Apaisé ?
– Oui, c’est tout calme… pas de bousculades, pas de bagarres, ni de jeux de mains comme avant les vacances.

 

Sur l’instant, personne n’y a prêté plus d’attention que cela, constatant en effet que les jeunes, en classe aussi, étaient calmes, comme après une belle pause de vacances. Nous étions heureux de nous dire que ça avait fait “du bien”. Il n’y avait rien d’autre à voir dans ce calme qui serait sans doute relatif.

 

Pourtant.

 

En rentrant, j’ai repensé à cette expression “jeux de mains” et surtout à tous ces endroits au collège où leurs mains trop souvent bousculent, frappent, agressent, tapent, se font mal et même quand ils ne se touchent pas, accompagnent les mots d’insultes. Bien sûr, oui, bien sûr, je les vois aussi leurs jeux d’enfants, les poignées de mains et d’amitié, les mains qui se soutiennent mais souvent, malgré tout, leurs gestes disent la difficulté d’être simplement ensemble. Il y avait du calme donc. Peut-être qu’il s’agissait de faire un peu plus attention aujourd’hui à leurs mains.
Faire attention bien plus à un méchant virus qu’aux relations avec l’autre, c’est peut-être dommage.

En rentrant, je me suis redit zut à nos projets de voyage à l’étranger annulés et à l’impossibilité de leur faire découvrir un bout d’ailleurs, zut à ces deux grandes journées où nous devions rencontrer des dizaines d’étudiants venus d’autres continents, zut à tout ce temps passé à préparer depuis longtemps et qui tombe à l’eau en un instant. Mais zut aussi à ces râleries dès que ça file de travers, dès que l’imprévu nous bouleverse, nous qui n’avons pas si souvent à nous préoccuper des imprévus.
Que ce soit un méchant virus qui me le redise, c’est peut-être dommage.

 

En lavant mes mains avant le dîner hier, j’ai déposé ma petite prière sous le filet d’eau du robinet, me rappelant qu’il n’était pas si facile de faire de nos mains des “vecteurs” de beau et de bon. Qu’un virus, bien malvenu, me le rappelait soudain. Il me rappelait aussi l’espace d’un instant que mes mains étaient précieuses.

 

Bon mercredi !  Je vous souhaite de croiser des mains qui, même si vous ne les touchez pas en poignées amicales, vous souhaitent du beau et du bon pendant ce Carême !

à demain

 

 

De nos mains (6)

Pour ce Carême, je viens vous raconter des mains…les miennes, les nôtres, les vôtres, et, à venir cette semaine, de “belles” mains que j’ai rencontrées ou que je croise encore…

 

Les mains de Maryvonne

 

Il y a des mains qui me fascinent. À les regarder, j’ai, je crois, la même admiration que lorsque, petite, la bouche entrouverte et les yeux grand ouverts, je découvrais la magie des aventures sur grand écran, les images à couper le souffle et le surprenant des salles que l’on rendait obscures même aux heures les plus claires d’un mercredi après-midi.

Il y a ses mains qui me fascinent et je pourrais rester quelques longues minutes à les regarder sans rien dire.

Il y a ce léger bruit de fer des aiguilles qui s’entrechoquent doucement, c’est presque feutré, la laine qui semble défiler seule sur ses genoux, Maryvonne tricote.
Tout.
Elle est capable de tout faire avec deux aiguilles qui s’agitent et une pelote de laine. Moi, ça m’épate. Oui, vraiment. Sans ironie aucune, ce travail des mains qui créent un ouvrage, un bel ouvrage, me sidère. Peut-être que je pourrais avoir cette même admiration face aux mains du peintre, du sculpteur, de l’ébéniste. Oui, bien sûr. Mais ce qu’il y a en plus dans le tricot, c’est l’humble d’un travail fait de simplicité, d’ordinaire et même de quotidien. Qu’y a t’il d’admirable dans une écharpe, un pullover,  une couverture ? Qu’y a t’il de fascinant dans une maille à l’envers, une maille à l’endroit ?

Il y a ses dix doigts qui semblent savoir être exactement où il faut.

Sans que Maryvonne ait besoin de les regarder. Ils travaillent presque sans elle. D’ailleurs, Maryvonne, elle continue  à me raconter ses souvenirs. Eux, en revanche, ils se mélangent parfois. Sa mémoire lui joue des tours depuis quelques temps.
– Mais le spécialiste a dit qu’il fallait que je continue à raconter…et à jouer au scrabble aussi !
On fera une partie oui. Une petite partie parce que ça fatigue un peu de chercher des mots qui ne veulent plus revenir. Et puis, je servirai le café. Maryvonne reprendra son tricot là où elle l’avait laissé et sans même compter, ses doigts retrouveront le chemin. Maryvonne sourira.
– Tant que mes mains n’oublient pas, je suis vivante.

J’aime beaucoup les mains de Maryvonne. Quand je leur rends visite, elles me racontent sa vie. J’espère qu’elles vont me parler encore longtemps.

 

Bon mardi ! Que ce nouveau jour de Carême laisse vos mains faire ce qu’elles savent faire, simplement, et puissiez-vous regarder les mains autour, celles qui travaillent de mille et une façons, celles qui ne nous ressemblent pas aussi. Donnez à vos mains le temps de se reposer et de prier peut-être, avec l’évangile de ce jour:

Vous donc, priez ainsi :
Notre Père, qui es aux cieux…

       à demain

 

 

 

 

 

De nos mains (5)

Pour ce Carême, je viens vous raconter des mains…les miennes, les nôtres, les vôtres, et, à venir cette semaine, de “belles” mains que j’ai rencontrées ou que je croise encore…

 

Une main et des larmes

 

 

Je savais que ma main passée sur leurs larmes n’enlevaient pas le mal qu’ils s’étaient faits.
J’aurais aimé pourtant. Être de ces mamans un peu magiciennes, aux mains de fée.

Je la posais doucement en caresse sur le haut de leur joue, glissant et emportant les larmes avec elles avant que d’autres ne viennent.
Ma main, lorsqu’ils trébuchaient, petits, ou écorchaient leurs genoux, ou blessaient leurs corps en jouant, ma main savait soulager les petits bobos que plus tard un pansement ou un peu de rouge guériraient complètement.

 

Je savais que ma main passée sur leurs larmes n’enlevaient pas la peine qu’ils ressentaient.
J’aurais aimé pourtant. Être cette maman un peu miracle, à la main magique.

J’osais encore la poser doucement en caresse sur le bord de leur joue, glissant et emportant le flot de leur tristesse avant qu’elle ne s’efface complètement.
Ma main, lorsqu’ils rentraient, adolescents, d’un instant de collège difficile ou d’une heure de lycée blessante, ma main savait soulager les blessures que plus tard le temps ou un pardon guériraient complètement.

 

Je sais que ma main passée sur leurs larmes n’enlèvent pas le difficile de leurs vies quand difficile il y a.
Je voudrais tant pourtant mais nos vies, les leurs, sont ainsi, de rose et de gris aussi.

Je l’ai posée pourtant doucement en caresse sur le haut de sa joue, glissant et emportant ses larmes et priant secrètement pour y déposer un peu de paix.
Ma main, ma main de maman, reste là, pour elle, au creux d’un moment de peine, main qui sait soulager un peu les petits ratés de la vie dont on se relève, de ceux-là, toujours.
Grâce à cet amour.
Petite main passée sur des larmes, en caresse sur le bord d’une joue, glissant et emportant le triste d’un jour.

 

J’aimerais souvent que mes mains en essuyant les larmes effacent les peines.

 

 

Bon lundi !  Que cette première semaine de Carême ouvre nos mains aux peines de ce monde et à celles qui nous sont proches, dans nos soutiens réciproques. Et quand bien même nos mains ne parviendraient pas à essuyer toutes les larmes, elles pourront prier, encore.

Accueille les paroles de ma bouche,
le murmure de mon cœur ;
qu’ils parviennent devant toi,
Seigneur, mon rocher, mon défenseur !

 

 à demain 

De nos mains (4)

Peut-être parce que du jeûne qui retient mes mains de trop faire, de la prière qui les fait se rejoindre en croisant mes doigts, de l’aumône qui essaie de les ouvrir aux autres, mes mains, les mains, nos mains sont elles aussi à raconter.
De l’imposition des Cendres, croix marquée sur nos fronts par la main du prêtre, jusqu’à Ses mains clouées en croix au soir de Sa Pâque, le Carême me parle d’elles tout le temps.

Alors, je vais venir vous raconter des mains, oh… pas seulement les miennes, surtout celles autour.

 

Comme les mains de Célestin

 

Les mains sur le volant, j’ai accroché mon regard sur la route et traversé une grosse heure de campagne faite de bocages, de petites vallées et de virages dociles. Le ciel tout gris, les gouttes de pluie et le sourire aux lèvres. Il y a des rendez-vous d’amitié qui font la vie jolie, presque facile. Je l’ai déjà écrit mais c’est vrai que c’est toujours étonnant, presque bouleversant, l’amitié. Avec son temps et ses degrés. Avec le temps d’aujourd’hui, aussi.
On n’a pas su se dire depuis combien de temps on échangeait des mails, des sms, des lettres, des photos. On s’est mis d’accord pour au moins 8 ans. C’est pas mal 8 ans d’échanges écrits, sans nos voix. C’est pas mal 8 ans d’échanges avec nos seules mains sur le papier, nos seuls doigts sur des claviers. Parce que voilà, les mains sur le volant, accrochées au fil de la route, Manon, j’allais la rencontrer “en vrai” pour la première fois. Non, pas “en vrai”, je la connais déjà. “En chair et en os” serait plus juste.
Est-ce que ça vaut davantage de se voir au-delà de nos mains qui se parlent ? Je ne sais pas. Les miennes sont accrochées sur le volant et  je repense aux vieilles heures épistolaires de vieux amis de littérature. Je pense à mes lettres à Jésus aussi. Je souris.

 

Je suis arrivée.

Elle est là. Exactement là. Je la reconnais en tout.

Et lui aussi. Il est là. Contre elle, son petit garçon de 14 mois.

 

On se connaît depuis 30 minutes Célestin et moi, et, sans savoir parler, il me sourit, rit aux éclats, m’apporte un jouet puis deux. Un livre.
Ses petites mains, elles, me parlent, se plient, se ferment, s’agitent, applaudissent, s’ouvrent, discutent.
Elles me disent la confiance qu’un tout-petit accorde à l’étrangère que je suis, sans jugement, sans préavis, sans peur.
Elles me rappellent ces mots d’évangile qui nous disent de les laisser venir à Lui.

 

 

Les mains sur le volant, j’ai accroché mon regard sur la route et traversé une grosse heure de campagne faite de bocages, de petites vallées et de virages dociles. Dans l’autre sens, emportant avec moi les mots de Manon, nos premiers partages en voix en vrai. Le ciel tout gris, les gouttes de pluie et le sourire aux lèvres. J’ai emporté le cadeau d’un nouveau jour.

Et un cadeau de plus. Le joli d’un moment, la confiance d’un enfant et les petites mains de Célestin.

 

 

 

Bon samedi, premier dimanche de Carême demain. Avec une pensée toute particulière pour vous qui passez ici  et qui, souvent, me lisez sans me connaître en voix en vrai. Que nos partages, ici et ailleurs, pendant ce Carême, soient fait de douceur et de confiance.
Comme les petites mains
 de Célestin.

 

Et à lundi matin. :-),

“Les mains de Célestin” ©Manon M.P.

 

 

 

De nos mains (3)

Peut-être parce que du jeûne qui retient mes mains de trop faire, de la prière qui les fait se rejoindre en croisant mes doigts, de l’aumône qui essaie de les ouvrir aux autres, mes mains, les mains, nos mains sont elles aussi à raconter.
De l’imposition des Cendres, croix marquée sur nos fronts par la main du prêtre, jusqu’à Ses mains clouées en croix au soir de Sa Pâque, le Carême me parle d’elles tout le temps.

Alors, je vais venir vous raconter des mains, oh… pas seulement les miennes, surtout celles autour.

 

Ces petites mains.

 

J’aurais pu rester plantée quelques minutes supplémentaires devant la porte. Je n’avais pas la clé mais Odile était là. Elle m’a ouvert d’une main, l’autre tenait le tuyau d’un gros aspirateur. J’arrivais pour les derniers préparatifs de l’éveil à la foi, elle partait vers la chapelle pour “un bon coup de nettoyage.” C’était chouette de la trouver là.

J’aime bien Odile. Elle n’habite pas très loin de la maison alors on fait aussi équipe ensemble pour les préparations de messes.

J’aime bien Odile. Elle a toujours l’air de s’excuser un peu.
– Oh tu sais… j’ai mal commencé mon Carême moi, nous sommes rentrés seulement hier soir, tard…
Mais elle était chez sa fille et ses petits-enfants à passer du temps en famille et déjà prête à faire le ménage aujourd’hui, petites mains données :  j’ai trouvé que c’était un bon début de Carême.

 

J’aurais pu rester encore quelques minutes tranquilles à attendre les amies pour les derniers préparatifs de Carême mais Bernard est passé chercher un dossier alors on s’est raconté un peu la Bretagne avant qu’il ne reparte vers l’église pour je ne sais plus quelle vérification à faire.

 

Les filles sont arrivées. On a préparé. J’aime bien ces moments. Les idées d’Annie et de Laurence croisent les miennes et ça fait toujours de jolis mélanges. On entendait parfois une porte s’ouvrir, une voix de l’autre côté. Ça ressemble à une ruche un centre pastoral, souvent. Peut-être bien qu’il y a du doux et du bon qui se fabriquent ici.

 

 

Je suis rentrée deux heures plus tard en me disant que j’avais de la chance. Rien n’est jamais idyllique ni trop parfait et à l’heure où l’Église est éclaboussée par des affaires plus sordides les unes que les autres, je suis souvent triste pour elle, pour nous. Pourtant, je n’arrive pas à être foncièrement pessimiste quand je regarde vivre ma paroisse. Elle me redonne le sourire. Elle a cette Joie de croire.
Bien sûr comme ailleurs, les énergies vieillissent, les bancs sont sans doute moins remplis, les baptêmes et mariages en chute mais il reste du beau, il reste du bon, il reste du doux. Et tant de jeunes gens, de jeunes familles, aussi.

Il reste du bon oui, fait de toutes ces petites mains qui nettoient, fleurissent, préparent, répètent, agencent, bricolent, chantent, cherchent, partagent. 
Au regard des vies autour et du monde ailleurs, ça peut passer inaperçu, ça ne paraît pas grand chose, ça semble du presque rien que de remuer nos petites mains au nom de notre Foi.

 

 

Alors, il suffit d’arriver à la maison, de voir qu’un papier dépasse de la boîte aux lettres, de pousser ses pas jusque là pour l’attraper:  le dernier numéro du journal de la paroisse juste livré par le bénévole du quartier. Au moment de remonter l’allée, croiser la voisine.
– Ah moi aussi, j’ai vu qu’il avait été déposé à l’instant.
Le sourire. Et le bonsoir.

Peut-être que ses mains vont l’ouvrir. Elle qui ne connaît pas l’Église. Du tout.
Peut-être qu’elle y lira un peu de toutes ces petites mains qui la rendent, cette église, ici, si jolie à vivre.

 

Bon vendredi  !
Le Carême, c’est aussi rendre grâce pour nos petits gestes de rien, ceux qu’on fait de nos simples mains, sans grand discours, sans beaux atours, bien loin de toute théologie. N’oublions jamais qu’Il est le Dieu de tous ces petits riens qui font l’Église, Dieu fait chair pour vivre nos vies. Comme Isaïe nous le redit au matin, Il est toujours là.


Si tu appelles, le Seigneur répondra ;

             si tu cries, il dira : « Me voici. »

 

Et 40 jours ou presque à L’aimer toujours plus. 🙂

 

 

De nos mains (2)

Peut-être parce que du jeûne qui retient mes mains de trop faire, de la prière qui les fait se rejoindre en croisant mes doigts, de l’aumône qui essaie de les ouvrir aux autres, mes mains, les mains, nos mains sont elles aussi à raconter.
De l’imposition des Cendres, croix marquée sur nos fronts par la main du prêtre, jusqu’à Ses mains clouées en croix au soir de Sa Pâque, le Carême me parle d’elles tout le temps.

Alors, je vais venir vous raconter des mains, oh… pas seulement les miennes, surtout celles autour.

 

D’un revers de main.

Il me semble que je la balayais très vite de mon front la petite croix de Cendres. Je l’effaçais sans doute par coquetterie mais je crois bien davantage parce que je n’avais guère envie d’être vue avec des cendres sur la tête, me demandera-t-on d’où je sors ? Alors je la faisais disparaître.
D’un revers de main.
Jusqu’à ce mercredi soir, celui où elle nous a montré qu’on “pouvait” – elle n’a pas dit “devait”- la garder encore un peu. L’arborer comme un bijou. Je n’ai pas oublié. Oser sortir de l’église, passer à la boulangerie, croiser des voisins avant de rentrer.
Avec une petite marque d’amour.

Il a raconté l’amour infini de Dieu, incommensurable, immense. Il l’a raconté à tous mais surtout aux enfants assis au premier rang, ceux qui seront baptisés lors de notre veillée pascale. Il a raconté l’amour infini de Dieu pour chacun d’entre nous et pour nos faiblesses, nos failles, nos manquements qu’Il sait pardonner. Effacer.
D’un revers de main.
Le geste de notre prêtre, descendu de l’autel au plus près de nous, a accompagné ses paroles, balayant l’air doucement de la main. Les enfants ont été attentifs, ils  ont souri, ils ont peut-être mieux compris les premiers pas de leur chemin de futurs baptisés.
Avec Son pardon, immense marque d’amour.

Ce matin, je me demande encore quelle idée j’ai eue et dans quelle entreprise je me suis embarquée. Mais vous le savez bien maintenant, ce petit vertige devant les 40 jours à venir comme devant une feuille blanche. Me faire, l’espace d’un court instant, envieuse de celles et ceux qui ont choisi de tout éteindre, de disparaître, de déconnecter de leurs claviers. Tout envoyer balader.
D’un revers de main.
Savoir pourtant qu’écrire des mots au tard du soir ou au tôt du matin c’est une façon d’ouvrir mon cœur à Dieu et au partage qui “déchire le cœur”à la manière de Joël. Il y a tant de mains autour à venir vous raconter.  
Avec un peu d’amour.

 

Bon jeudi après les Cendres… Que nos revers de main ne fassent pas valser trop loin le beau. Patience. Et n’oublions pas ce que  Moïse nous redit ce matin : ” Choisis donc la vie !” et sûrement… à pleines mains.  😉

 

 

 

 

 

 

 

De nos mains (1)

Peut-être parce que du jeûne qui retient mes mains de trop faire, de la prière qui les fait se rejoindre en croisant mes doigts, de l’aumône qui essaie de les ouvrir aux autres, mes mains, les mains, nos mains sont elles aussi à raconter.
De l’imposition des Cendres, croix marquée sur nos fronts par la main du prêtre, jusqu’à Ses mains clouées en croix au soir de Sa Pâque, le Carême me parle d’elles tout le temps.

Alors, je vais venir vous raconter des mains, oh… pas seulement les miennes, surtout celles autour.

 

On nous parle toujours à chaque nouveau Carême – et fort justement – d’un temps à suivre Ses pas, d’un chemin fait d’essentiel, d’une route où Dieu randonne à nos côtés. Et même d’une “conversion.” Je ne suis pas certaine d’aimer ce mot “conversion” qui étymologiquement m’inviterait à une drôle de pirouette sur moi-même laissant ce que je suis pour devenir une autre.
J’exagère un peu.
J’exagère à peine.
Ce n’est tout simplement pas possible.

Certes, je peux me tourner davantage vers Dieu, ou mieux, pour Dieu vers les autres, mais humblement, en y regardant à deux fois et sans aucune fausse modestie, mon demi-siècle de Carême ne m’a pas “changée”. Oh! sans doute aimerais-je assez sentir chaque année que ce Carême a été “efficace”. Nous sommes bien dans cette ère du rentable non ? et j’avoue que moi aussi je m’y laisse souvent happer. Je ne parle même pas de mes pauvres petites forces humaines décuplées au rythme d’efforts dérisoires mais bien de la place que je lui fais pour me laisser faire. Oui c’est bien là. Mais point de conversion.
Carême désespérant ? Pas vraiment.
Mal compris ? Souvent.
Inutile ? Certainement pas.
Alors donc, faut-il pour autant faire une croix dessus le jeter aux oubliettes ? Non, bien sûr que non.
Mais peut-être y entendre un autre mot que celui de conversion. Un mot plus petit. Un mot qui laisse à Dieu le soin de s’approcher et à nous celui d’être un peu plus proche.

 

Un réveil ?

 

Comme au matin
Il y a ce réveil dans mes mains

Lorsqu’elles tâtonnent encore dans la pénombre de la chambre
Lorsqu’elles se laissent glisser sur la rampe d’escalier chemin familier qui guide mes pas silencieux
Lorsqu’elles cherchent un peu de chaleur en se serrant l’une contre l’autre et, malicieuses,  frottent les joues de mon visage fatigué
Lorsqu’elles touchent le monde encore endormi et osent croiser d’autres mains, les rencontrer, les encourager, les recevoir.
Les aimer

Au premier jour de ce Carême
Il y a ce réveil dans mes mains

Lorsqu’elles tournent les pages d’une Bible et laissent, confiantes, les doigts filer sur les lignes
Lorsqu’elles suivent Ta Parole à la fois familière et nouvelle, accompagnent, soutiennent, écrivent ma prière silencieuse
Lorsqu’elles cherchent un peu de lumière et retiennent dans mes paumes ce qui fera peut-être grandir mon jour qui sait
Lorsqu’elles touchent mon cœur endormi et espèrent qu’il croise d’autres mains, qu’il leur laisse de la place, et qu’il ose encore les aimer

 

Un réveil.

 

Je préfère ce mot-là.

Il y a ce réveil possible dans nos mains qui cherchent, qui prient, qui font, qui Te reçoivent et surtout qui  essaient au matin de ce nouveau Carême de frotter nos paupières pour y voir un peu plus clair!

 

Bon mercredi des Cendres, belle entrée en Carême chers amis, amies, à nous réveiller, à “déchirer nos cœurs” comme nous y invite le prophète Joël et à laisser nos mains s’ouvrir !

 

 

 

 

 

 

Des gris

La Bretagne a dans ses gris ses histoires de pluie, de granit et de vent. De temps hors du temps.

 

Si ses couleurs peuvent paraître ternes et répondre en écho aux tristes de certains jours, c’est ne pas connaître les argentés de son océan au dernier soleil du soir, ni les gris bleutés de ses chapelles de granit qui tendent leurs croix au ciel, ni les contrastes de ses pastels cendrés de cumulus qui s’amoncellent avant l’orage.
Ici, les gris ne sont pas mélancoliques. Ils redisent simplement aux hommes qu’entre la lumière éclatante d’un jour et le sombre de leurs nuits, il y a cet interstice, toujours variable et ô combien présent, d’un mélange de blanc et de noir. C’est peut-être pour cette raison que j’aime ces gris-là. Parce que le blanc, trop lisse me fait fuir, et le noir, trop plein, me fait peur. Le gris me rassure.

 

La Bretagne a dans ses gris ses histoires de pluie, de granit et de vent. De temps hors du temps.

 

J’ai pensé à ces gris en regardant l’océan au matin. Il n’y avait rien d’éclatant, rien de bien dessiné. Aquarelle tout en fondu, en délavé, en tons mélangés. Comme nos vies. Bien et mal, sans cesse à nuancer nos jours. J’ai pensé à ces gris en relisant les nouvelles au matin. Je me suis rappelée une belle journée à l’Arche de la Rebellerie au printemps dernier, le soleil éclatant entre les pieds de vignes, la bonté des mains tendues et le vrai des sourires. Il y avait un portrait de Jean Vanier, souriant aussi. Sa chemise blanche. Le bon. L’éclatant. J’ai recherché si, dans mes souvenirs, si, dans son sourire, il y avait la moindre trace de la souffrance infligée aux femmes, victimes, qu’il a touchées. Le sombre. L’abject. Ce blanc trop vif, ce noir écœurant. Le gris me rassure.

 

La Bretagne a dans ses gris ses histoires de pluie, de granit et de vent. De temps hors du temps.

 

J’attends avec une presque impatience le gris qui sera déposé une nouvelle fois sur mon front. Croix de Cendres. Rien d’éclatant, tout le contraire même. Volée de poussières, gris de nos ténèbres. Pourtant, une vieille femme que j’aimais me disait de l’arborer fièrement au sortir de l’église. Bijoux osés, cendres de notre humanité, de nos failles, de nos blessures, de nos tourments.

Elle est galvaudée la métaphore mais il y a bien dans nos vies plus de gris que de blancs éclatants ou de noirs entêtants. Ces gris, Dieu les connaît. Jésus les a appelés. Paul, Pierre et les autres. Il ne les a pas tus dans un silence honteux et coupable. Le gris n’est pas tiède.

 

Suivre ses pas, encore une fois.
Mercredi, je commence un petit chemin ici, avec vous.
Fait de nos mains, croisées, aimées, retenues, rejetées, osées.
Des gris pâles éclats de notre lumière, des gris foncés reliefs de nos heures, un Carême aux nuances incertaines de nos vies, ombres posées à la seule Lumière de la Sienne.

 

 

Petite prière sur le sable

Petite prière à mes amis d’ailleurs, à Peter et Manuella, du Liban et du Burkina, d’un monde qui brûle.

 

Dieu entend le monde qui pleure

Lorsque l’océan se retire et laisse ses larmes sur le sable
L’écho des vagues ne brise pas son silence
mais répète qu’Il est là qu’Il pleure avec nous

Dieu embrasse le monde qui souffre

Lorsque l’écume efface nos mots elle dépose ma prière sur le sable
Les battements de nos cœurs ne brisent pas le silence
mais disent qu’Il est vivant qu’Il vit avec vous