Un enfantement pour une crèche

Douzième jour

L’ange lui dit alors :
” Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus.”

J’aime ces verbes de nos langues qui disent la naissance.
J’aime savoir que Dieu est né en ce monde.
J’aime encore davantage savoir qu’Il a une mère.

Et je n’ai pas de temps dans ce temps qui ressemble presque en ce moment à celui que je n’avais pas quand j’étais maman de trois petits … 😉
Je n’ai pas le temps d’en écrire davantage alors je vous laisse, chers amis, une petite prière d’il y a longtemps, celle qui si va bien avec nos crèches.

À demain  

 

Ton ventre s’est arrondi
Tout doucement
Tes mains se posent sur la sphère de vie
Tendrement
Tes bras se croisent sur ton amour
Passionnément
Marie
Remplie du feu intérieur, tu attends
Tu attends la promesse
Ton visage s’éclaire d’un sourire confiant
Tes mains sont ouvertes maintenant
Offertes en un oui
En merci
Tu attends l’Enfant
Ton enfant
Tu vas donner la vie
Marie
Tu vas nous donner La Vie

Méditation au berger

Onzième soir

 

Je ne suis pas certaine de vous avoir dit que chaque soir, lorsque j’écris mon billet, je le fais juste à côté de ma crèche. Moi, je pose mon petit ordinateur au bout de ma table de salle à manger. Elle, sur ma droite, borde longuement mon buffet. Finalement, je ne la regarde pas seulement. Nous NOUS regardons. Et ce soir, en ligne de mire, un petit clin d’œil à mon berger, celui qui garde ses trois moutons ( les autres sont encore ailleurs, loin, dans les collines, évidemment).

Et il est là. Silencieux. Le regard pensif posé sur ses brebis. Oui, des brebis c’est mieux que des moutons. Plus bibliques. 😉
Donc il est là mon berger, solitaire. Même si des brebis lui tiennent compagnie.

Et je me demande à quoi pouvait penser un berger du temps de Jésus si ce n’est à ses brebis, au chemin à parcourir en allant et ne rentrant, aux autres amis bergers, aux dangers d’une nature plus hostile qu’aujourd’hui, au village qu’il retrouvait, à sa famille peut-être. Chaque jour recommencé, presque le même. Et soudain, dans ces habitudes et ce quotidien des plus quotidiens, l’extraordinaire nouvelle. De quoi chambouler le reste d’une vie non ?

Et il reste là mon berger. Sa vie continue de continuer.

Et je me dis c’est exactement ça Jésus dans ma vie. Chaque jour recommencé, pas loin d’être le même. Et dans mes habitudes, dans mon quotidien si quotidien, une extraordinaire nouvelle encore plus extraordinaire qu’une naissance. Une naissance qui nous sauve. De quoi chambouler le reste de ma vie, non ?

Si.

 

Ça pourrait ne rien changer. Sauf que si.
Je reste là. Et, Il est là, avec moi, pour continuer ma vie.
( Ça change tout.  😉 )

 

Au coeur

Dixième soir

Il est des soirs où l’on sait le temps un peu compté parce qu’il faudra bientôt repartir vers une réunion.

Parfois, dans ces fins d’années aux agendas toujours bien remplis, entre les cours, les conseils de classe, les réunions de parents, les autres réunions et… les réunions de paroisse, je trouve que ma crèche est reposante. Pourtant, tout le monde s’affaire vous savez. Oui vous savez, je vous ai raconté un peu hier. Mais, la savoir là, la voir, la regarder d’un peu plus près, est reposant.

Elle me repose.

Un coin-prière en grand au milieu de la maison plutôt que dans un petit coin caché de tous. C’en est presque étonnant cette visibilité dans ma maison, dans nos maisons. Pour certains, oui, on Lui laisse enfin une vraie place.

Au cœur.

Je ne suis pas naïve. Je sais bien que les petites crèches quand elles sont encore là dans les maisons, au pied des sapins, elle se font gentilles, un peu discrètes.
Mais quand même, elles sont là.
Vous avez vu d’autres moments dans l’année, dans nos vies, croyants, – très, un peu, beaucoup, pas trop, – vous avez vu d’autres moments où Jésus est autant chez nous ?

Au cœur.

Non. Aucun.
Alors, ma crèche, en bien grand pour Ce Tout-petit qui vient, et bien, elle est repos.
De mon corps, de mon âme. Et c’est bon.

à demain 😉

 

Le petit Jésus, on le met ou pas ?

Neuvième soir.

– Mais le petit Jésus, on le met ou pas ?

La question s’est posée. Ce lundi midi, après la cantine et avant la reprise des cours, on s’était donné rendez-vous mes catés 5è et moi pour faire le sapin et la crèche.
Cette année, nous avons jeté notre dévolu sur la grande salle d’étude car notre collège, en grands travaux jusqu’en février, n’a plus de hall d’entrée digne de ce nom pour accueillir Noël.

– Mais le petit Jésus , on le met ou pas ?

Il a donc fallu trouver un peu de place dans cette grande salle.
– Devant madame, comme ça on les verra tout le temps !
Alors, on a bougé deux tables, puis ils ont remonté le sapin artificiel branche par branche, sorti les décos du grand sac, enguirlandé sans se fâcher, accroché les boules à tout va, et enfin retrouvé les santons, les moutons, l’étable et… Et c’est en déroulant le papier crèche que l’un d’entre eux a demandé:

– Mais le petit Jésus, on le met ou pas ?

Il était encore temps de faire le tour de la question.

Chez moi, on le met parce qu’il est collé dans le plastique avec Marie et Joseph.
Ah nous, on attend le 24 à minuit.
Oui, mais le 24 on ne sera pas au collège.
Nous on le met parce qu’on se dit qu’il est né depuis longtemps.
Nous aussi, on le met le 25 en même temps qu’on s’offre nos cadeaux.
Et bien on pourrait le mettre en janvier quand on reviendra non ?

Dernière option adoptée à l’unanimité.

 

C’est chouette ces travaux au collège cette année qui nous empêchent de faire notre sapin et notre crèche dans le hall d’entrée. La grande salle d’étude à l’heure de Ta crèche, si Tu voyais. J’ose presque espérer que cela apaise un peu leurs heures de travail des 15 jours à venir ou de lecture ou de rien-du-tout-parce qu’-on-a-plus-rien-à-faire.
Oh…s’ils pouvaient simplement regarder. 🙂

Pendant ce temps-là, entre ma tasse à café et mes mouchoirs, pas loin de mon dictionnaire et quelques crayons qui traînent, j’ai fait un petit nid douillet à notre petit Jésus. Dans mon casier de la salle des profs.

Lui, planqué jusqu’à janvier.
Et au plus profond de mon cœur.

 

à demain

PS: Crèche au collège d’une année précédente…. complètement oublié de faire quelques photos ce midi, je me rattrape bientôt pour vous montrer, promis.

Vivante

Huitième soir.

Le soir vient de tomber.
Sur ma crèche, les lumières dessinent des ombres.
J’aime bien la regarder en cette fin de journée.
Et, d’une main tranquille, je bouge chacun de mes santons d’un petit pas.

 

Je ne vous ai pas dit ça, c’est vrai.
Mes santons marchent.

Ils marchent eux-aussi sur le chemin et, pas très loin de leurs pas, Joseph guide le petit âne. Marie s’endort un peu. La nuit sera encore fraîche, il faudra vite s’arrêter pour faire un feu qui réchauffe, manger le pain qu’on a emporté pour la route avec quelques fruits secs. Plus loin, au village, mon boulanger se réveille de sa sieste, le professeur corrige ses copies, les enfants jouent sans penser à lundi, la jolie fermière rentre ses poules et le marin, juste débarqué au matin, va retrouver les siens. Bien loin ailleurs, mes mages consultent encore leurs livres…

 

Mes santons marchent.
Ce n’est pas seulement parce que j’aime raconter des histoires vous savez.

 

Je me suis toujours racontée des tas de petits films devant la crèche de mon enfance. C’est moi qui l’installais. Je n’avais pas trop le droit de toucher à Marie et Joseph qui passaient leur Avent dans leur étable sans bouger d’un iota. Je les plaignais et parfois, en cachette, je leur faisais faire une petite virée en amoureux. Les bergers, eux, avec leurs moutons, et quelques autres santons, tout comme les rois et leur chameau, je pouvais les faire avancer à mon gré. Et des décembres dont je me souviens, c’est un moment que j’aimais plus que tout.
J’ai encore une vraie tendresse pour cette petite fille, allongée sur le sol en pyjama et en chaussons qui jouait à raconter Sa naissance. Je ne suis pas certaine qu’il y ait eu plus belle aventure à raconter en vrai. Alors, j’ai continué. Et j’aime tout pareillement.

Le soir vient de tomber.
Sur ma crèche, les lumières dessinent des ombres.
Mes santons avancent.
Joseph a trouvé un refuge. Il donne à manger à son petit âne.
Marie rompt le pain du dîner puis pose une main sur son ventre.
Il est là.

Un premier samedi de décembre

Septième soir

C’est un premier samedi de décembre qui ne s’est pas vraiment trompé.

Il a invité le froid vif au dehors, a fait sortir les laines des armoires et même, quelques plaids un peu doux.
Sur la table, des clémentines tentent un pied de nez à mon rhume carabiné et le miel essaie d’adoucir cette toux qui va peut-être enfin se décider à quitter ma carcasse.

C’est un premier samedi de décembre qui me dit de m’arrêter un peu.

Il a invité la petite sieste, les quelques dernières pages d’un bon bouquin et un petit chocolat chaud pour reprendre des forces. C’est un samedi facile au fond, délicatement parfumé d’un peu de Noël, comme un doux privilège.

C’est un premier samedi de décembre qui a accroché quelques lumières au-dessus d’une étable encore vide.

Peut-être bien que ma crèche n’aime pas la solitude et le froid, la nuit et l’absence. Peut-être bien qu’au chaud de ma maison, elle parle à Dieu, elle espère sans cesse, elle prie sans relâche pour les oubliés de nos rues, de nos villes, de nos vies.

C’est un premier samedi de décembre qui, pourtant, n’oublie jamais la Joie d’être en chemin même si, tout au bord, il n’y a pas que du très joli.

 

C’est un premier samedi de décembre qui ne s’est pas trompé.
La crèche, installée au cœur de ma maison, ressemble à une petite prière.
Sans bruit, finalement discrète mais toujours infiniment là.

 

Du goût des autres, et Toi

 

Sixième soir

Il y avait déjà eu il y a 3 ou 4 ans cette amie qui avait déniché une crèche à deux euros dans une farfouillerie, toute en couleurs, made in je ne sais trop où, qui en un seul bloc de plastique gardait Marie-Joseph-Jésus-âne-bœuf-bergers-moutons-divers santons-et-les mages-étoiles-même-un-ange.
” Il y a bien tout dis, c’est bien comme crèche ?”
Evidemment que j’ai dit oui. Elle n’avait jamais eu de crèche et je crois qu’elle était vraiment heureuse de déposer celle-ci au pied de son petit sapin, au bord de son coin prière tout neuf.

Et puis il y a celle de Mimi faite de laine tricotée.

Celle de Jacques, aux personnages sculptés dans des bouchons de liège – je garde tous les bouchons, ceux de champagne font de superbes bonshommes tu sais.

Et encore celle de Jeannick exposée tous les ans dans son village parce c’est son père qui lui a fabriquée pendant la 2ème guerre mondiale avec trois fois rien alors qu’elle était une toute petite fille.

Et ce matin ce message d’une jeune maman que je connais bien :
– J’ai commandé ma crèche, elle est trop belle !
Et la photo.

Voilà.

C’est certain. Il y a les épurées, les classiques, les provençales, ma petite bretonne. Les faite-mains dans des petits ateliers d’artistes, de monastères parfois, qui te coûtent un bras à chaque nouveau santon. Celles qu’on va sans doute trouver très belles.

Et il y a les crèches à deux balles, en plastoc ou très kitsch.

 

Et bien, Jésus, je crois que Tu t’en fiches royalement et que les p’tites crèches à trois fois rien ou de mauvais goût – quel goût d’abord ? – Tu les aimes tout autant voire bien davantage peut-être que nos semblants d’œuvres d’art.
Parce que Tu es dans Toutes.
Absolument toutes.

à demain  😉

 

Des langes au linceul

“On ne devrait pas pouvoir mourir à cette période de l’année, c’est bientôt Noël…”

Ce n’est pas la première fois que j’entends cette phrase.
Tellement humaine, tellement faite de notre fragile humanité.
Parfois même, on y  ajoute “si le bon Dieu existait, Il ne permettrait pas cela…”
Humanité si démunie face à ce qu’elle ne veut pas.

Ce matin, le cercueil, dans l’église, faisait face à la crèche.
Ou plus exactement, le cercueil était déposé aux pieds de la crèche qui, dans l’église de mon collège, a été installée cette année juste au-devant de l’autel.
“Mais pourquoi il y a la crèche, c’est une sépulture…?” Un jeune collègien s’est même interrogé.

On oublie très souvent, ou on ne sait simplement pas, que le bébé emmailloté de langes, joie d’une naissance, est Joie pour les Chrétiens car Il a donné sa vie.
On oublie trop souvent, ou on ne sait simplement pas que son linceul laissé là, sur la pierre, au matin de Pâques, nous sauve bien davantage qu’une simple naissance.

 

Ce matin, Ta crèche, Jésus, au cœur de ma campagne, dans cette église tellement grande qu’on la surnomme parfois en souriant cathédrale, pétrie de lumière et de l’amour des gens rassemblés pour un dernier adieu à ce papa, oui, ta crèche, Jésus, semblait ouvrir ses bras pour l’accueillir.
Non, elle ne semblait pas.
Tu L’accueillais, Tu l’emmaillotais déjà de tout Ton amour.

 

 

Un voyage jusque là

Je ne sais plus très bien combien de jours il a fallu à Marie et Joseph pour se rendre à Bethléem mais je sais qu’il a fallu des jours nombreux, des jours et des nuits.
C’est quelque chose qui m’interroge toujours le temps des voyages dans notre rapport au monde depuis la nuit des temps.

Petite, je me souviens avoir entendu mes grands-parents raconter que pour certains enfants de leur génération, il fallait une heure à pied et le matin et le soir pour se rendre à l’école. Je n’arrivais pas très bien à imaginer cet effort avant ou après la classe.
Plus récemment, mes élèves de sixième, en regardant le documentaire “Sur le chemin de l’école” en éducation civique, m’ont fait part de leur étonnement de voir en 2022 des enfants du monde voyager longtemps, très longtemps, souvent à pied, et en prenant des risques pour atteindre leur école chaque jour.

C’est tellement facile et sans peu d’effort pour moi, pour nous, de me rendre ici ou ailleurs dans ma petite auto confortablement installée au chaud, en assez peu de temps et souvent sans beaucoup de dangers.

 

En regardant ma crèche ce soir, je me dis qu’elle me fait l’éloge du temps, qu’elle nous redit de savourer ce temps que nous pouvons encore prendre.
Et paradoxalement aussi, elle me rappelle que rien n’est facile pour Angélique et ses enfants qui n’ont pas de voiture et doivent toujours compter sur leur débrouillardise pour avancer dans leur vie. Elle me rappelle les enfants d’un ailleurs qui nous semble si lointain, et ceux qui entreprennent de quitter leur pays, sans beaucoup de choix, souvent sans retour possible et au prix de leur vie.

Et je dépose ma petite prière pour tous ces voyageurs d’un monde impossible, d’un monde cruel. Qu’ils puissent poser leurs pas sur des terres amies, et eux aussi, trouver un endroit où pourra naître la vie.

 

Une crèche, pas un rêve

Troisième soir.

Le mardi parfois et parce que j’ai un peu plus de temps, je prends une p’tite pause café chez un couple de vieux amis. J’aime bien ce temps. Je les regarde. Un vieux couple de 57 ans de mariage qui se donne la main dans leurs balades et dans leur quotidien.
Elle est sa vue quand il ne voit plus très clair, il est son bras qui la soutient quand ses jambes peinent un peu.

C’est toujours lui qui sort les tasses, c’est toujours elle qui verse le café, c’est lui qui offre le petit chocolat qui va avec, c’est elle qui insiste pour que j’en prenne un.
Je me dis souvent qu’il y a de ça chez moi aussi avec le temps qui passe : chacun se fait le gardien de l’autre, et j’aime bien.

 

J’y pensais en regagnant tranquillement la maison quand au détour de ma crèche, je les ai regardés encore, eux aussi.
Mon petit couple de petits vieux.

Ils veillent pour moi, dans la crèche, sur tous les couples jeunes, moins jeunes ou déjà vieux que je croise au fil de mes jours, de ma famille ou de mes amitiés.

Et je ne peux jamais oublier en regardant Marie si proche de l’enfantement et Joseph empli de confiance et d’autant de questions, combien nos vies de mariés ou de compagnons ont besoin de nos mains qui se donnent et de nos bras qui se soutiennent.

 

Il y a dans nos crèches non pas un rêve d’amour édulcoré d’un petit couple d’amoureux qui passe, encore moins le rêve d’une famille parfaite, oh non.
Non.
Décidément non. Ce n’est pas un rêve une crèche de Noël.
C’est la vie, la vraie, avec le difficile, l’adversité et la confiance malgré tout.

 

Ce soir, mon petit couple de petits vieux se tient serré. Ils gardent l’un contre l’autre toute l’ampleur de leurs vies avec ses joies et ses épreuves et regardent la vie qui va naître.
Et c’est doux.

à demain