“J’ai cru au jour la première aujourd’hui.”
Il y a dans chaque matin cette parole d’Antigone.
Quand le monde dort encore, croire au jour est possible. Comme une espérance.
Le plus difficile, souvent, est de continuer à y croire quand le monde se réveille.
En plein jour.
Quand les couleurs se font plus franches, quand les dilués se révèlent, quand chaque minute affiche son éclat.
Et ses revers de gris.
Mes élèves de troisième sont revenus, depuis quelques temps déjà. En petits groupes, presque tous là.
On essaie de continuer, de faire comme avant. On y arrive à peine. Leurs masques retiennent leurs sourires et leurs bêtises. Et me manquent ces cours où je faisais virevolter mes mots et où ils jouaient avec.
Mais malgré cela, on est encore un peu ensemble, et c’est bon.
Et puis il y a eu ce petit bout d’heure.
Le théâtre et Antigone, on ne peut pas trop s’y coller. Sauf avec nos voix. Le jeu consistait à trouver le ton.
Et à choisir. Avec ou sans masque ?
Avec son masque, R. a lu un Créon qui étouffait sa colère.
Beau.
Avec le sien, M. a caché la tristesse qui emplissait Hémon.
Beau.
Est venu le tour de R.
– Madame…je vais tout au fond de la classe et j’enlève mon masque, je peux ?
– Oui…tu peux dire pourquoi ?
– Antigone…elle sait qu’elle va mourir mais parle d’espoir. On ne peut pas dire qu’on aime la vie en baissant la voix ou même en la forçant derrière un tissu. J’ai besoin d’une voix claire: tout le monde dort et elle, elle est réveillée. Tout le monde semble mort et elle, elle vit.
J’ai cru au jour la première aujourd’hui.
R. a osé monter sa voix pour terminer en une voyelle qui crie.
Notre aujourd’hui. La vie.
Croire au jour est possible.
Quand les couleurs se font plus franches, quand les dilués se révèlent, quand chaque minute affiche son éclat.
Quand les voix se font claires pour aimer la vie, malgré tout.
c’est drôle ce que tu écris parce que chaque matin ou presque je me dis que ça va être une bonne journée simplement parce qu’elle commence. 😉
Je me le dis souvent aussi 😉 🙂
😍