Il est là. Il est là ce moment des vacances où je perds un peu le fil du temps.
J’ai demandé trois fois déjà cette semaine – mais quel jour on est ?
J’ai cherché autant de fois – mais quel jour c’était déjà ? – ce jour où l’on a croisé Bernard qui nous a parlé de l’Italie, celui où j’ai préparé un grand plat de tomates farcies, celui où j’ai acheté un nouveau stylo plume – sans doute pour me raccrocher un peu au temps le stylo plume.
Pourtant, je perds le fil du temps. Je laisse les heures disparaître entre les lignes de mes lectures, je laisse le temps s’étirer au long d’une plage, je laisse les minutes oublier que j’ai des amis qui viennent déjeuner. Ce n’est pas comme d’habitude les invitations de l’été. On a déposé la pile d’assiettes au bout de la table, on mettra le couvert ensemble, peut-être qu’on mangera dehors si on en a envie. On pourra même continuer à préparer le repas, tout n’est pas vraiment prêt, c’est presque mieux.
Je perds un peu le fil du temps. Les repas commencent à une heure trop tardive, on s’attarde encore à table avec un café supplémentaire. Et si on partait marcher maintenant, on rangera plus tard.
J’oublie les habitudes, celles que j’aime. Oh bien sûr, ce serait mentir que de dire que je n’ai pas organisé le temps. Si, je l’ai fait. Avant. Mais il a décidé de me surprendre et de se faire oublier, dans ce moment-là, à mi-chemin des deux mois d’été, entre un début rempli d’un mariage d’amour et une fin qui me redira que c’était drôlement bien.
Je perds le fil du temps. J’oublie les dimanches et leurs messes, je lis mes évangiles dans le désordre des jours, parfois je ne les lis pas et je regarde le ciel comme si je me cherchais des excuses. Mais je m’en fiche, c’est bien d’être avec Dieu comme ça.
Il est là ce moment des vacances.
Je sais qu’il ne dure jamais longtemps. Je sais qu’il sera rattrapé par mes habitudes, par ce qui nous met au monde, par ce qui fait nos vies.
Il est là en attendant, précieux, osant faire déborder le temps de petits riens qui ressemblent à la vie qu’on voudrait tout le temps, peut-être, c’est ce qu’on se dit, c’est ce qu’on croit. Et c’est bien.