Il y a sur les tables de Noël les assiettes les plus jolies, des grands verres ceux qu’on ne sort presque jamais, des argentés, des dorés qu’on se refuse en toute autre saison, là, on veut de la lumière, du brillant, des paillettes. C’est vrai qu’on a vu de jolies tables en couverture des magazines et ça nous a donné quelques idées. Mais on aime bien garder un peu de familier alors on a sorti les serviettes blanches de grand-mère, la nappe qui va avec. On a laissé les grands pichets d’eau fraîche et les vins qu’on aime bien. Il y a les fruits de mer qui traînent un peu, le foie gras et déjà on n’a plus faim. Mais on prendra notre temps et la volaille farcie viendra continuer un dîner qu’on veut très long pour rester ensemble très longtemps. On se demande s’il faut vraiment ajouter les châtaignes parce qu’il y a déjà les pommes cuites et les champignons. Mais oui, c’est Noël quand même. Et on prendra du fromage, le plateau vaut le détour. Elle dira qu’elle ne peut plus rien avaler, il soupirera en déserrant un peu sa ceinture mais personne ne laissera sa part de bûche. Il y a autour des tables de Noël la douceur du un peu trop de gourmandise..
Il y a autour des tables de Noël des sourires, des éclats de voix à qui veut raconter, des anecdotes à n’en plus finir. On a parfois un peu de mal à s’écouter, tout s’enflamme, tout s’emmêle. Surtout à l’heure des souvenirs. Les tables ont toujours ce chic pour nous raconter les mêmes histoires. Tant pis, on a tellement envie de les entendre encore. Il y a ce Noël-là, tu te souviens. Oui, on croit bien s’en rappeler mais on n’en est pas si sûr finalement. Peut-être qu’on a simplement le souvenir de la table où on l’entend chaque année. On s’essaie au monde parfois, jamais très longtemps. On gardera les sujets graves pour les repas sans conséquence. C’est Noël quand même, il ne s’agirait pas de se fâcher. Il y a autour des tables de Noël la douceur de la paix.
Il y a après les tables de Noël le temps qui reste, suspendu à nos verres, les assiettes qu’on débarasse, on retire la nappe et juste là, on a sorti le jeu, celui qui nous rassemble. On a fait voler d’un revers de main les dernières miettes qui nous gênaient. On étale les cartes, on répète la règle encore une fois à celui qui l’a oubliée, pourtant on y joue chaque Noël, comment peut-il ne jamais s’en souvenir? On s’amuse, on taquine, on joue. On veillera aux tricheries, attention pas comme cette partie de l’an dernier. On s’en ficherait presque de perdre. Il y a après les tables de Noël la douceur des petits pardons.
Il y a sûrement, sur les canapés où on s’est installés pour terminer la soirée, comme une douce vérité qui pointe son nez. Un petit air de Dieu si on osait le dire. Il n’y a pas eu de messe de Noël ce soir, ce sera demain matin pour quelques-uns, assez peu finalement. La crèche, elle, n’a pas bougé. Il est minuit. On avait même mis une sonnerie pour ne pas oublier de déposer le petit Jésus. Il se lève, ouvre le tiroir du buffet, retire le papier de soie où il dormait depuis presque un mois, et il le dépose. Le silence murmure presque une prière. Il suffit de très peu pour aimer la vie.
Beaux préparatifs de vos tables les amis,
à demain

