“Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits…”
Un jour, il y a longtemps déjà, un prêtre m’a dit: “Tu reviens me voir quand, dans les évangiles, tu auras trouvé le visage de Jésus qui te parle, te touche, te remue, t’interroge, te donne envie d’avancer…que sais-je… reviens quand tu auras trouvé “ton” visage de Jésus.”
J’ai parcouru les lignes, j’ai cherché, j’ai tourné les pages, on peut voir la pliure de certaines encore que j’ai cornées.
J’ai hésité, plusieurs paroles me touchaient, beaucoup me parlaient.
Je me suis arrêtée sur ses mots.
“Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits…”
J’ai enlevé un peu l’autour, je n’ai gardé que le petit enfant.
J’avais un peu plus de 20 ans.
30 ans plus tard, je me rends compte que si d’autres paroles m’ont touchée depuis, si je puise encore chaque jour dans la Bible et découvre sans cesse au détour d’un mot un autre que je n’avais pas encore remarqué, si j’essaie de me nourrir de son Verbe, inépuisable source, je me rends compte que ces mots-là, moins de dix mots en vérité, ces mots, oui, ont construit ma vie.
D’un foyer que je voulais bâtir autour d’enfants, les miens sont venus. D’un métier que j’ai choisi pour être avec les plus jeunes, les élèves sont là. De mes choix de partages en atelier d’écriture ou en paroisse, les enfants toujours au premier rang. J’ai fait de tous “ces petits” le beau de ma vie. Ou plutôt non. Ce sont eux qui ont rendu et rendent encore ma vie plus jolie.
Je crois même que j’ai tellement d’amour pour cette Parole que je manque souvent d’humour – c’est dommage – à leur sujet et qu’il est rare de me voir sourire lorsque circulent des blagues de potache sur les “bêtises” des enfants ou des jeunes. J’ai toujours peur que le mépris s’empare des mots.
Mais c’est sans doute un autre sujet.
Si ce billet s’écrit ce soir, ce n’est pas à cause de l’évangile de demain. Pas tout à fait.
C’est une phrase, retenue depuis vendredi, dernière heure, caté avec mes collégiens. La sonnerie avait déjà retenti.
– Mais vous, pourquoi Jésus est votre ami ?
Ma réponse est venue trop vite. C’est après qu’on médite, souvent.
– Parce que grâce à Lui, je suis là, avec vous.
– Comment ça grâce à Lui ?
– Je ne sais trop comment te dire…
Je n’ai pas vraiment eu le temps.
“Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits…”
Il faudra que je leur dise.
Et puis ça aussi:
“On va le chercher le visage de Jésus qui vous parle, vous touche, vous remue, vous interroge, vous donne envie d’avancer…que sais-je…”