Il y a sur les tables d’été des assiettes toutes simples, des grands verres de cuisine, des couleurs parfois mal accordées, on s’en fiche un peu de la vaisselle, elle peut bien être dépareillée, ce n’est plus ça qui compte. C’est vrai qu’on a vu de jolies tables en couverture des magazines. Mais on aime bien l’hétéroclite du familier. On a sorti les serviettes fleuries, la nappe semble inutile. Il y a les grands pichets d’eau fraîche, les vins légers, les bols de salades composées de mille et une manières. Il y a les grillades qui arrivent trop tôt, tant pis, on les mange comme ça, avec le melon et les tomates. On oublie l’heure des entrées, plats, desserts des festins de nos hivers, l’été, tout s’emmêle un peu. Même la tarte aux abricots ou le gâteau aux poires qui refroidissait sur le rebord de la fenêtre s’invitent pour les enfants et les gourmands alors qu’il reste encore des brochettes à griller. Plus rien n’a vraiment d’importance. Il y a sur les tables d’été la douceur de la simplicité.
Il y a autour des tables d’été des sourires, des éclats de voix à qui veut raconter, des anecdotes à n’en plus finir. On a parfois un peu de mal à s’écouter, tout s’enflamme, tout s’emmêle. Surtout à l’heure des souvenirs. Les tables d’été ont ce chic pour nous raconter toujours les mêmes histoires. Tant pis, on a tellement envie de les entendre encore. Il y a cet été-là, tu te souviens. Oui, on croit bien s’en rappeler mais on n’en est pas si sûr finalement. Peut-être qu’on a simplement le souvenir de la table d’été où on l’entend chaque année. On s’essaie au monde parfois, jamais très longtemps. On gardera les sujets graves pour nos hivers. Il y a autour des tables d’été la douceur des futilités.
Il y a après les tables d’été le temps qui reste, suspendu à nos verres, les assiettes repoussées jusqu’au bout de la table, on enlèvera la pile juste après, là, on a sorti le jeu, celui qui nous rassemble. On a fait envoler d’un revers de main les quelques miettes qui nous gênaient. L’hiver, on aime les tables bien propres; l’été, on préfère garder leur désordre. Comme un goût de l’enfance trop pressée. On étale les cartes, on répète la règle encore une fois à celui qui l’a oubliée, pourtant on y joue chaque été, comment peut-il ne jamais s’en souvenir ? On s’amuse, on taquine, on joue. On veillera aux tricheries, attention pas comme cette partie de l’an dernier. On s’en ficherait presque de perdre. Il y a après les tables d’été la douceur des petits pardons.
Il y a sûrement, sous le gros arbre du jardin où on s’est installés à la fraîcheur du soir, comme une douce vérité qui pointe son nez. Un petit air de Dieu si on osait le dire. On murmure presque qu’il suffit de très peu pour aimer cette vie.
Juste de quelques tables d’été.