Évidemment.
Pourtant, “chemin” ne s’est pas imposé d’emblée, il est arrivé en douce. La lettre C offre tant de mots, trop sans doute pour choisir sans regrets, tellement de sonorités aussi. Chemin…? Un peu usé ce mot sans doute. Chemin ? Le mot revient, ne me quitte pas, alors ce sera ce lui.
Pas seulement parce qu’on trouve de nombreuses occurrences de ce mot dans la Bible, pas seulement parce que Jésus lui-même affirme l’être “Je suis le chemin…”, pas seulement parce que passant de Compostelle jusqu’à ceux de nos vies, le terme tellement usité pourrait paraître sans saveur particulière et le défi de lui en redonner un peu semblerait sympathique. Ou peut-être pour toutes ces raisons à la fois. Il ne peut guère en être autrement que d’écrire quelques mots sur lui. Évidemment.
Ce mot est un peu plus qu’un mot d’ailleurs. En le disant, on voit qu’il trace déjà une ligne, deux souvent, qui côté à côté, s’enfuient devant celui qui marche. Large ou étroit, bordé de vagues, de forêts ou de flancs neigeux, il est des chemins comme autant de paysages. Chacun doit avoir le sien, peut-être même que nous en avons un, régulièrement retrouvé, qui est notre préféré. Il y a des chemins que l’on connaît par coeur quand, pour tant d’autres, on ne sait pas où ils pourront nous mener. C’est sans doute ce qu’on aime avec eux, ce qu’on craint parfois.
Chemin. Parfois, à prononcer, ce mot-là ne semble pas tout à fait terminé. Il reste en suspens au bout de nos voix. On lui ajoute presque toujours un complément. On serait même tenté de lui coller une syllabe supplémentaire pour cheminer un peu plus longtemps avec lui, ou encore, en ce mois de décembre, d’en faire autre chose, une cheminée pourquoi pas ? Les mots sont drôles, drôlement puissants.
Ici, du chemin, j’en aime les bords. Oui, surtout les bordures. Il serait difficile je crois de vivre sa vie en filant sa route sans s’arrêter, sans regarder sur les côtés ce qui ne nous appartient pas vraiment, ceux qu’on ne connaît pas, celles à qui on ne parlerait jamais. Je crois intimement à la rencontre de celui ou de celle qui ne me ressemble pas même si on m’a murmuré trop souvent que ce monde-là n’existait pas vraiment et que ce sont presque toujours nos comparses que l’on rencontre. Tant pis. J’aime bien les bords des chemins, là où il faut prendre soin de ne pas heurter les cailloux plus rudes, là aussi où l’on trouve de petits trésors cachés.
Chemin. Dans ma crèche, il en est un que chaque jour je fais suivre au petit âne. Il traverse les vies de tous mes santons au long de décembre et je trouve ça plutôt joli. De la même façon, je regarde aujourd’hui avec beaucoup de tendresse ma petite-fille de deux ans jouer avec ses personnages et trimballer avec fantaisie Marie, Joseph, l’âne et le boeuf sur tous les chemins de son salon. Il est des gestes de l’enfance qu’on aime garder.
Enfin, il y a cet “autre chemin”. Celui par lequel les mages de ma crèche s’en retourneront chez eux. Bien sûr qu’avertis en songes, ils ne retourneront pas chez Hérode. Cet “autre” chemin, le chemin que l’on fait au retour d’une rencontre – pour eux, de La rencontre. Transformés. Bouleversés. Changés à jamais. Ce chemin du retour, de toutes les façons, ne pourra en aucun cas être le même. Il en est ainsi pour nous-mêmes. On ne revient jamais tout à fait comme on est parti.
Je ne sais de quelle couleur va se teinter votre chemin vers Noël, vos chemins habituels ou ceux de traverse, mais savoir qu’il en existe autant de différents me réjouit en ce décembre qui file tout doucement.
Bon chemin, on arrive à la lettre D, pensez à celle que vous écririez ! à demain.

