Lundi 16 mars
J’ai rayé un peu rageusement, le un peu ne va pas très bien avec rageusement d’habitude, pourtant c’était exactement ça.
Cette colère intérieure, incapable de rien, enfermée sur elle-même, mêlée de bien plus de tristesse que d’un bruyant éclat de voix.
J’ai rayé “semaine des voyages scolaires”. Un peu rageusement. Pas tant pour moi qui cette année ne les accompagnais pas mais pour eux, parce que je sais combien mes élèves attendaient ces périples vers l’Espagne ou l’Allemagne.
Le rageusement se voit encore dans mon trait appuyé sur la page, le tristement dans l’épaissi du crayon gris. L’impossibilité d’y voir clair.
Mercredi 18 mars
Un nouveau rythme de vie déjà pris. Les cours virtuels avec les élèves, la nouvelle organisation de la maisonnée avec deux étudiants revenus au bercail, le doux d’être ensemble malgré tout, le difficile parfois pour trouver le rythme de nos mots toujours proches et ces petits pardons qui adoucissent les mots plus rudes, les plus inquiets, et qui permettent la vie.
Ensemble.
L’agenda de ce 18 mars me fait un gros clin Dieu avec la grande journée-temps-fort-de-préparation-à-la-première-communion. Mais cette fois, pas question de rayer l’info qui promettait la Lumière de cette journée ensoleillée. Bien sûr que la journée ne sera pas mais eux, ils sont là, quelque part dans leurs maisons, certains pas loin de la mienne, leur première communion dans un petit coin de leur vie à venir, sûrement.
Ne pas rayer les mots qui écrivent ma vie.
Je me mets à prier pour eux. Je reprends la liste de leurs prénoms. Une minuscule prière pour chacun d’eux.
Et si mes rendez vous d’agenda je les entourais des mots de mes petites prières ?
Depuis deux semaines, les conseils de classes, le grand projet avec les étudiants étrangers, le deuxième week-end à Martigné-Briand avec mes collégiens, l’anniversaire du filleul, la visite des stagiaires, les messes du dimanche, et tous ces tours chez les uns ou les autres, ici ou là… Depuis deux semaines, chaque rendez-vous, chaque habitude, chaque mot déjà écrit, je le garde au matin quand mon évangile s’ouvre, je l’emporte chaque soir quand ma Bible se referme.
Et les mots de mon agenda écrits pour certains depuis longtemps s’ajoutent au présent et remplissent les mots de mes petites prières.
Et les jours continuent.
Et la vie continue.