à cause du soleil

C’est peut-être à cause du soleil qui s’est dit qu’être là, davantage, ne gâcherait rien.

Surtout pas à l’envie de laisser les fenêtres ouvertes longtemps après le matin.
Surtout pas au long d’une semaine Sainte qu’il fallait décliner autrement.

 

Les derniers cours sur l’ordinateur, les derniers messages au clavier, les derniers appels pour se dire qu’on est toujours là, et nos bonnes vacances à bientôt pour faire comme si.
Ils me manquent.
Les sourires qu’on croise, leurs moues qui chagrinent, nos mots qui fusent trop vite.
Les parfums des collègues, les odeurs du collège, ma petite route au matin, la même au soir.

 

On avait prévu le jardin de Pâques. On s’était déjà mis d’accord sur le comment. On le refera l’année prochaine madame, c’est sûr ?
Et un point d’interrogation suspend le temps. Celui qu’on maîtrisait dans un emploi du même nom, dans un agenda, dans un programme se fait soudain trop incertain.

On avait prévu un jardin.
J’ai trouvé le mien.

Au soleil qui s’est dit qu’être là, davantage, ne gâcherait rien.

 

Et j’ai déroulé ma semaine Sainte sous le vieux chêne. Le plus gros du jardin.
Au début des jours d’une semaine à prier. Jérusalem, il m’a suffi  de lever le nez pour être dans ton Ciel.
Au jeudi d’un soir. Il suffisait de baisser les yeux pour Te voir, penché à mes pieds. Relevée, à nouveau regarder dans ton Ciel le pain de mes demains.
Au vendredi d’un 16 heures brûlant, à l’abri des frondaisons, il a suffi d’un chemin de Croix du monastère dans mes oreillettes. Et les voix de sœur Renée et de sœur Nathanaëlle pour m’aider à avancer, immobile sous le vieux chêne aux bras de bois. En croix.
Au samedi soir d’un soleil doux, une Lumière, éclatante, au creux des feuillages.

Les feuillages.
Mais oui, les feuillages.

En une semaine. Revenus.

Ressuscités.

C’est peut-être à cause du soleil qui s’est dit qu’être là, davantage, ne gâcherait rien.

     

Deux petits buis

Je prends toujours ma paire de ciseaux dans ma trousse d’école. Je sais, ce n’est pas vraiment l’outil qui convient mais je crois que j’aime assez mes ciseaux encore écoliers. Et je file tranquille du côté du potager. Il fait grand soleil ce matin. Il est même chaud sur le visage. Et ça fait juste du bien cette douceur.

Ils sont là. D’une rondeur vert pomme qui les rend presque gourmands. Deux petits buis. Ma main plonge au cœur pour couper des rameaux qui n’enlèveront rien, presque rien, au joli du petit buisson.
J’aime bien me souvenir de leur histoire juste au moment où j’attache mes brins ensemble.

On avait décidé que le potager serait cerné de buis. Parce que ça nous rappellerait nos jardins d’enfants. Ceux de nos grands-pères. On les avait plantés au tout début de notre vie dans la maison.
C’est lent le buis à pousser mais dans 20 ans, ça fera une belle bordure. 
Et ça fera de beaux rameaux, aussi.
C’était lent. Mais ils poussaient.
Chaque année, mes rameaux devenaient un tout petit peu plus grands que ceux de l’année précédente.
Puis, il y eut cet été. Je ne sais plus exactement lequel mais il fut très chaud. Et l’automne qui a suivi a vu nos buis, les uns après les autres, dépérir.
– Mais pourtant ça ne meurt pas les buis ?
L’ami horticulteur est venu. Il a bien regardé. Il a même tenté un sauvetage. Rien n’y a fait. 
Les buis s’en sont allés. 
Il a fallu les arracher. Les uns après les autres. Malades.

Il en est resté deux, côte à côte.
Devenus qu’un.
Sauvés.

Ils pourraient même être assez gros maintenant pour des boutures. 
De quoi refaire une bordure de potager. Ce sera lent. Mais tant pis. On prendra le temps.

Il en est resté deux.
Redevenus d’une rondeur vert pomme qui les rend presque gourmands.
Ma main a plongé au creux de ce vert pour couper mes rameaux ce matin. Je les ai liés. Doucement (personne ne m’a entendue), j’ai fredonné un Hosanna… Un peu drôlement ( mais personne ne m’a vue 😉 ), je les ai levés au-dessus de mon épaule.
Agités au soleil du matin, caressant l’air déjà chaud, d’un petit éclat de vert, éternel.