Des pauses sur le chemin
Il est presque l’heure de partir. Les valises sont prêtes.
De ces petits voyages beaucoup disent que j’ai de la chance. Je crois que ce “beaucoup” a raison. Non pas dans le simple fait de voir un peu de pays – je ne suis pas une grande voyageuse en vérité – mais dans le fait de me déplacer.
Me déplacer.
Regarder ailleurs, autrement. Regarder encore et toujours quand trop souvent j’oublie de voir.
Je crois que même sans faire une valise c’est ce que Dieu me demande de faire dans ma vie. Me déplacer. Faire bouger mes lignes. Réfléchir. Oui, tu le sais bien qu’à prononcer “réfléchir”, il y a déjà un voyage, un détour, un retournement.
Me déplacer.
Non pas me mettre à la place de. Qui le pourrait ? Pas moi en tous les cas. Mais essayer d’être capable de regarder ces autres places. Cela me fait sourire parfois parce que – et ceux qui me connaissent bien le savent – je suis une fille des habitudes, des rituels, du quotidien ordinaire et guère une baroudeuse, une aventurière, encore moins une rebelle. Mais est-il besoin d’aller très loin pour se déplacer vraiment ? Je connais de ces moniales qui ne bougent pas d’un pouce et qui font les plus grands voyages.
Me déplacer.
Ce matin, en entendant ce Samaritain si souvent entendu, je me suis rappelée que de cette parabole, on oublie souvent les pas que chacun fait pour avancer. Peut-être même pour aimer. Qu’il est si facile, enfermé dans nos lois et nos préceptes, nos visions et nos avis, nos certitudes et nos batailles, de passer tout près sans regarder. On commente ceux qui ne s’arrêtent pas et on les oppose si facilement à celui qui fait halte. Mais on parle si peu du voyage. Or, tous se déplaçaient. Un homme allait de Jérusalem à Jéricho. Un prêtre et un lévite passaient par ce chemin. Le Samaritain lui-même était en route. Voilà, on le sait bien, c’est dans le déplacement que l’on avance mais souvent le déplacement ne suffit pas. Et, avouons-le, on aimerait tant être dans la halte du bon, dans l’attention qu’il porte à regarder, à s’arrêter, à soigner. On aimerait tant avoir le beau rôle. Mais passer en regardant du coin de l’œil et sans s’arrêter, c’est bien plus souvent cela nos quotidiens.
Me déplacer.
Peut-être que dans le partir, ce qui nous fera grandir, c’est surtout cet arrêt, cette pause, ces petites haltes.
Celles que l’on prend sur le chemin pour regarder. En vérité.
Et qu’il serait bien hâtif de croire que le déplacement de nos pas suffit pour faire beaucoup de chemin. Un pas vers un voyage non pas seulement sur les routes mais pour se poser, au-dedans.
Me déplacer. Faire bouger mes lignes. Réfléchir.
Il est presque l’heure de partir. Les valises sont prêtes. Je crois que je vais tenter les petites pauses sur mon chemin. 😉
À bientôt.