Ouvrir les portes

Il s’est passé seulement trois jours et comme l’impression d’une éternité.

20h30. Le fils était près de terminer sa journée de boulot d’été. On a entendu le vent souffler, presque d’un seul coup comme un réveil brutal après une longue léthargie. En l’espace de nos bras pour les ouvrir, les volets ont laissé entrer le vent dans toutes les pièces de la maison. Le dehors au dedans faisant même valser quelques feuillets posés là. Le dedans au dehors poussant très vite mes pas dans le jardin. Pieds nus sur une herbe trop sèche, le nez au ciel à scruter un horizon joyeusement menaçant, j’ai souri.

20h40. Les voisins tour à tour, sur le pas de leur porte, leurs pieds nus dans leur herbe sèche. On s’est assis sur le rebord de nos maisons. On s’est donnés des nouvelles. Les futilités du temps tout d’abord. Puis les vraies nouvelles, celles qui font des bouts de nos vies. Pendant trois jours, je les avais presque oubliés recluse au frais des murs à dévorer des lectures, après le seul tôt du matin où mes pas se risquaient au bord d’un peu de fraîcheur.

21h00. Le fils avait dû achever sa journée d’usine brûlante, celles dont il se réjouit qu’elles ne soient qu’estivales et qui poussent peut-être encore davantage à mesurer sa chance de pouvoir étudier le reste de l’année. On a parlé de nos enfants un peu et certains ont déjà partagé leur joie d’être grands-parents. On s’était un peu oubliés depuis l’hiver et les départs de chacun. Le vent  a soufflé plus fort, nos voix aussi pour nous entendre, on s’est rapprochés un peu.

Il s’est passé trois jours et comme l’impression d’une éternité.
On s’est dit bonsoir. Ce n’était pas seulement la fraîcheur, le souffle du vent, la pluie même qui m’avaient manqué. On s’est dit bonsoir et je me suis souvenue qu’ils existaient. Les autres, les proches, les prochains. Ceux qu’on oublie enfermés dans nos conforts, à l’abri de ce qui pourrait nous brûler d’un peu trop près.

21h20. Le fils est rentré. Le dîner a raconté encore la vie. On a souri.

 

Je me suis dit que demain je partirai pour ouvrir d’autres portes.

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