De nos mains (2)

Peut-être parce que du jeûne qui retient mes mains de trop faire, de la prière qui les fait se rejoindre en croisant mes doigts, de l’aumône qui essaie de les ouvrir aux autres, mes mains, les mains, nos mains sont elles aussi à raconter.
De l’imposition des Cendres, croix marquée sur nos fronts par la main du prêtre, jusqu’à Ses mains clouées en croix au soir de Sa Pâque, le Carême me parle d’elles tout le temps.

Alors, je vais venir vous raconter des mains, oh… pas seulement les miennes, surtout celles autour.

 

D’un revers de main.

Il me semble que je la balayais très vite de mon front la petite croix de Cendres. Je l’effaçais sans doute par coquetterie mais je crois bien davantage parce que je n’avais guère envie d’être vue avec des cendres sur la tête, me demandera-t-on d’où je sors ? Alors je la faisais disparaître.
D’un revers de main.
Jusqu’à ce mercredi soir, celui où elle nous a montré qu’on “pouvait” – elle n’a pas dit “devait”- la garder encore un peu. L’arborer comme un bijou. Je n’ai pas oublié. Oser sortir de l’église, passer à la boulangerie, croiser des voisins avant de rentrer.
Avec une petite marque d’amour.

Il a raconté l’amour infini de Dieu, incommensurable, immense. Il l’a raconté à tous mais surtout aux enfants assis au premier rang, ceux qui seront baptisés lors de notre veillée pascale. Il a raconté l’amour infini de Dieu pour chacun d’entre nous et pour nos faiblesses, nos failles, nos manquements qu’Il sait pardonner. Effacer.
D’un revers de main.
Le geste de notre prêtre, descendu de l’autel au plus près de nous, a accompagné ses paroles, balayant l’air doucement de la main. Les enfants ont été attentifs, ils  ont souri, ils ont peut-être mieux compris les premiers pas de leur chemin de futurs baptisés.
Avec Son pardon, immense marque d’amour.

Ce matin, je me demande encore quelle idée j’ai eue et dans quelle entreprise je me suis embarquée. Mais vous le savez bien maintenant, ce petit vertige devant les 40 jours à venir comme devant une feuille blanche. Me faire, l’espace d’un court instant, envieuse de celles et ceux qui ont choisi de tout éteindre, de disparaître, de déconnecter de leurs claviers. Tout envoyer balader.
D’un revers de main.
Savoir pourtant qu’écrire des mots au tard du soir ou au tôt du matin c’est une façon d’ouvrir mon cœur à Dieu et au partage qui “déchire le cœur”à la manière de Joël. Il y a tant de mains autour à venir vous raconter.  
Avec un peu d’amour.

 

Bon jeudi après les Cendres… Que nos revers de main ne fassent pas valser trop loin le beau. Patience. Et n’oublions pas ce que  Moïse nous redit ce matin : ” Choisis donc la vie !” et sûrement… à pleines mains.  😉

 

 

 

 

 

 

 

De nos mains (1)

Peut-être parce que du jeûne qui retient mes mains de trop faire, de la prière qui les fait se rejoindre en croisant mes doigts, de l’aumône qui essaie de les ouvrir aux autres, mes mains, les mains, nos mains sont elles aussi à raconter.
De l’imposition des Cendres, croix marquée sur nos fronts par la main du prêtre, jusqu’à Ses mains clouées en croix au soir de Sa Pâque, le Carême me parle d’elles tout le temps.

Alors, je vais venir vous raconter des mains, oh… pas seulement les miennes, surtout celles autour.

 

On nous parle toujours à chaque nouveau Carême – et fort justement – d’un temps à suivre Ses pas, d’un chemin fait d’essentiel, d’une route où Dieu randonne à nos côtés. Et même d’une “conversion.” Je ne suis pas certaine d’aimer ce mot “conversion” qui étymologiquement m’inviterait à une drôle de pirouette sur moi-même laissant ce que je suis pour devenir une autre.
J’exagère un peu.
J’exagère à peine.
Ce n’est tout simplement pas possible.

Certes, je peux me tourner davantage vers Dieu, ou mieux, pour Dieu vers les autres, mais humblement, en y regardant à deux fois et sans aucune fausse modestie, mon demi-siècle de Carême ne m’a pas “changée”. Oh! sans doute aimerais-je assez sentir chaque année que ce Carême a été “efficace”. Nous sommes bien dans cette ère du rentable non ? et j’avoue que moi aussi je m’y laisse souvent happer. Je ne parle même pas de mes pauvres petites forces humaines décuplées au rythme d’efforts dérisoires mais bien de la place que je lui fais pour me laisser faire. Oui c’est bien là. Mais point de conversion.
Carême désespérant ? Pas vraiment.
Mal compris ? Souvent.
Inutile ? Certainement pas.
Alors donc, faut-il pour autant faire une croix dessus le jeter aux oubliettes ? Non, bien sûr que non.
Mais peut-être y entendre un autre mot que celui de conversion. Un mot plus petit. Un mot qui laisse à Dieu le soin de s’approcher et à nous celui d’être un peu plus proche.

 

Un réveil ?

 

Comme au matin
Il y a ce réveil dans mes mains

Lorsqu’elles tâtonnent encore dans la pénombre de la chambre
Lorsqu’elles se laissent glisser sur la rampe d’escalier chemin familier qui guide mes pas silencieux
Lorsqu’elles cherchent un peu de chaleur en se serrant l’une contre l’autre et, malicieuses,  frottent les joues de mon visage fatigué
Lorsqu’elles touchent le monde encore endormi et osent croiser d’autres mains, les rencontrer, les encourager, les recevoir.
Les aimer

Au premier jour de ce Carême
Il y a ce réveil dans mes mains

Lorsqu’elles tournent les pages d’une Bible et laissent, confiantes, les doigts filer sur les lignes
Lorsqu’elles suivent Ta Parole à la fois familière et nouvelle, accompagnent, soutiennent, écrivent ma prière silencieuse
Lorsqu’elles cherchent un peu de lumière et retiennent dans mes paumes ce qui fera peut-être grandir mon jour qui sait
Lorsqu’elles touchent mon cœur endormi et espèrent qu’il croise d’autres mains, qu’il leur laisse de la place, et qu’il ose encore les aimer

 

Un réveil.

 

Je préfère ce mot-là.

Il y a ce réveil possible dans nos mains qui cherchent, qui prient, qui font, qui Te reçoivent et surtout qui  essaient au matin de ce nouveau Carême de frotter nos paupières pour y voir un peu plus clair!

 

Bon mercredi des Cendres, belle entrée en Carême chers amis, amies, à nous réveiller, à “déchirer nos cœurs” comme nous y invite le prophète Joël et à laisser nos mains s’ouvrir !

 

 

 

 

 

 

Des gris

La Bretagne a dans ses gris ses histoires de pluie, de granit et de vent. De temps hors du temps.

 

Si ses couleurs peuvent paraître ternes et répondre en écho aux tristes de certains jours, c’est ne pas connaître les argentés de son océan au dernier soleil du soir, ni les gris bleutés de ses chapelles de granit qui tendent leurs croix au ciel, ni les contrastes de ses pastels cendrés de cumulus qui s’amoncellent avant l’orage.
Ici, les gris ne sont pas mélancoliques. Ils redisent simplement aux hommes qu’entre la lumière éclatante d’un jour et le sombre de leurs nuits, il y a cet interstice, toujours variable et ô combien présent, d’un mélange de blanc et de noir. C’est peut-être pour cette raison que j’aime ces gris-là. Parce que le blanc, trop lisse me fait fuir, et le noir, trop plein, me fait peur. Le gris me rassure.

 

La Bretagne a dans ses gris ses histoires de pluie, de granit et de vent. De temps hors du temps.

 

J’ai pensé à ces gris en regardant l’océan au matin. Il n’y avait rien d’éclatant, rien de bien dessiné. Aquarelle tout en fondu, en délavé, en tons mélangés. Comme nos vies. Bien et mal, sans cesse à nuancer nos jours. J’ai pensé à ces gris en relisant les nouvelles au matin. Je me suis rappelée une belle journée à l’Arche de la Rebellerie au printemps dernier, le soleil éclatant entre les pieds de vignes, la bonté des mains tendues et le vrai des sourires. Il y avait un portrait de Jean Vanier, souriant aussi. Sa chemise blanche. Le bon. L’éclatant. J’ai recherché si, dans mes souvenirs, si, dans son sourire, il y avait la moindre trace de la souffrance infligée aux femmes, victimes, qu’il a touchées. Le sombre. L’abject. Ce blanc trop vif, ce noir écœurant. Le gris me rassure.

 

La Bretagne a dans ses gris ses histoires de pluie, de granit et de vent. De temps hors du temps.

 

J’attends avec une presque impatience le gris qui sera déposé une nouvelle fois sur mon front. Croix de Cendres. Rien d’éclatant, tout le contraire même. Volée de poussières, gris de nos ténèbres. Pourtant, une vieille femme que j’aimais me disait de l’arborer fièrement au sortir de l’église. Bijoux osés, cendres de notre humanité, de nos failles, de nos blessures, de nos tourments.

Elle est galvaudée la métaphore mais il y a bien dans nos vies plus de gris que de blancs éclatants ou de noirs entêtants. Ces gris, Dieu les connaît. Jésus les a appelés. Paul, Pierre et les autres. Il ne les a pas tus dans un silence honteux et coupable. Le gris n’est pas tiède.

 

Suivre ses pas, encore une fois.
Mercredi, je commence un petit chemin ici, avec vous.
Fait de nos mains, croisées, aimées, retenues, rejetées, osées.
Des gris pâles éclats de notre lumière, des gris foncés reliefs de nos heures, un Carême aux nuances incertaines de nos vies, ombres posées à la seule Lumière de la Sienne.

 

 

Nos mains

Il y a toujours cette envie de retrouvailles avec l’écriture quand reviennent les temps de l’Avent ou du Carême.

 

Elle existait avant le blog, elle a toujours existé je crois cette envie-là sur mes cahiers de prières ou de “petits mots”. Mais, depuis 10 ans déjà que ce blog existe (avec des pauses et beaucoup d’archives  😉 ), il y a vraiment un rendez-vous que j’aime ici pour partager un peu de Dieu dans nos vies, avec vous.
Et même si en commençant, le vertige de “tenir” 25 ou 40 jours encore me prend rapidement, je crois que j’aime assez ces défis qui égrainent autant de sourires, de “aime”, de couleurs, de vents, de mots… -vos mots aussi- parce que c’est, à chaque fois, du joli au bord de mon chemin.
Parce que, mine de rien, ce chemin me fait grandir.

 

Cette année, comme presque à chaque fois, à peine m’étais-je demandée “mais que dire encore ici que je n’ai déjà écrit”, l’idée m’est apparue.
Peut-être parce que du jeûne qui retient mes mains de trop faire, de la prière qui les fait se rejoindre en croisant mes doigts, de l’aumône qui essaie de les ouvrir aux autres, mes mains, les mains, nos mains sont elles aussi à raconter. De l’imposition des Cendres, croix marquée sur nos fronts par la main du prêtre, jusqu’à Ses mains clouées en croix au soir de Sa Pâque, le Carême me parle d’elles tout le temps.

Alors, je vais venir vous raconter des mains, oh… pas seulement les miennes, surtout celles autour.
Croisées, rencontrées, repoussées peut-être, touchées.

 

Il y a toujours cette envie de retrouvailles avec l’écriture quand reviennent les temps de l’Avent ou du Carême.
Toujours intacte.

au mercredi des Cendres chers amis lecteurs, chères amies lectrices,
à nos mains,

Corine

 

P.S:  Et maintenant que les pistes de lecture audio n’ont plus de secrets pour moi, pourquoi pas quelques témoignages sonores d’amis qui partageront leurs mains  (et pas que des chansons non ! ) si le temps ne me rattrape pas… de ses grandes mains avides.  😉