Ma soif

Des écrivains, j’aime leur liberté. Absolue.

J’ai lu “Soif” d’Amélie Nothomb et je crois bien avoir aimé sa liberté. Celle d’avoir osé le ‘je’ du Christ.
Peu m’importe ce qu’elle a imaginé. Je l’ai lue comme on lit le dernier roman de son été, parfois  en gardant des bouts de mots à méditer.

Celle d’avoir osé le ‘je’ de Jésus. C’est peut-être cela, au-delà de toutes nos différences, la vraie différence entre Amélie et moi.
Moi aussi, Jésus est “mon héros absolu” depuis toute petite. Pour moi aussi, il a été “mon ami“. Il l’est toujours. Moi aussi, je n’ai jamais vraiment compris le pourquoi de cette mort-là.

Mais il y a cette différence entre Amélie et moi. Parfois, comme elle, je peux me mettre à la place d’un de mes amis c’est vrai. Mais si mal, si imparfaitement. Parce que jamais, absolument jamais, je ne peux être lui. Son corps, ses soifs.

Alors oser écrire un ‘je’ pour dire Jésus à la place de Jésus, je ne le pourrai pas.

Elle l’a fait Amélie. C’est sa liberté d’écrivaine. Elle n’est pas la première, ni la seule, mais sans doute la plus connue du moment. C’est tellement tentant. Sans vous méprendre, j’oserais dire c’est tellement facile. Elle s’est mise à Sa place, elle s’est plongée dans Son corps, dans Sa soif. Qu’à cela ne tienne. Ma liberté qui n’est pas écrivaine est celle de ne pas reconnaître Jésus dans ses mots à elle, dans tous les mots qui disent ‘je’ à Sa place.

 

Celle d’avoir osé le ‘je’ de Jésus.

J’en ose un autre. Un petit je, le mien minuscule qui sait seulement lui murmurer mon je t’aime sans rien d’autre que d’essayer de L’aimer. Sans jamais chercher à savoir, à savoir quoi  ?
De L’aimer. Pas seulement à travers les Paroles d’évangile qui me restent ni les images pieuses qu’on a bien voulu me faire voir, non.
De L’aimer. Un peu comme j’aime mes amis, ceux dont il me semble que je sais tout mais dont je ne sais presque rien au fond.
Seulement qu’ils m’aiment.
Ma seule audace- ma soif peut-être – est de L’aimer comme Il m’aime.

Le goût des Lettres

Et revenir aux premières amours des archives de ce blog: oser raconter les lectures et les films, comme je les lis, comme je les vois et toujours – et seulement- comme je les aime.

 

Madeleine m’a redonné le goût des lettres.

C’était un gros cadeau de Noël. J’ai senti en retirant le papier qui l’enveloppait que l’épaisseur aurait quelque chose à y voir.

Deux gros tomes de Lettres, avec la majuscule qui distinguerait le genre de l’écriture. Pourtant, du presque minuscule. Rien d’exceptionnel au commencement. Du quotidien, des mots d’amie, des nouvelles de sa santé, de son travail, de ses études, de sa famille. La correspondance de Madeleine Delbrêl n’a pas la puissance d’un témoignage religieux, théologique, mystique, non. Ses Lettres ont le goût de ces petits riens qu’on peut écrire dès le plus jeune âge, puis celui des confidences d’une jeune fille jusqu’aux premiers engagements d’une femme. Rien d’exceptionnel dans cette écriture simple aussi, parfois même maladroite de simplicité, et qui peu à peu pourtant trouve des mots pour dire Dieu.
Et c’est peut-être justement ce qui m’a plu.
Le simple du quotidien livré sans ambages, non pour être publié mais lu par des amis. J’ai lu les lettres de Madeleine Delbrêl comme on lirait les lettres d’une amie.
Je trouve toujours ça étonnant la lecture d’une correspondance. Ce n’est pas un genre que j’affectionne en réalité peut-être parce que justement, la sphère de l’intime qui les entoure est dévoilée au grand jour, presque sans filtre. Mais les mots de Madeleine m’ont emportée avec elle pourtant.

Il y avait bien de l’épaisseur.

Pas celle des 700 pages sorties d’un joli papier-cadeau et dévorées en peu de jours mais l’épaisseur d’une Foi, imperceptible, puis bavarde et enfin, étonnamment racontée.

Une dernière chose. La lecture terminée, j’ai pris mon papier à lettres – celui que je n’utilise plus ou, plus exactement, seulement pour écrire à Soeur Natalie qui refuse de me lire “par mail”.
J’ai repris mon papier à lettres, posé les lignes noires derrière la première page blanche, et écrit avec la lenteur de l’encre des nouvelles à une lointaine amie.
J’ai reçu sa réponse aujourd’hui. Une lettre bleu pâle qui m’a fait sourire.

“Madeleine m’a donné envie de te répondre à mon tour, sur un vieux bloc aux couleurs adolescentes, pardon,… et tu sais, j’ai acheté “Éblouie par Dieu” : c’est comme des confidences d’amour ce livre-là.”