Croix de mains -22

Jour 22

Oups. Deux jours sans petite croix mais rempli de Dieu… et me revoilà 😉

 

“Curieux retournement de Carême.
J’avais décidé de vous parler de nos mains et celles-ci ne peuvent plus se rencontrer, se toucher, se raconter.
Elles ne peuvent plus parler.
Mais ils restent nos mots. Dits, écrits, reçus, envoyés, partagés, entendus, lus.”

J’ai retrouvé ces mots-là d’il y a un an tout juste. Pas spécialement envie de fêter un anniversaire de confinement-déconfinement-reconfinement mais plutôt l’envie de raconter ces mots-là, partagés ce vendredi 13 mars 2020.

Vendredi 13 mars 2020. L’emploi du temps se chamboule en fin de journée pour dire au revoir à nos élèves, les aider à prendre tout leur matériel, vérifier les codes pour se connecter à distance, rassurer du mieux que nous pouvons les inquiétudes, répondre aux questions dont on n’a pas de réponses. Dans une heure, on se quitte et on ne sait pas trop pour combien de temps. Confinés.

Vendredi 13 mars 2020. Mon groupe de caté de 5ème n’a pas caté ce jour-là. On se retrouve quand même 15 minutes avant la récréation. Des questions, beaucoup d’inquiétude. 

 – On peut prier non ?

– On se fait une croix de mains ? 

C’est drôle d’y repenser aujourd’hui. On pouvait se toucher.

 

Alors quatre par quatre, on s’est fait des croix de mains. En forme de prières. Notre Père. Nos yeux fermés et nos mains qui se tiennent du bout des doigts. Et on s’est dit à bientôt sans idée sur le temps que durerait ce bientôt.

 

Jour 22. Je me souviens avoir pensé souvent, pendant le premier confinement, à leurs croix de mains.
Ils m’ont aidée à prier. Les enfants, les jeunes, mes élèves  m’aident toujours à prier.

 

Bon 4ème dimanche de Carême dans la Joie !

à lundi…enfin j’espère !  😉

Corine

 

 

Crois-tu ? – 19

Jour 19

 

– Vous savez, moi, je ne crois pas…

Ce n’est pas toujours difficile. Ce n’est pas souvent impossible. Ce n’est pas simple mais rencontrer quelqu’un qui ne croit pas – pas quelqu’un qui affiche comme un étendard le mot athée, pas quelqu’un qui me mettrait vite dans la case naïve ou grenouille de bénitier sans me connaître, pas quelqu’un qui me regarderait de haut ou ne me regarderait même pas. Non. Quelqu’un qui même s’il ne croit pas en Dieu veut bien accepter que je puisse croire en Dieu. Alors, ce n’est pas toujours difficile de parler de Dieu avec lui. Ce n’est pas vraiment impossible non plus.
Et il y a ce moment où il répète doucement:

-Vous savez, moi, je ne crois pas…

Il y a même eu aujourd’hui comme une excuse dans sa voix, une excuse de ne pas croire ou de ne pas pouvoir croire.
Alors, j’ai souri :
– Ce n’est pas grave. Cela ne change rien.
Un ce n’est pas grave qui dit aussi que je m’en fiche qu’il ne croit pas, que ça ne changera vraiment rien à ce joli projet.
– C’est vrai ! …

Et, ce soir, en y repensant, je me dis que si Dieu est là comme je le crois, Il n’en voudra à personne de ne pas croire en Lui.
Et moi qui ose dire je crois, à Qui je crois, à Toi …crois-tu ?

 

 

Jour 19 –  Bonne soirée, à demain, Corine

Croix d’enfant – 18

Jour 18 

 

Cette croix.
Rapportée de Lourdes, d’une des boutiques qui s’étalent autour du sanctuaire et dont on peut moquer facilement les pacotilles, le plastiques des bouteilles en forme de Sainte Vierge qui rapporteront de l’eau, les bonbons trop sucrés en forme de cailloux.
Rapportée de Lourdes, d’un de ces lieux colorés, bruyants, sans doute plus soucieux des bénéfices de l’argent que de la prière. 
Rapportée de Lourdes, sans autre valeur que celle d’avoir été offerte par un petit bonhomme malade qui voulait me remercier des heures partagées à le pousser dans le sanctuaire à bord de sa petite voiture, des nuits à veiller sur son sommeil agité, des prières partagées tous les deux à la grotte.
Prières d’enfant, les plus belles, les plus profondes, les plus vraies.

 

Cette croix.
Plastique, arc-en-ciel fluo, peu importe. Merci les boutiques qui donnent à beaucoup un souvenir, une image, un petit rien qui fera tant au retour à la maison.
Cette croix.
Plastique, arc-en-ciel fluo, une de mes préférées.

Jour 18 –  Puisse ce Carême nous tourner vers les plus petits, sans mièvrerie, sans naïveté mais aussi sans prétention, et bien au contraire, découvrir auprès des enfants les petites prières du cœur.

à demain, Corine

 

 

Des signes – 17

Jour 17

Se lever avant que le jour se lève. Le café, un peu vite fait. La page de ma Bible,  un peu trop rapide.

L’heure est aux cahiers, aux copies que je rendrai tout à l’heure et que je vérifie une dernière fois, à mon cartable.
C’est toujours un peu étrange mon temps de professeur, comme hachuré à l’encre bleue avec de grandes périodes de classe qui alternent avec de longues périodes de vacances. De belles pauses chanceuses pour s’arrêter et voilà un rythme familier à reprendre et qui semble s’oublier à chaque fois.

Se lever avant que le jour se lève, savourer la douceur des silences.  J’ai toujours cette impression que le monde endormi prend le temps d’écouter Dieu.

Alors, prendre le temps d’une petite prière, celle qui écrira en mercis les projets, le courage, mes élèves.
Comment vais-je les retrouver ?

 

Prendre le temps de T’écrire un peu, et ce Carême qui continue.
Bientôt à sa moitié, qu’en ai-je donc fait dis Seigneur ?

Un oiseau chante, le chat se frotte à mes jambes, le soleil va bientôt se lever.
Je souris. Je crois à la vie.

Et tracer lentement, avec la main qui caresse Ton espace, le signe de Ta Croix.

 

Jour 17. Bonne journée les amis, à demain,

Corine

 

 

Une croix des vignes – 16

Jour 16

Je l’ai toujours connue là, posée sur le dessus de la vieille cheminée du logis Saint-Benoît. Une sœur, un jour, l’avait ramassée dans les vignes voisines je crois et avait rapporté sa trouvaille. Une croix de vigne. Un cep en croix.

Quand j’emmène mes collégiens pour 24 heures en monastère, ils débarquent toujours heureux dans la grande salle, admirent très vite la grande cheminée qui servira à la veillée et aux chamallows grillés mais ne remarquent pas toujours d’emblée le cep en croix, juste posé là, qui veille.

Je me souviens pourtant d’un jour, ou un soir plutôt. Les jeunes s’installaient à l’étage et descendaient dans la salle les uns après les autres. Elle est descendue la première. Elle a regardé la cheminée puis m’a demandé:
– Madame c’est quoi ça ? désignant du regard le cep de vigne.

Plutôt que lui répondre, je lui ai retourné la question:

– Tu en penses quoi, c’est quoi pour toi ?

Et j’ai aimé sa réponse.

On dirait un homme…un homme qui s’avance, qui tend les bras et ses bras qui dansent peut-être…
– Un homme bien vivant donc…?
– Ah ça oui ! Pourquoi ?

Je crois lui avoir parlé de la croix ensuite. Doucement, car ses mots avaient vu la vie et non la mort. On s’était dit que ça allait bien ensemble, une croix vivante, une croix du ressuscité.

J’ai toujours gardé ses mots. Un homme tellement vivant que ses bras tendus dansaient.

 

Jour 16. Que ce 3ème dimanche de Carême puisse montrer une Eglise vivante. 
Et une pensée ici aujourd’hui pour le pape François en voyage en Irak, et ses mots de vie, de paix et d’espérance. 

à lundi !

Corine

 

 

Une croix dessus – 15

Jour 15

Je fais une croix dessus.

Je déteste ces mots. Peut-être parce que je n’aime pas renoncer, au risque parfois d’un entêtement ridicule, au bénéfice souvent de petites victoires sur ce qui aurait pu échouer.

Je fais une croix dessus.

Je déteste ces mots aussi dans la bouche de celles et ceux qui me sont chers. Je n’aime pas davantage leurs renoncements quand cela les rend malheureux.
Mais parfois il y a ce qu’on appelle “la force des choses”.
Celle de Mado – sa force-  m’étonne, m’épate, m’époustoufle. Mado est une vieille amie pas si vieille qui a perdu la vue suite à une maladie de ses nerfs optiques. 
J’ai connu Mado quand j’étais étudiante. Elle avait une bibliothèque qui me faisait rêver et Mado me faisait dévorer les livres qu’elle dévorait elle-même. Une histoire de nourriture que nous complétions, amusées, en cuisine. Car Mado et son mari tenaient aussi un petit restaurant. Et Mado n’avait pas que des yeux pour dévorer les livres, elle dévorait les journées de sa vivacité, naviguant entre les tablées sans cesse débordée, débordée de sourires, débordante de vie.

Parfois, oui, on fait une croix sur les choses par la force des choses.
Mado a renoncé au début à tout ce qui faisait sa vie. Mais très peu de temps. 
Très vite, elle a utilisé ses mains, son nez, ses oreilles pour continuer à naviguer entre les tables de son restaurant.
Très vite, elle a cherché tout ce qui lui permettrait d’écouter les pages que ses yeux ne pouvaient plus déchiffrer. 

Elle a trouvé. Bienheureuse heure des podcasts et des livres audios qui lui ont facilité sa nouvelle vie.

 

Mado vient de m’écrire ce matin. Parce qu’elle n’a pas renoncé non plus à m’écrire. Sa voix dicte des mots toujours aussi doux et ses mails arrivent tout en douceur dans le tôt de mes matins.

Et en la lisant une nouvelle fois,  je me suis dit qu’elle n’avait pas fait de croix sur la vie. Bien au contraire.

 

Jour 15 – Puisse ce Carême nous redire  aussi que Sa Croix portée, soulevée, soufferte n’est jamais un renoncement. Que Dieu n’ a jamais fait une croix sur la force de l’amour, ni sur la Vie.

à demain,

Corine

Bises en croix – 14

Me revoilà. 🙂
Jour 14.

En vous quittant il y a une semaine, je me suis souvenue de ce que je laissais à la fin de mes lettres, juste à côté de ma signature, lorsque, adolescente j’écrivais à mes copines, à mes cousins, à ma marraine, l’été.
Je laissais quatre petites croix en guise de bises sur les deux joues. Quatre, parce que chez moi on embrassait comme ça, deux bises sur chaque joue. J’écrivais beaucoup pendant les vacances. On s’écrivait beaucoup en vérité. Il n’y avait ni téléphone, ni portable, ni internet. Du papier à lettres, des cartes postales parfois et des jolies couleurs d’encre.
Et il y avait ces petites bises en croix.

Tout paraît loin aujourd’hui. Les lettres, les cousins, l’été. Pas de tristesse non, mais de jolis souvenirs.
Et celui de ces petites croix.

Elles n’étaient pas seulement un “je t’embrasse” ou de simples “bises”, non.
Il y avait dans le tracé de chaque croix une petite marque, comme le posé des lèvres sur la joue.

Aujourd’hui, j’écris encore. Beaucoup plus rarement depuis le téléphone et les messageries, mais j’écris encore, avec du papier et de l’encre. En revanche, plus question de petites croix en guise de bises !  On ne manquerait pas de me trouver futile ou encore adolescente (défaut d’une éternelle jeunesse 😉 ).
C’est peut-être dommage pourtant.
Il suffirait d’y voir seulement un signe d’amour, un supplément d’amitié, tracé à l’encre bleue.

 

Jour 14. Que ce Carême fasse de chacun de nos signes de croix un petit baiser sur la joue de Dieu. Un peu plus d’amour, ça ne peut que lui faire du bien, non ?

à demain

Corine ( et je ne résiste pas, juste pour vous: X X X X )

Croix de granit – 8

Il y a ces croix tout près des pierres de granit. Élevées alors que les corps couchés dorment à jamais.
J’aime beaucoup ce cimetière, comme un jardin familier.

J’aime ces croix de pierre. Parfois je me dis qu’elles sont comme un phare, comme un point de repère, comme une boussole peut-être, pour me dire l’attente de nous retrouver.

Mais c’est incommensurable. Difficile. C’est inconsolable. C’est impalpable la mort.
Tellement possible et impossible à la fois.

Je ne sais pas bien mesurer ça.
Angèle me disait que je n’avais pas encore l’âge. Est-ce qu’il faut être très très très vieille comme elle pour espérer, pour espérer et attendre, pour espérer trouver Dieu dans la mort ?

 

Je ne sais pas bien mesurer ça. 
La souffrance, la maladie, la mort déjà presque là, je les ai accompagnées plusieurs fois mais je ne sais pas vraiment.
Les mains de petit Paul qui ne bougeaient plus et ma main qui les gardait encore.

Le corps froid de Catherine et mes mots pourtant qui lui parlaient toujours. 

 

Je crois oui mais je ne sais pas.
C’est tellement possible et impossible la mort.
C’est tellement possible et impossible Dieu.
Il est tellement là, emplissant chaque espace de ma vie de sa présence.
Il est tellement là, remplissant chacun des bruits de ma vie des échos de son silence.
Je crois oui mais je ne sais pas.

 

Jour 8 – Puisse ce nouveau chemin de Carême être un chemin de Foi.
Et vivre et croire et espérer que notre route n’est qu’une attente. 

 

Je ne reviens pas demain les amis, je vous laisse pour une petite semaine parce que dans ce coin de Bretagne, la connexion est  très difficile…
C’est un endroit pour Dieu je crois. 
😉

À mercredi prochain –  mais pour les impatients et ceux qui suivent “Pépites et Papillottes”, un nouveau podcast est programmé pour mardi après-midi !! 

Bon chemin de Carême à continuer,
à très vite,

Corine
X X X X   
😉

 

 

Au point de croix – 7

On m’avait dit tu auras du temps. On a toujours du temps au premier.

J’ai commencé à faire un stock de bouquins. Et de cahiers. C’est vrai que lire ou écrire occupaient bien mes journées. Et puis, c’était l’automne alors ça tombait bien. Le gris des jours et la pluie ne m’invitaient guère à pointer le bout de mon nez dehors et encore moins le bout de mon ventre. Ils avaient raison les gens: un premier congé maternité, au cœur de l’automne puis de l’hiver, ça donnait pour la première fois de ma vie plein de temps à ne pas trop savoir qu’en faire. Avant l’arrivée d’un bébé qui n’en donnerait plus pour longtemps.
J’ai bouquiné, et bouquiné. J’ai écrit, écrit encore.

Et puis, je me suis entichée de faire un truc pour mon bébé.

Un truc de maman. Sans doute ce qu’on voyait dans les magazines pour celles presque parfaites. Cependant, c’était un truc joli aussi et je l’avais appris petite, elle me l’avait appris plus exactement.
Du point de croix.

Un abécédaire en points de croix.

Je me souviens très bien que le modèle me plaisait et qu’on l’encadrerait ensuite au-dessus du berceau, pas du tout la tête d’Arthur Rimbaud mais ce serait tout aussi chouette. Il fallait du temps et j’en avais. Et un abécédaire, c’était quand même pas un dessin niais à la guimauve, bref, ça donnait de l’ampleur à ce projet, je cherchais des arguments solides s’il en fallait. 😉

Je me souviens très bien. Le point de croix, cétait facile, et ça me délassait. 
Je comptais, les petites croix, les espaces, les couleurs. Le modèle, ma grande toile, les heures.
Entre deux lectures, entre deux petits bouts de textes, mes points de croix absorbaient tout mon esprit, concentrée à faire une belle œuvre.

Je comptais et chaque petite croix me parlait du temps qui est. Entre celui qui m’avait rêvée maman et celui qui allait me le faire devenir.
Et je crois bien que Dieu était là, de tous ces temps, à la fois tellement heureux et si incertains.

 

La toile fut terminée quelques jours avant.
On l’encadrerait plus tard. L’heure était à l’arrivée imminente de ce premier bébé.
Le bel ouvrage avait occupé mon temps de future maman et je n’étais pas peu fière de l’avoir réalisé.

“Et tes petits points de croix c’est peut-être comme des petits bouts de tes prières. Tu as tissé de l’amour…”

Elle m’avait dit ça un soir au téléphone. Et j’ai posé ses mots à la page du 17 janvier 1995. La veille de la naissance.

 

Puis, le temps a happé tout ce qui restait de mon temps. Dans des tremblements et des éclats de joie.

 

Nous n’avons jamais pris ce temps qu’il fallait pour encadrer la grande toile.
Je n’ai jamais vraiment voulu l’accrocher au-dessus d’un berceau qui s’éveillait de bien d’autres décors, plus jolis encore.
Mais j’ai gardé de chaque point de croix le souvenir du temps qui se fait doux à attendre, de la patience qui sait garder les heures, de l’amour qui tisse des liens.
J’ai plié l’abécédaire et je l’ai rangé au fond d’une boîte, gardé, comme une grande prière que le temps m’aurait permis d’écrire. Points par points.

 

Jour 7 – à la manière des petits points de croix, que nos Carêmes apprennent la douceur du temps lorsqu’il se met, lentement, simplement, à aimer.

à demain, Corine

Crois…sant – 6

Il est des matins où des gens se croisent joliment par ici. Les dimanches par exemple.

Ceux qui partent chercher leur pain et ceux qui vont à la messe. Ils sont encore quelques-uns chez moi. On pourrait même les croire nombreux parfois. C’est drôle parce qu’à l’écrire et, en souriant, je me dis qu’ils vont finalement chercher la même chose tous ces gens-là. Ou presque.

Certains dimanches, à pied, je les croise. Et au retour, comme je ne veux pas être en reste, j’attrape moi aussi mon autre pain à la boulangerie.

Et j’aime assez, croissants gourmands à la main rapportés pour des petits déjeuners d’exception, me dire que ces chemins continuent de se croiser, de ceux qui y vont et de ceux qui n’y vont pas; de ceux qui croient et de ceux qui ne croient pas. Et peut-être davantage de ceux qui donnent un peu de temps à Dieu et ceux qui n’y pensent même pas.
Et pendant ce temps-là, Dieu est là, pour tous.

Jour 8 – Puisse ce Carême continuer à mettre des pas sur nos chemins, des différences à croiser, des regards à porter, des sourires aussi.

à demain, Corine