Baluchon

J’aimais le mot. Il me semble bien que je l’ai découvert sur la couverture du Sans Famille d’Hector Malot. Ou plutôt sur une illustration intérieure. Je crois que Vitalis avait un baluchon alors qu’il avançait sur un chemin, ou c’est peut-être Rémi. Je ne sais plus. J’aimais le mot qui disait le peu qu’on pouvait emporter avec soi, quelques affaires emballées dans un vulgaire tissu, noué au bout d’un grand bois qu’on portait sur l’épaule.
J’aimais le mot qui, dans ces trois syllabes, semblait pouvoir ramasser une vie. Pauvrement certes mais souvent, dans mes romans d’enfant, ce baluchon était synonyme d’aventures.

J’ai en tête les phrases d’un roman assez récent dans lequel des femmes et des enfants fuient la guerre et tentent de traverser une mer avec pour tout bagage un morceau de tissu dans lequel ils ont emporté quelques… je ne sais même pas ce qu’ils ont pu emporter, un vêtement, une bouteille, un morceau de pain ? Pas la moindre chose qui ressemble à une vie digne de ce nom. Leur paquet est décrit comme un maigre baluchon. Parfois, je me suis demandée ce que j’emporterais s’il fallait quitter ma maison. La déchirure d’imaginer simplement laisser ce qui fait nos vies devient soudain insupportable. Le mot semble bien impuissant alors, si loin de mes livres d’enfant et l’aventure n’est pas celle qu’on voudrait.

J’ai posé Marie sur son petit âne qui la porte, elle et son gros ventre. Joseph marche à ses côtés. C’est lui qui garde le baluchon sur son épaule pour soulager un peu la bête.

C’est étrange comme un même petit mot peut enfermer dans son sac ce qui, parfois, peut être l’essentiel d’une vie. Rémi trouvera un peu plus qu’une famille. Dans mon roman, les migrants trouvent refuge, rien d’édulcoré mais une histoire vraie d’hommes et de femmes de bonne volonté qui donnent à ces naufragés d’un monde en péril une nouvelle vie. Et dans ma crèche, le petit âne s’est arrêté pour la nuit. Marie se repose. Elle regarde son ventre. Elle sourit. Joseph a déballé le baluchon, a déjà partagé le pain, puis a retrouvé des amis sur le chemin.

Il est peut-être de nos vies comme un petit baluchon qu’on traîne, titubant parfois sous son poids trop encombrant, dansant d’autres fois aux rythmes de pas devenus plus légers. Il reste que baluchon, c’est un mot que j’aime.

à demain

 

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