Elle ne s’asseyait jamais vraiment. Posée seulement sur le bord de la chaise.
Elle ne s’asseyait pas tout à fait. Le corps laissé un instant à la limite, prêt à repartir.
Surtout ne pas s’installer au fond du canapé, surtout ne pas se laisser aller.
Les premières fois, elle est même restée debout. Les bras chargés des pommes de son jardin, cueillies pour moi.
– Je ne reste pas…Il faut que je me sauve…Les enfants m’attendent.
Il y avait toujours une raison pour que Sandrine ne réponde pas à mon invitation au café.
Elle ne s’asseyait pas au début.
Sur le bord, elle était sur le bord tout le temps.
Chez moi sur le bord d’une chaise chez elle sur le bord de la vie.
Puis, son corps s’est enfoncé un peu, un peu plus loin à chaque fois, son dos doucement a osé, doucement s’est appuyé sur le dossier du canapé.
Et sa vie avec. Ancrée dans un peu de meilleur. Un peu.
Je pense souvent à ce bord-là.
Je pense souvent à tous ceux qui n’osent pas s’asseoir au fond des chaises par peur de déranger, à toutes celles qui restent au bord de leur vie parce qu’il n’y a pas beaucoup de place au-dedans pour elles, à tous ceux que je croise dans ma vie qui restent en frontière des choses et des gens sans oser avancer. Sur le bord.
Et parfois, devant un café partagé, il y a un instant presque joli.
Comme avec Sandrine, un après-midi où elle a osé être là.
Elle a soulevé la tasse, bu une gorgée, fermé les yeux.
Elle a reposé le café.
Elle a poussé son dos, croisé ses jambes, croisé ses bras aussi.
– On est bien au fond.
Bonjour Corine;
Merci pour tous ces au bord, ces textes qui donnent de la profondeur à la vie même quand elle est plus difficile. Ces textes qui dessinent les contours d’une vie. Merci 🙂
Et merci Claire de tes lectures, toujours fidèles. 😊😘