C’est drôle la vie.
Ça fait pas mal d’années, beaucoup oui, que je me demande où a bien pu passer ce petit cahier bleu clair. Il y a le rouge, l’orange à la couverture glacée, le bleu mais plus foncé, le vert un peu délavé. À chaque fois que je terminais un petit cahier, je voulais que le prochain ait une couleur différente. Rouge, orange glacé, bleu foncé, vert un peu délavé. J’en avais cinq et ça fait pas mal d’années que je ne sais pas où a disparu le bleu clair.
Je les achetais gros et à grands carreaux. Gros, ça veut dire 96 pages. J’ai toujours trouvé ça étrange 96. Pourquoi pas 100, un nombre tout rond. Mais peu importe parce que 96 pages multipliées par 5 cahiers, ça fait un joli nombre de petites prières.
Ça fait pas mal d’années que j’ai perdu un de mes cinq cahiers de petites prières d’enfant. Oh…des petits bouts de mots, souvent de pas grand chose mais peut-être bien que je n’ai jamais écrit mieux depuis. Et souvent je les relis, avec tendresse, et elles font parfois mes prières d’aujourd’hui.
C’est drôle la vie.
Je ne savais plus ce qu’il y avait dans ce cahier bleu clair. Celui entre mes 11 et 13 ans.
Il y a un mois, je l’ai retrouvé.
Je rangeais une pile de livres et j’ai dû déplacer de vieux magazines, abonnements de petite fille. Le cahier bleu clair glissé entre deux Fripounet est presque tombé à mes pieds.
C’est drôle la vie. Aussitôt, je me suis dit c’est drôle la vie j’ai bien envie de le raconter ce petit morceau d’aujourd’hui.
Mais je n’y arrivais pas. Je trouvais ça un peu ridicule au fond et puis, qu’est ce que je pourrais bien en dire, ça n’intéresse personne un petit cahier bleu d’enfant.
C’est drôle. J’ai tous mes cahiers, je les ai relus, d’une traite. Ce soir. Des centaines de petites prières. Je les trouve jolies non pas parce qu’elles le sont mais parce qu’elles parlent de mon chemin et que ce chemin raconte quelque chose de moi et de Dieu.
Et c’est peut-être juste ça, ce que je peux dire. Ce que je veux écrire.
Le plus important c’est le chemin. Ton chemin. Il t’appartient.
Le reste, les autres, ce qu’ils en pensent, finalement peu importe.
C’est drôle la vie. Le petit cahier bleu clair s’est arrêté à la page 82.
Il ne voulait plus parler à Dieu. Il avait 13 ans et ses raisons.
Et puis il y a eu le bleu foncé, et le vert délavé. Et des grands cahiers ensuite avec des pages blanches et des pages blanches tapées à la machine à écrire et des prières enfin gardées dans un dossier d’ordinateur.
Ton chemin. Le reste, peu importe.