Voir au loin

VOIR – épisode 7


Il faudra garder un peu du beau de cet été alors, déjà, on a coupé des hortensias, lié et suspendu leurs pieds pour les faire sécher sous le ciel presque trop bleu en songeant aux bouquets d’hiver.
Sans trop y penser cependant.
Ne pas voir trop loin.

Juillet étire sa fin et août nous tend les bras. La Bretagne d’Élise nous attend, celle des terres du milieu, celle qui ondule ses collines faute de vagues, celle qui renferme dans sa forêt de Brocéliande des contes à réveiller l’enfance. On a hâte d’y être, de se retrouver encore, de parler de son mariage et en même temps on a appris avec ce printemps à ne pas se hâter, à ne pas penser trop loin, à vivre un peu plus au présent. Ce virus a fait de nous des spécialistes de l’aujourd’hui, ce temps pour tout et pour chaque chose au rythme de l’Ecclésiaste.
Ne pas voir trop loin.

Deux semaines que j’ai quitté le collège et les habitudes du quotidien. Deux semaines que j’ai retrouvé l’été et ses précieux silences, ceux du soir qui s’éteint doucement sur les rives, ceux des jours qui m’entraînent loin, ailleurs. Deux semaines et l’impression que le temps prend de la distance, qu’il agrandit l’espace entre hier et maintenant, qu’il enlève aux heures ses secondes.
C’est étrange le temps. Dans quelques semaines, tout reprendra.
Mais ne pas voir si loin.

Il faudra garder un peu du beau de cet été, alors j’écris encore des mots sur un cahier, déposés. Je ne sais plus très bien si ce sont des prières. Peu importe, je les écris.
Peut-être que Tu lis.


Peut-être.

J’essaie de ne pas voir au loin.

 

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