En grimpant les escaliers jusqu’à la classe qu’on se garde pour nos séances – parce qu’elle n’a pas de voisins à cette heure-là et qu’on est tranquilles – , ils m’ont demandé quand l’aumônerie serait enfin prête. Les travaux avancent dans tout le collège, on y est presque, à peine encore. Déçus, mais heureux de nous retrouver pour notre caté. Je ne leur ai pas dit mais moi aussi, j’aurais bien aimé que notre “lieu” soit enfin prêt pour cette rencontre. Tant pis, on a l’habitude et on fera avec une salle de classe. Et ce sera bien.
En grimpant les escaliers, ils m’ont demandé encore de quoi on va parler madame aujourd’hui.
– Aujourd’hui, on ne parle pas. Aujourd’hui, on va vivre une expérience. Aujourd’hui, on va goûter au silence.
Mes mots ont fait leur petit effet parce qu’il faut que je vous dise que je n’ai jamais eu un groupe aussi…bavard !
J’aime leurs bavardages faits de mille questions à la seconde mais j’avoue qu’en préparant ma rencontre de ce matin, je me suis dit c’est pas gagné.
C’était sans compter sur la confiance qu’ils me font.
Et c’était tout simple.
Il m’a suffit de quelques jolies feuilles de papier. Posées devant moi, je leur ai dit tout doucement que je leur proposais d’écrire à Dieu. Une prière. Une simple lettre. En silence. Vingt minutes de silence pour leur petite prière, leurs mots de mercis, de pardons. Leurs questions. Vingt minutes pour une lettre.
Rien de très original pour ceux qui ont l’habitude de construire ce genre de rencontre. Une première fois pour eux et leur 12-13 ans si loin du silence… et de la prière.
Et c’était très beau.
En confiance, ils se sont installés où ils voulaient dans la classe, ont pris le temps de se séparer les uns des autres. Ils faisaient déjà silence quand tour à tour, ils sont venus vers moi chercher leur feuille. Ils étaient déjà en silence quand ils se sont assis dans le coin qu’ils avaient choisi. Ils sont restés en silence, à écrire, dessiner un peu, écrire encore. Ils ont osé.
Et c’était très doux.
Et doucement, je leur ai dit qu’un peu plus de 20 minutes étaient passées. Déjà.
Ils n’ont pas bougé. Presque pas. Et doucement encore, ils se sont un peu regardés, pliant toujours doucement leur feuille, rangeant leurs crayons, me disant du bout de leurs voix que c’était vraiment bien. Finalement.
– Madame, je peux vous prendre d’autres feuilles…parce que j’ai encore plein de choses à lui dire à Dieu …
– Moi aussi, je peux ?
Dans le tumulte du temps, ils m’ont offert leur silence en cadeau. Et c’était bon.