Curieusement, c’était un doux moment.
On ne s’était pas retrouvées depuis le début de l’été. C’est une petite équipe qu’on pourrait dire amie. Autour d’une table, au creux d’une salle, au cœur d’un centre pastoral, lorsque notre tour vient, on “prépare” une messe. À nous de choisir les couplets des chants, de rédiger notre mot d’accueil, nos prières universelles. À nous de nous nourrir des lectures du dimanche qu’il nous faut “préparer”. Mes guillemets ne minimisent pas le travail qui nous incombe, non; ils sont là pour vous dire que, plus que “préparer” une messe, nous nous préparons à servir peut-être davantage, ce jour-là, l’accueil, les lectures, les prières.
C’est nous qui nous préparons. Il nous faut nous plonger dans la liturgie de ce dimanche-là, nous coller aux textes parfois difficiles, ou surprenants, ou au contraire bien connus. Dur labeur parfois.
Curieusement, c’est souvent un doux moment.
Cet après-midi, je suis arrivée la dernière, juste à l’heure quand mes amies sont là un peu avant. On se donne des nouvelles pendant que j’allume mon ordinateur. C’est toujours moi qui tape ce qu’on prépare, qui relit aussi.
J’écris la date.
Cette fois, ce n’était pas un dimanche mais un mercredi. Le 1er novembre.
Nous voilà prêtes à préparer la messe de la Toussaint.
Saint Jean nous a touchées une fois de plus.
– Il n’est jamais simple le bougre mais comme c’est bon de l’entendre nous rappeler l’amour de Dieu.
L’amie nous a fait sourire, elle a toujours le sens de la formule.
Elle a continué les lectures, de sa voix douce d’ancienne institutrice.
Heureux…
Elle a égrainé les Béatitudes.
Nous sommes restées silencieuses.
Heureux.
Le silence a duré. Je crois qu’il a, à ce moment exactement, porté nos p’tites prières au fond de nous.
Pour ceux qui pleurent, ceux qui ont faim de justice, ceux qui sont persécutés.
Heureux ?
Nos prières universelles se sont vite écrites. Parfois, les mots filent vers Toi parce qu’ils ont besoin que Tu répondes.
On était prêtes à se quitter quand un jeune homme est entré, la petite trentaine, un peu moins peut-être.
Souriant.
Immensément souriant.
On avait laissé la porte du centre pastoral ouverte et celle de notre salle, juste en face, aussi.
– Bonjour, c’est la maison des Pères ici ?
– Juste à côté, oui… Vous voulez voir un prêtre ? On peut aller se renseigner si l’un d’eux est ici…
Et son merci, dans un grand sourire, vers nous.
Il nous a dit à nouveau merci quand le père Amand est arrivé. Un grand sourire quand il lui a pris la main pour la serrer.
Il semblait heureux.
Je suis repartie avec ça. Tout ça. Nos mots, nos lectures, son sourire.
C’était un doux moment.
De ceux qui remplissent ma vie d’Espérance.
Malgré tout, absolument tout.
Cet adjectif n’est jamais si vrai ou si fort que lorsqu’on en mesure l’impossible. On n’est jamais heureux, totalement. Ici, du moins. L’éternité avec Dieu ? c’est peut-être seulement là…
Espérance <3
Merci Val !