Des prénoms

Bien regarder les petits fils argentés qui colorent l’espace de notre monde, de nos vies, de nos cœurs. Parce qu’ils existent, en vrai.

Après avoir écrit mon avant Carême hier, je me rends compte que j’ai oublié un petit essentiel. Il sera fait de prénoms, oui, de prénoms. De noms peut-être aussi. De surnoms pourquoi pas.
Mais oui, ce Carême sera fait de nos prénoms.
Simplement parce que les petits fils d’argent, liens ténus entre nous, ne viennent pas de nulle part. Ils sont tissés de notre humanité, par notre humanité. Simplement parce que je ne viendrai pas vous écrire un Carême de petites joies anonymes mais bien quelques-unes, réelles, de ma vie, souvent de nos vies, en vrai.

Je crois que c’est souvent mes premiers mots lors de l’annonce d’une naissance.    -Et ils l’ont appelé comment ce bébé ?
Je me souviens bien – il y a un tout petit peu plus de trois mois – avoir répété en boucle le prénom de ma première petite-fille, à m’en étourdir presque, à le faire devenir déjà familier, je l’ai même posé dans un cahier, à l’encre bleu clair, comme pour l’écrire à jamais dans ce nouveau chapitre de ma vie.

J’ai toujours aimé connaître les prénoms des gens lorsque ceux-ci se cachaient derrière un monsieur ou madame, ou même un mademoiselle de mon époque. Je me souviens d’une mademoiselle Rochard de ma sixième. Ma première professeure d’anglais pour qui, sans nul doute, j’ai voué une admiration sans borne pour elle et la langue qu’elle nous enseignait dès qu’elle a commencé la classe d’un “Hello everybody !” enthousiaste et souriant. Comme l’impression que le monde s’ouvrait soudain en grand devant moi, petite qui n’avait pas encore franchi un pas au-delà de deux ou trois départements. Hélène. Elle s’appelait Hélène.

J’aime toujours connaître les prénoms des gens que je croise, dont j’entends parler, que je lis, que j’écoute. J’amuse souvent les élèves en appelant les auteurs que nous étudions par leurs prénoms. Que Victor, Arthur, Nathalie ou Amélie aient été des hommes et des femmes et pas seulement des auteurs ou autrices, c’est ma manière de dire à mes élèves “Allez, prenez vos crayons vous aussi !”

J’aime toujours savoir quel est son prénom à elle ou à lui. Sans pour autant les connaître intimement. Il n’y a pas d’intimité non, simplement ce possible d’humanité qui peut me relier à elle, ou à lui. Je me souviens avoir été surprise lorsque, bien des années plus tard, j’ai appris que Soeur Irma qui me faisait classe en primaire s’appelait “en réalité” Odette. Je me souviens avoir pensé que j’aurais aimé de la même manière Soeur Odette. Et vous savez, ce fut exactement la même drôle d’impression quand j’ai su que Johnny s’appelait Jean-Philippe.

Bref. Si dans ce Carême, je viens vous raconter des morceaux de vie qui éclairent les gris, je les appellerai par leurs prénoms. Non pas pour faire comme Lui. Juste parce que les petits fils d’argent, liens ténus entre nous, ne viennent pas de nulle part.

“Ses brebis à lui, il les appelle une à une et les fait sortir.”

Cette fois, ça commence demain. Bon mardi-gras 🙂

 

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