40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit, à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.
– Je t’aide, c’est lourd deux pains de 10 kilos !
Marion m’a aidée à déposer l’argile dans mon coffre et tout sourire, j’ai pris le temps de traîner ensuite un peu dans l’atelier avec elle. J’aime beaucoup regarder ses projets de poterie et les créations des artistes.
J’aime beaucoup l’argile et j’ai la chance d’habiter à une vingtaine de minutes d’un village potier. Bien sûr, le village ne compte plus les quelques 40 ateliers du début du 20ème siècle où travaillaient des paysans-potiers. Sont installés cependant deux ateliers d’artistes potiers et “la maison du potier”, là où je vais chercher mon argile pour moi, ou plus souvent pour mes élèves, et travailler quelquefois en ateliers avec mes nièces depuis que mes enfants sont devenus grands.
J’aime beaucoup l’argile depuis les balades étudiantes qui m’ont fait arpenter les épis de Loire à la recherche de morceaux de céramique sigillée, heureux groupe d’amis aventuriers, apprentis archéologues qui pouvaient se rêver en Indiana Jones. On collectait les trésors d’argile à la recherche d’une inscription latine. Il y eut de belles petites découvertes qui nous ont fait rêver en vrai.
J’aime beaucoup l’argile sous mes doigts, pétrir, sculpter, composer. J’aime joindre avec la barbotine, manier la girelle sur le tour, jouer avec la mirette. J’aime les mots de la poterie. Le cru, le cuit, la terre qui rougit. J’aime les parfums de cette terre quand on la polit.
J’aime l’argile. Tellement que je profite de petits ateliers avec mes latinistes ou mes futurs latinistes pour les mettre un peu à l’ouvrage comme des petits potiers romains.
Je suis repartie sous la pluie, coffre rempli d’argile pour la semaine prochaine au collège.
Et sur le chemin du retour, je me suis rappelée qu’un peu avant que ne démarre le Carême, j’ai terminé le livre de Jérémie. Rude livre. Des livres de la Bible que je lis ou relis un à un, je copie les mots que j’aime. Seulement ceux que j’aime.
J’ai feuilleté mon cahier et retrouvé la page.
« Lève-toi, descends à la maison du potier ; là, je te ferai entendre mes paroles. » Je descendis donc à la maison du potier. Il était en train de travailler sur son tour. Le vase qu’il façonnait de sa main avec l’argile fut manqué. Alors il recommença, et il fit un autre vase, selon ce qu’il est bon de faire, aux yeux d’un potier. Alors la parole du Seigneur me fut adressée : « Maison d’Israël, est-ce que je ne pourrais pas vous traiter comme fait ce potier ? – oracle du Seigneur. Oui, comme l’argile est dans la main du potier, ainsi êtes-vous dans ma main, maison d’Israël !
C’est étrange. Mon histoire d’argile aujourd’hui.
J’ai à nouveau feuilleté mon gros cahier rempli de Ses mots recopiés.
J’ai parfois l’impression d’écrire ici des billets de Carême à côté du Carême.
Et c’est étrange oui.
Parce que je me suis rendue compte que tous les mots que j’aime, mes préférés oui, étaient l’écho des siens.
L’argile. Le vase raté. L’autre vase.
Et tant d’autres.
Merci Seigneur de m’aider à écrire ma vie avec tes mots.
Maison du potier ©Dominique Drouet