Petites prières

Silencieuse
Genoux à terre
Mots enfouis aux confins de mon cœur
Quand la lumière s’absente
et que le jour s’éteint

Murmurée
Lèvres effleurées
Aveux à demi-mot au long du temps
Dans les jours bruyants
et les brûlantes heures

Chantée
Mains levées
Mots délivrés par nos gorges écloses
Portées dans tes chapelles
où nos âmes résonnent

Ma prière
pleurée, osée, criée
Toujours vers Toi
Au-delà des évidences et des paroles enfermées

Ma prière
soufflée, libérée, avouée
Aux heures certaines
Ultime abandon
Pour entendre Ta voix, trouver Ton regard
et demeurer en Toi

Amen

 

Bruissement

Il y a la persévérance qui résonne ce matin dans les mots d’évangile.
Peut-être que nos cris sont aussi de ceux qui ne font pas beaucoup de bruit. 

 

 

Ma prière ne fait pas de bruit
Elle ne chante pas dans les églises
Elle ne se récite pas à haute voix
Elle ne lève pas les bras au ciel

Elle est un souffle
Elle est une vague
Elle est un murmure
Elle est un bruissement

Et Tu l’entends.

 

 

Aller simple

Elle aimerait bien déjà rester au fond de mes poches
Elle n’a plus très envie de sortir son nez au grand air, il pleut
Le temps tout moche la pousse à rentrer bien vite, et puis les cours, les collègues, les élèves,  la stagiaire, les projets de paroisse, les projets tout courts, la famille, toute cette vie, pas le temps de s’attarder
S’emmitoufler, se camoufler, le douillet elle aime assez
Quand vient l’heure de s’agenouiller, elle confie les proches, les amis, ceux qui malades attendent sa visite, les élèves celui-là déjà à côté
Elle se dit c’est déjà ça, c’est beaucoup, elle se réchauffe, elle se rassure,
Elle sent bien pourtant, au creux de tous ses mots, qu’il va falloir reprendre le foulard, le ciré, le café,
Mettre ses pieds dans des pas moins confortables
Ouvrir la porte
Lever le nez
Oser regarder
Les rues, les autres, mes prochains

Elle aimerait bien déjà rester au fond de mes poches
Mais  dans le verbe aimer, il y a cet aller simple
Allez! Va petite prière, va !

Prière de fin d’année

Semaine sans mes élèves à déposer des mots qui feront des bilans, qui raconteront les fins, qui leur espéreront un bel été.
Semaine sans eux à imaginer déjà des (re)commencements avant les vacances qui laisseront en repos le temps… pour un autre temps à aimer.  

 

Seigneur

Je veux garder du souffle
Pour pouvoir te parler
Langage de mon âme
Te dire les mots
Sans cris, sans peur, sans larmes

Je veux garder au cœur
Les mémoires enfantines
Les détours, les chemins de traverse
Les sentiers délivrés
Où j’ai pu te croiser

Je veux garder le goût
Des matins espérés
Des soirs fragiles
Des jours amers et des nuits rêvées
Où je t’ai rencontré

Je veux garder du temps
Pour aller Te trouver
Instants bénis, précieux moments,
Issues promises
De silence, de liberté, de tendresse

Je veux garder encore
Tous les mots ramassés
Les pépites d’amour, les regards d’amitié
Partager avec eux ta prière
Partager avec eux ta présence
Unir nos respirations, nos vies, nos chemins
Et Te prier encore

Amen

 

Prières brûlantes

Je crois que parfois nos souvenirs se cachent à fleur de nos vies et qu’il suffit de peu pour qu’ils reviennent à nos mémoires.

La chaleur juste arrivée chez moi depuis hier a brûlé ma peau, étouffé l’air qu’on respire et je me suis rappelée.

C’était un 27 juin aussi. Mais un dimanche.
L’été de mes 9 ans est longtemps resté comme l’été de LA sécheresse et la chaleur dès ce matin-là ne démentait pas sa future réputation. Je ne me souviens pas vraiment de la longue messe sauf qu’elle était longue pour une petite fille pourtant sage et qu’elle faisait lever mon nez vers la nef d’une cathédrale où je mettais les pieds pour la première fois. C’était le fils d’un ami de Grand-père. Un très bon ami et nous étions assis tout près, ce qui immanquablement a dû me faire tenir tranquille.
Le soir en rentrant de l’ordination du fils de Marc – c’est comme ça que j’ai longtemps appelé le père Denis – j’ai soufflé sans doute un peu trop fort et soupiré un plaintif “j’ai eu si chaud et c’était si long”. Comme toujours, un vieil homme au regard clair m’a prise au mot :
– Tu ferais bien d’écrire une petite prière… brûlante, alors !
Je l’ai écrite.
Avec mes mots d’enfant et je peux la relire encore. Elle Te demandait pardon de ne pas avoir aimé ta messe et rien de rien car tout était très lent vraiment Jésus ce n’est pas possible si lent et merci des choux à la vanille juste après et de l’orangeade vraiment délicieuse.  Des mots d’enfant, écrits avec le cœur, sans nul doute.

Je ne savais pas que ma petite prière trouverait un autre écho presque 20 ans plus tard.

 

Ce matin-là, ce n’était pas juin mais une toute fin d’avril et étonnamment le premier jour très chaud d’un printemps plutôt maussade. Tout avait été annoncé mais peut-être un peu moins qu’aujourd’hui et nous nous étions réjouis à l’avance de ce qui serait une très très belle journée. On se disait que peu importait de toute façon, qu’il pouvait bien pleuvoir ce jour-là, ce serait le plus beau quand même. Il n’a pas plu et comme annoncé, nous nous sommes mariés sous un soleil ardent. Brûlant. Le temps de la messe dans la fraîcheur de la vieille église où j’avais été baptisée a rappelé aux plus proches que le baptême avait été aussi “des plus chauds”. Je me souviens que cela m’avait fait sourire.
Ce n’est que deux jours plus tard que j’ai écrit ma deuxième petite prière brûlante peut-être parce que j’aurais tant aimé que le vieil homme soit encore présent.
Avec mes mots de jeune femme et je peux la relire encore. Elle Te demandait cette volonté-là pour aimer toute une vie et merci parce que tous, absolument tous, étaient venus. Il ne manquait personne. Même lui était là.

 

Je ne sais pas si un jour il y aura une petite prière brûlante numéro 3.

J’aime bien relire ces deux-là parfois.
Quand le temps devient brûlant, curieusement, elles me procurent cette petite fraîcheur en me rappelant le pourquoi Toi, Tu es là, dans mes jours, pourquoi  j’aime Ton Église, pourquoi j’aime la vie.

C’est une petite prière qui écrit

J’ai passé mon dimanche après-midi avec mon crayon qui corrigeait au bord de mes doigts, paume refermée.
J’ai lu les petits trésors de leurs mots d’enfant encore, des jolis efforts pour traduire leurs sens avec des bouts de phrases et des souffles de ponctuation.
J’ai râlé un peu sur des tournures que j’espérais plus belles.
J’ai souri souvent.
Au tôt du lundi matin, j’ai repris leurs rédactions, peaufiné mes commentaires, ajusté mes remarques, ajouté mes conseils.
Mon crayon au bord des doigts s’est posé.
Ma paume s’est ouverte.
Je l’ai regardée.
Avec mon pouce j’ai caressé un peu le creux douloureux à trop écrire.
J’ai souri.
J’ai souri parce qu’au creux de ma main, il y a tant de matins et de soirs à corriger, tant d’heures à écrire, tant d’autres mains, de gestes de paix donnés et reçus, tant de temps où mes paumes l’une contre l’autre doigts pliés à peine posés sur mes lèvres te murmurent des sourires en prières.
J’ai repris mon crayon.
J’ai souri.
C’est ici que Tu es.

Miracle of love

Je me demande si elle ne reste pas dans la boîte à gants entre deux virées en Bretagne. Parce qu’à bien y repenser, elle a toujours le même air.

Elle sourit à l’aller. Pas d’un sourire béat, ni d’un sourire satisfait. Non. Elle sourit comme un merci à la vie le même depuis le début tant pis tous ces gris le soleil en contraste il éclate bien davantage. Elle sourit au ciel qui est en train de lui faire un clin Dieu même qu’elle prend les lunettes fumées celles qui reste dans l’auto pour éviter devant les gens le truc qui perle à ses yeux.
Elle chantonne à l’aller. Tous ces vieux airs qu’elle connaît par cœur et même l’impression qu’ils écrivent tous ses souvenirs. Ce vieux tube d’Eurythmics qui repasse elle en a même usé le disque sur la platine à force de l’écouter.
Il parlait pour elle.
Elle s’en souvient.
Elle arrive. La voiture au même endroit. Pour regarder de loin.
Et la vie continue.

Au retour elle est toujours là. Elle redit merci pour les heures, pour le vent et l’océan. Pour l’amour encore. Pour les sourires retrouvés. Pour ceux qu’elle n’oublie jamais. Elle dit tant pis pour ce qui n’est plus elle envoie valser ses gris tant mieux pour tout ce qui reste ce qu’elle garde au creux d’elle tout le temps. Pardon. Et puis sur la route qui revient il y a toujours des tas de gens qui passent dans ses s’il te plaît. Tu peux te démener pour eux un peu zut.

Tu peux ?

Jenane et son thé bon comme lui à mille lieues d’un pays qu’il ne reverra jamais, Sandrine, ses cinq gosses sur les bras qui crève de ne pas être aimée et.
Et la liste est si longue à continuer en regardant la route en pointillés.
Au retour elle ne la quitte pas.
Cette petite prière à sa vie, au monde, ses mots qu’elle T’envoie en vrac.
Et la vie continue.

Je me demande si elle ne reste pas dans la boîte à gants ma petite prière pour la route, pour ne pas quitter la vie qui file. Et croire encore aux miracles, à l’Amour, à Toi.

Petite prière de rien

Il suffit d’ouvrir la porte peut-être un peu plus que d’habitude, poser un pied au dehors, se rappeler les parfums de la terre et avancer sur le chemin.
Il suffit de regarder au loin peut-être un peu plus loin qu’hier, puis s’agenouiller au plus près, salir ses mains posées sur la terre mais on s’en fiche on est drôlement bien.

Se rappeler un petit garçon qui disait qu’avec le mot aimer on écrit merci rien qu’en ouvrant les bras … de son petit “a”.

Et dire merci sans rien dire.
Sourire.

Premier crocus
la vie renaît           toujours.