D’un enfant

Dix-septième soir

 

Il y avait un grand sapin tout décoré d’or et des tas de jouets d’enfants un peu partout.
– Tu m’excuses, je viens de les mettre à la sieste, pas eu le temps de ranger. Tom est là aussi, un peu enrhumé, je l’ai gardé.

Il n’y avait pas de raison de s’excuser. J’ai bien aimé le dinosaure en plastique dans la petite poussette et la maison en gros Legos au pied du sapin. Elle, c’est une jeune maman prof qui a été ma stagiaire l’année du confinement. On a gardé plein de liens et on devait se revoir et puis le temps passe et passe mais là, elle m’a appelée il y a trois jours avec un “passe me voir, je suis encore en congés mais je reprends en janvier, viens vite.” Congé maternité pour un petit troisième né cet été.

Il n’y avait pas de raison de s’excuser. Un thé de Noël et des sablés. Une sieste qui commençait pour les petits. J’ai bien fait de filer en ce début de mardi après-midi, les dernières copies, ce sera pour plus tard.
– Tu sais on a deux bonnes heures. J’ai de la chance, ils dorment en même temps et la grande est à l’école après une grosse semaine bien malade.

La première heure a filé entre conseils de mamans, reprise des cours, des échanges de bouquins et un peu le monde aussi. Son gros sapin doré me faisait de l’œil, le thé de Noël était doux, les sablés savoureux.

Le temps s’arrête parfois pour nous faire du bien.

 

Le petit de quatre ans bien enrhumé a pleuré un peu plus tôt que prévu. Pas grave. Elle est allée le chercher, doucement. Et on a refait connaissance.

Il m’a apporté sa maison en gros Légos, posée sur un petit plateau, celle qui était au pied du sapin. Avec un cochon à droite, un cheval à gauche, trois playmobils couchés au sol, bien serrés comme pour ne pas avoir froid. Il a tout posé sur mes genoux, comme un gros cadeau, et m’a regardée sans doute pour que je joue avec lui. J’ai commencé à dire que sa ferme était drôlement jolie, le cochon en pleine forme et les habitants dis donc encore à la sieste !
Il a rigolé.
Je me suis dit que j’avais le chic pour les faire rire les petits.

– Corine, je crois que Tom veut te montrer sa crèche.

 

à demain  😉

Préférences

Seizième soir

Peut-être bien que ce sont mes préférés. Mes santons préférés.
Ce n’est guère étonnant. Le maître d’école à la dictée sûrement, une fillette au livre toujours un peu trop gros pour elle, un petit au cartable en bandoulière. Bien sûr, ils ont un côté un peu désuet, l’allure démodée de mes jeunes années de classe. Tant pis, ils me ressemblent toujours.

Et je les aime particulièrement pendant cette dernière semaine de classe avant les vacances.
Il faut dire que j’ai besoin d’eux, vraiment. De la tranquille assurance du maître, de la sagesse fictive des enfants, de la presque douceur de leurs traits parce que les virus additionnés à la fatigue des uns et des autres, ça produit en ce moment une alchimie plutôt explosive au collège. Ce fut le cas ce lundi lors de certaines heures.
Et en même temps, assez bizarrement, au soir, dans la salle des profs, on sent que ça commence un peu à se détendre. – Allez, lundi de fait, plus que quatre jours ! On s’encourage, on s’apaise et ça fait du bien.

Oui, je les aime particulièrement pendant cette dernière semaine de classe avant les vacances. Je les ai placés tout près de l’étable d’ailleurs. Oh ! je sais, pas de meilleures places mais enfin, quand même, l’envie que mon petit professeur soit là, proche. Au premier rang même.
Il faut dire que mon métier depuis plus de 30 ans, je le fais peut-être bien grâce à un p’tit Jésus devenu grand qui enseignait aux foules. C’est mon visage du Seigneur préféré aussi, celui de l’enseignant. Et j’aime être proche de Lui quand j’entre dans une classe. Oh …ça ne me rend pas meilleure non, mais Il est là et parfois, Il m’a donné et me donne encore un (sacré) coup de main pour écouter, encourager mais aussi sévir s’il le faut. Il sait guider ma main quand j’écris des appréciations. Il sait être là.

Alors oui, ces santons qui me rappellent ma vie, je les aime tout comme mon amie Martine préfère l’infirmière, le vieux Jo son santon jardinier, Nicolas le boulanger sûrement, Mimi la fileuse de laine.
Peut-être bien qu’on pose un peu de nos visages, peut-être de nos âmes dans les personnages de nos crèches. Parfois.

Ce sont mes préférés. Mes santons préférés.
Ce n’est guère étonnant. Le maître d’école à la dictée sûrement, une fillette au livre toujours un peu trop gros pour elle, un petit au cartable en bandoulière.
Et cette semaine, ils vont encore davantage m’accompagner pour faire de cette dernière semaine au collège une beau temps malgré virus, fatigue et tout le reste.
Ils gardent Noël sous leurs petites blouses grises, c’est sûr, en paix, dans un coin de leur cœur.

Vide-poche

Quinzième soir

 

J’la traîne dans ma poche comme si de rien n’était.
Ça fait des jours que j’la traîne dans ma poche comme si de rien n’était.
Je voudrais tant la poser, la déposer, pourtant.
Rien à faire, c’est au creux de ma poche, effleurée du bout de mes doigts, qu’elle reste, enfouie.
Elle n’arrive pas à sortir. Blottie, chiffonnée, peur du froid peut-être. Trouille du dehors, elle aussi.
Elle sert à rien alors.

Parfois, elle reste comme ça, des jours à traîner sans rien d’autre à faire, sans personne à qui parler.
Et puis, il suffit d’un interstice, minuscule espace, infime souffle.
Et au soir, devant ma crèche, je vide mes poches, je vide mon cœur.

Pour Toi, petit Enfant qui vient, ma petite prière.

 

à demain

 

 

 

 

Dieu de nos paysages

Quatorzième soir

 

Ce qu’il y a d’assez joli dans une crèche avec tout plein de santons, c’est la vie de ces petits bonshommes qu’on regarde comme la vie des gens autour.
Parfois, on dirait presque que la crèche est le prétexte. Et le village de santons provençaux comme celui de ma petite bretonne, le centre.

Chez moi, les musiciens sont au biniou, la boulangère porte des galettes de blé noir au côté de son boulanger de mari qui range des sacs de farine. La bigoudène enceinte papote avec ses amies entourées de leurs petits. Une bretonne aux cheveux gris file sa laine et un peu plus loin des marins rentrent au port. Le maître d’école raconte sans doute les fées de l’île de Loc’h, peut-être les landes où l’Ankou sévit encore. Même mon berger trimballe un triskell sur sa besace. On respire le vent du large qui souffle. J’entends les vagues au large.

Que Bethléem est loin.

Et c’est sans doute cela que j’aime dans nos crèches.
Dieu qui vient dans mes paysages comme dans ma vie. Je crois que mes amis du sud aime Dieu dans leurs cigales, leur ravi et le soleil de leur terre qui chante. Moi, je l’aime dans mes souvenirs de granit, de Kornog qui souffle et de chants de marins.

Oui Bethléem est loin. La terre d’Israël encore bien davantage.
Et Lui, loin d’être étranger à nos chemins, nos maisons, nos coutumes, Il vient faire de nos paysages son refuge. Et c’est bon.

à demain

 

 

Pauvres

Treizième soir

On n’est pas loin d’être au milieu, au milieu de l’Avent. Le temps passe.
À quelques encablures de Noël, l’Evangile ne raconte pas que Joseph et Marie s’inquiétaient déjà d’arriver dans une ville où la foule les empêcheraient de trouver une place pour la nuit.

C’est une histoire qui m’a toujours tourmentée. Comment on a pu laisser une petite maman au ventre trop rond ?
Petite, il me fallait ajouter dans la pauvre étable faite de bois de la paille. On m’autorisait la mousse du jardin bien douce. Quand même. Mais non, c’était donner naissance comme une bête ! C’est ce qu’il y avait dans ma tête. Je ne voyais pas l’humilité de Dieu oh non, je ne voyais qu’une petite Marie accoucher exactement comme les bêtes de l’étable, celle que je connaissais de la ferme où on allait chercher parfois du lait de chèvre pour faire des petits fromages.
Et je ne comprenais pas. Ni qu’on puisse laisser une petite maman au ventre trop rond, ni lui offrir seulement une étable comme une bête.

C’est une histoire qui m’a toujours tourmentée. Et me tourmente encore bien davantage quand je vois que nous ne sommes toujours pas capable de réchauffer, d’abriter, de loger des hommes, des femmes, des enfants dans nos rues de notre occident si riche et si performant.
Et je ne comprends pas. Toujours pas.

Ma crèche, chaque année, depuis tout le temps, elle pense à eux. Aux cafés qu’ils n’ont d’autres choix que de boire dans des verres en carton, aux bols de soupe, aux couvertures parfois miteuses, aux abris où la promiscuité ne donnent pas envie de rester. Et où des bébés naissent encore. Oui.

Ma crèche pour eux.
Et ce soir, je n’ai pu m’empêcher d’ajouter sur ma mousse un petit bout de lin blanc pour adoucir sa couche, un petit rien pour que bientôt l’Enfant vienne parmi les plus pauvres, doucement, qu’Il n’ait jamais froid, qu’Il nous réchauffe de Sa Lumière.
Puisse-t-Il encore et encore nous montrer le chemin du bon et du bien.

à demain

Un enfantement pour une crèche

Douzième jour

L’ange lui dit alors :
” Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus.”

J’aime ces verbes de nos langues qui disent la naissance.
J’aime savoir que Dieu est né en ce monde.
J’aime encore davantage savoir qu’Il a une mère.

Et je n’ai pas de temps dans ce temps qui ressemble presque en ce moment à celui que je n’avais pas quand j’étais maman de trois petits … 😉
Je n’ai pas le temps d’en écrire davantage alors je vous laisse, chers amis, une petite prière d’il y a longtemps, celle qui si va bien avec nos crèches.

À demain  

 

Ton ventre s’est arrondi
Tout doucement
Tes mains se posent sur la sphère de vie
Tendrement
Tes bras se croisent sur ton amour
Passionnément
Marie
Remplie du feu intérieur, tu attends
Tu attends la promesse
Ton visage s’éclaire d’un sourire confiant
Tes mains sont ouvertes maintenant
Offertes en un oui
En merci
Tu attends l’Enfant
Ton enfant
Tu vas donner la vie
Marie
Tu vas nous donner La Vie

Méditation au berger

Onzième soir

 

Je ne suis pas certaine de vous avoir dit que chaque soir, lorsque j’écris mon billet, je le fais juste à côté de ma crèche. Moi, je pose mon petit ordinateur au bout de ma table de salle à manger. Elle, sur ma droite, borde longuement mon buffet. Finalement, je ne la regarde pas seulement. Nous NOUS regardons. Et ce soir, en ligne de mire, un petit clin d’œil à mon berger, celui qui garde ses trois moutons ( les autres sont encore ailleurs, loin, dans les collines, évidemment).

Et il est là. Silencieux. Le regard pensif posé sur ses brebis. Oui, des brebis c’est mieux que des moutons. Plus bibliques. 😉
Donc il est là mon berger, solitaire. Même si des brebis lui tiennent compagnie.

Et je me demande à quoi pouvait penser un berger du temps de Jésus si ce n’est à ses brebis, au chemin à parcourir en allant et ne rentrant, aux autres amis bergers, aux dangers d’une nature plus hostile qu’aujourd’hui, au village qu’il retrouvait, à sa famille peut-être. Chaque jour recommencé, presque le même. Et soudain, dans ces habitudes et ce quotidien des plus quotidiens, l’extraordinaire nouvelle. De quoi chambouler le reste d’une vie non ?

Et il reste là mon berger. Sa vie continue de continuer.

Et je me dis c’est exactement ça Jésus dans ma vie. Chaque jour recommencé, pas loin d’être le même. Et dans mes habitudes, dans mon quotidien si quotidien, une extraordinaire nouvelle encore plus extraordinaire qu’une naissance. Une naissance qui nous sauve. De quoi chambouler le reste de ma vie, non ?

Si.

 

Ça pourrait ne rien changer. Sauf que si.
Je reste là. Et, Il est là, avec moi, pour continuer ma vie.
( Ça change tout.  😉 )

 

Au coeur

Dixième soir

Il est des soirs où l’on sait le temps un peu compté parce qu’il faudra bientôt repartir vers une réunion.

Parfois, dans ces fins d’années aux agendas toujours bien remplis, entre les cours, les conseils de classe, les réunions de parents, les autres réunions et… les réunions de paroisse, je trouve que ma crèche est reposante. Pourtant, tout le monde s’affaire vous savez. Oui vous savez, je vous ai raconté un peu hier. Mais, la savoir là, la voir, la regarder d’un peu plus près, est reposant.

Elle me repose.

Un coin-prière en grand au milieu de la maison plutôt que dans un petit coin caché de tous. C’en est presque étonnant cette visibilité dans ma maison, dans nos maisons. Pour certains, oui, on Lui laisse enfin une vraie place.

Au cœur.

Je ne suis pas naïve. Je sais bien que les petites crèches quand elles sont encore là dans les maisons, au pied des sapins, elle se font gentilles, un peu discrètes.
Mais quand même, elles sont là.
Vous avez vu d’autres moments dans l’année, dans nos vies, croyants, – très, un peu, beaucoup, pas trop, – vous avez vu d’autres moments où Jésus est autant chez nous ?

Au cœur.

Non. Aucun.
Alors, ma crèche, en bien grand pour Ce Tout-petit qui vient, et bien, elle est repos.
De mon corps, de mon âme. Et c’est bon.

à demain 😉

 

Le petit Jésus, on le met ou pas ?

Neuvième soir.

– Mais le petit Jésus, on le met ou pas ?

La question s’est posée. Ce lundi midi, après la cantine et avant la reprise des cours, on s’était donné rendez-vous mes catés 5è et moi pour faire le sapin et la crèche.
Cette année, nous avons jeté notre dévolu sur la grande salle d’étude car notre collège, en grands travaux jusqu’en février, n’a plus de hall d’entrée digne de ce nom pour accueillir Noël.

– Mais le petit Jésus , on le met ou pas ?

Il a donc fallu trouver un peu de place dans cette grande salle.
– Devant madame, comme ça on les verra tout le temps !
Alors, on a bougé deux tables, puis ils ont remonté le sapin artificiel branche par branche, sorti les décos du grand sac, enguirlandé sans se fâcher, accroché les boules à tout va, et enfin retrouvé les santons, les moutons, l’étable et… Et c’est en déroulant le papier crèche que l’un d’entre eux a demandé:

– Mais le petit Jésus, on le met ou pas ?

Il était encore temps de faire le tour de la question.

Chez moi, on le met parce qu’il est collé dans le plastique avec Marie et Joseph.
Ah nous, on attend le 24 à minuit.
Oui, mais le 24 on ne sera pas au collège.
Nous on le met parce qu’on se dit qu’il est né depuis longtemps.
Nous aussi, on le met le 25 en même temps qu’on s’offre nos cadeaux.
Et bien on pourrait le mettre en janvier quand on reviendra non ?

Dernière option adoptée à l’unanimité.

 

C’est chouette ces travaux au collège cette année qui nous empêchent de faire notre sapin et notre crèche dans le hall d’entrée. La grande salle d’étude à l’heure de Ta crèche, si Tu voyais. J’ose presque espérer que cela apaise un peu leurs heures de travail des 15 jours à venir ou de lecture ou de rien-du-tout-parce qu’-on-a-plus-rien-à-faire.
Oh…s’ils pouvaient simplement regarder. 🙂

Pendant ce temps-là, entre ma tasse à café et mes mouchoirs, pas loin de mon dictionnaire et quelques crayons qui traînent, j’ai fait un petit nid douillet à notre petit Jésus. Dans mon casier de la salle des profs.

Lui, planqué jusqu’à janvier.
Et au plus profond de mon cœur.

 

à demain

PS: Crèche au collège d’une année précédente…. complètement oublié de faire quelques photos ce midi, je me rattrape bientôt pour vous montrer, promis.

Vivante

Huitième soir.

Le soir vient de tomber.
Sur ma crèche, les lumières dessinent des ombres.
J’aime bien la regarder en cette fin de journée.
Et, d’une main tranquille, je bouge chacun de mes santons d’un petit pas.

 

Je ne vous ai pas dit ça, c’est vrai.
Mes santons marchent.

Ils marchent eux-aussi sur le chemin et, pas très loin de leurs pas, Joseph guide le petit âne. Marie s’endort un peu. La nuit sera encore fraîche, il faudra vite s’arrêter pour faire un feu qui réchauffe, manger le pain qu’on a emporté pour la route avec quelques fruits secs. Plus loin, au village, mon boulanger se réveille de sa sieste, le professeur corrige ses copies, les enfants jouent sans penser à lundi, la jolie fermière rentre ses poules et le marin, juste débarqué au matin, va retrouver les siens. Bien loin ailleurs, mes mages consultent encore leurs livres…

 

Mes santons marchent.
Ce n’est pas seulement parce que j’aime raconter des histoires vous savez.

 

Je me suis toujours racontée des tas de petits films devant la crèche de mon enfance. C’est moi qui l’installais. Je n’avais pas trop le droit de toucher à Marie et Joseph qui passaient leur Avent dans leur étable sans bouger d’un iota. Je les plaignais et parfois, en cachette, je leur faisais faire une petite virée en amoureux. Les bergers, eux, avec leurs moutons, et quelques autres santons, tout comme les rois et leur chameau, je pouvais les faire avancer à mon gré. Et des décembres dont je me souviens, c’est un moment que j’aimais plus que tout.
J’ai encore une vraie tendresse pour cette petite fille, allongée sur le sol en pyjama et en chaussons qui jouait à raconter Sa naissance. Je ne suis pas certaine qu’il y ait eu plus belle aventure à raconter en vrai. Alors, j’ai continué. Et j’aime tout pareillement.

Le soir vient de tomber.
Sur ma crèche, les lumières dessinent des ombres.
Mes santons avancent.
Joseph a trouvé un refuge. Il donne à manger à son petit âne.
Marie rompt le pain du dîner puis pose une main sur son ventre.
Il est là.