Prémices de printemps

Je ne sais pas pour vous mais moi, les prémices du printemps, ça me fait plein de bien.

Les matins sont encore bien froids et les gelées s’invitent toujours au réveil mais il y a des jours comme aujourd’hui où le soleil ne s’arrête pas d’être là. Flirtant avec la vitre de la voiture, jouant avec les faux-jours au tableau, caressant les mains qui taquinent des crayons.
Et qu’il fait du bien ce rayon sur la tasse de café qui se “pause”.
On oserait presque dire qu’il en faut peu pour que tout aille mieux. Mais on n’ose pas.
On attrape un peu d’éclat, un brin de chaleur. En silence.

 

Je ne sais pas pour vous mais moi, les prémices du printemps, ça me fait plein de bien

Les soirs s’étirent un peu plus, les heures s’allongent doucement et je suis rentrée à la maison en pleine lumière. J’ai laissé la voiture au dehors, je devais repartir deux heures plus tard.

On dirait qu’elle sait quand je ne rentre pas ma voiture au garage que j’ai un peu de temps, peut-être pour elle. Elle grattait quelques fleurs dans son jardin, presque à côté du mien, elle m’a fait un grand signe de la main.

 

La petite heure a passé.

Assise sur le muret de son jardin, je l’ai écoutée me raconter les primevères, j’aime bien les jaunes, on dirait qu’elle réchauffe le chemin quand on passe, et les bulbes de narcisses, tu sais que chaque année il y en a davantage qui ressortent, et les boutures de géraniums il faudra les laisser encore au chaud, je me fais attraper chaque année à les sortir trop tôt.

J’ai entendu ses inquiétudes sur le monde dans les silences posés sur ses mains lorsqu’elles s’arrêtaient de gratter la terre.

 

J’ai aimé quand je lui ai dit il faut que je te laisse maintenant et qu’elle a répondu merci de ce moment à goûter le soleil et rien d’autre.

Je ne sais pas pour vous mais chez moi, les prémices du printemps, ça ressemble à des p’tits riens qui font du bien. Et du beau.

Le b.a.ba du Beau

Pendant le Carême, il y a toujours quelque chose d’un peu étrange que j’aime bien.
Après les Cendres, je sais, seule, que je vais essayer de faire de la place à Dieu pour le rencontrer encore davantage. Seule, à peine. Il y a bien ma toute petite famille  qui est au courant du truc, mon caté un peu et les copains de ma paroisse bien sûr. Mais vous savez, c’est presque seule finalement parce qu’en dehors de ma maison, du caté et de ma petite église, mon Carême, tout le monde s’en fiche. Tant mieux. En vrai, c’est même pas que le monde autour de moi – mes voisins, la plupart de mes amis, mes collègues, plein de gens que j’aime bien – s’en fiche, c’est que simplement, ça ne fait pas partie de leur vie.

Et j’me trimbale avec mon cœur qui essaie de prier un peu plus, mon corps et ma tête qui essaient de chercher l’essentiel et tout ça qui essaie de partager, sans faire de bruit, sans rien dire tout autour. Oh… attends, je ne fais pas la fière qui suit Sa Parole à la lettre et ce n’est absolument pas parce que Jésus m’a demandé d’être discrète, non, non, c’est tout simplement parce que j’aurais bien peur de me prendre un revers de “ça ne rime à rien tes bondieuseries” que je me tais.
Voilà, pendant le Carême je ne dis rien et j’aime bien ça.

Et j’me trimbale tout près de tous ces gens que j’aime, à mille lieues de mes 40 jours, et c’est là, que je trouve un truc étrange. Très souvent, vraiment, ce sont eux qui font de la place à Dieu. Sans le savoir. Ça me fait sourire, j’aime tellement ses coups en douce qu’Il a de grossir les cœurs pour entrer au-dedans sans rien dire de Lui.

 

Voilà.
Ce midi, je me suis invitée à sa table de déjeuner. Mon Dieu, depuis toujours, lui est complètement étranger. Et puis, elle n’a jamais eu les mots pour me dire qu’elle m’aime.
Mais elle, malgré sa petite santé, elle s’est levée avant l’aube, a cuisiné, fait mijoter et même pâtissé de A à Z un truc gigantesque juste pour trois – j’en suis restée baba 😉 , un truc pas vraiment Carême, qui veut simplement dire je t’aime.

Merci à Toi de T’installer, tout doux, pour moi, dans son vieux cœur de maman.

Le beau, ça sent bon aussi

Il y a des jours où c’est plus facile.

Ce matin, je savais que je reviendrai encore un peu tard ici mais que ce serait sans doute plus facile. Facile de trouver du beau aujourd’hui. Je vais encore vous parler de mon petit collège, je vous promets de parler d’autres ailleurs.
Mais ce vendredi, c’était un vendredi tout rempli d’une matinée de classe, d’un temps de caté et d’un après-midi de préparatifs. Un vendredi tout rempli jusqu’à il y a quelques minutes encore. 22 heures et des poussières à nouveau, vous pourriez croire que cela manque de sérieux pour un vendredi soir.

Ce matin, je savais que je reviendrai avec du beau. Tout simplement, parce que mon collège, de 17 heures à 20 heures bien passées a ouvert ses portes aux futurs élèves de sixième. Cela aurait dû se passer un samedi matin de janvier mais le virus était là et nous en a empêchés. Alors, en équipe, on s’était dit si on essayait un vendredi soir. C’était ce soir.

Et il y avait plein de beau.

Mon collège, c’est comme une bulle d’air dans un petit village à la campagne. Ce soir, c’était une petite bulle qui s’était faite toute jolie tout l’après-midi pour accueillir l’avenir de leur 10 ans tout rond.

L’avenir.

On en a parlé, on y a pensé, on a répondu aux questions de leurs parents. Une petite bulle toute jolie pour y croire, à l’avenir.

 

Ce soir, il est arrivé dans le dernier groupe de visiteurs. Il m’a laissé parler et avant de quitter ma salle:
– Vous me reconnaissez ?
C’est facile de dire “un ancien élève forcément !” mais avec un masque et 20 années de plus, c’est plus qu’un défi de reconnaître, un défi que je ne sais pas relever au-delà de “un ancien élève forcément !”
Seul, le nom souvent réveille ma mémoire. Ce fut le cas.
Un ancien élève, je me suis souvenu de son année, de trois autres camarades de sa classe, d’un voyage scolaire aussi.
Un ancien élève papa aujourd’hui avec, à ses côtés, sa fille. Future élève.
On s’est attardés à quelques souvenirs encore.

– Je suis heureux de revenir ici…j’avais oublié que ça sentait si bon…
– Oh ça, tu sais…je peux encore te tutoyer dis ? … ça, c’est le mimosa. On en a mis dans toutes nos salles !
Il a doucement regardé sa fille.
– C’est vrai…mais ça sentirait bon sans ça, mes souvenirs de collégien. J’espère qu’elle en aura de très beaux aussi… à bientôt !

 

C’est joli de ne parler de rien

 

22 heures et des poussières.
La journée a passé, dense. Des cours, des réunions, un conseil de classe très tardif. C’est drôle parce que je savais toute la journée qu’il fallait que je fasse un peu plus attention au beau. Je l’ai guetté. Pour ne pas le louper. Pour vous le dire ici.

22 heures et des poussières.
La journée a passé, dense. Je n’ai pas croisé le beau en grand. Je l’ai aperçu en tout petit, très petit, je crois.

Dans le temps de la vie de classe de ma sixième.
Je leur donne toujours la parole.
J’ai fait comme d’habitude. Enfin, pas tout à fait.
” Si vous voulez partager…sur l’actualité, c’est votre temps…je vous écoute”.

J’ai essayé de ne pas mettre d’inquiétude dans ma propre voix, voulant leur laisser un espace pour poser des questions, exprimer leurs sentiments, mettre des mots sur leurs peurs.
J’ai essayé mais peut-être que j’ai mis quelque chose dans ma voix, je ne sais pas. Ce que je sais, c’est qu’un silence très lourd a commencé. Ça n’arrive jamais. Ils ont toujours des tas de choses à partager. Un silence de quelques secondes qui m’a paru interminable. Peut-être bien qu’ils me disaient tous qu’ils n’avaient pas de mots pour dire la guerre, peut-être bien qu’ils me disaient tous qu’ils ne voulaient pas, que d’habitude on partageait du joli, du vraiment joli et que là… Peut-être.
Je ne sais pas.
J’aurais repris la parole pour leur parler des projets à venir si B., avec son grand bras levé, ne l’avait pas demandée.
“J’ai quelque chose à partager, moi.”

Je m’attendais à ses peurs, des images, des questions.
Il a continué, tranquillement.

“Je sais qu’il ne faut pas trop regarder la télé mais si vous pouvez faire une exception mardi 15. L’émission avec la boulangerie de mon papa passe enfin sur M6.”

Il y a eu une petite seconde ou deux avant que je réagisse mais la classe l’avait déjà fait. Le silence s’est rompu comme un gros ballon de baudruche en un souffle de sourires, de “ah oui c’est vrai !” faisant allusion au récit de B., il y a quelques mois, nous racontant les caméras dans le fournil, les journalistes débarquant dans la boulangerie familiale, et même la recette du jour dévoilée.
Les questions ont fusé à nouveau, les rires aussi.
J’ai laissé leurs petites têtes attraper un peu de légèreté.

Tout devant, à la fin de l’heure, elle m’a regardée chercher dans mon cartable les feuilles que je devais leur distribuer pour le prochain conseil de classe.

“Moi, j’ai l’impression que de parler des choses de la guerre, ça ne change rien à la guerre, ça m’a fait du bien là… ça fait du bien des fois, enfin c’est joli de ne parler de rien… J’peux vous aider à distribuer vos feuilles m’dame si vous voulez?”

Malgré tout

On m’a soufflé que donner du beau à voir, ce serait plus qu’une gageure pendant ce Carême.

J’ai cru que ce petit mot soufflé avait raison. Peut-être oui, une gageure.
J’en suis beaucoup moins sûre en cette veille des Cendres. J’ai pourtant mille raisons de dire que le moche est absolument partout. Au détour d’une dictature, au bord d’une guerre, au creux d’une violence abjecte, au fond du minable, du mauvais, du mal. Dans les yeux d’un enfant qui meurt, dans les bras d’une mère qui le perd, dans les cris d’un père qui le retient.

Sûrement oui, une gageure.

C’est toujours un truc presque impensable de regarder le beau, de le chercher encore, d’oser même le dire. Cela semble futile. Et insolent comme la vie.

Insolent.

Et pourtant au détour de bras qui se lèvent, au bord d’un morceau de paix, au creux d’une douceur indécente, il y a ce quelque chose de beau.
Dans l’Espérance, la tendresse, l’amour, il y a toujours quelque chose d’essentiellement beau.

Essentiel.

Mercredi des Cendres.
Il y aura demain la poussière, ces gris, nos fragilités.
Il y aura demain Sa croix tracée sur nos fronts, à peine visible, discrète.
J’oserai dire qu’elle est belle.
Petit bijou, porté avec mes peines, porté avec mes joies.
Espérance d’un amour infini. Belle, malgré absolument tout.

 

 

Belle entrée en Carême, je viendrai vous retrouver le soir, parfois un peu tard sans doute, pour essayer de donner à voir le grain de beauté de ma journée.

à jeudi

“Donne du beau”

On devrait pouvoir accrocher à certains jours des minutes supplémentaires. Parce qu’on les trouve beaux ou simplement parce qu’on y est bien.

Un mois est passé depuis mon dernier billet ici, il y aurait eu plein de vraiment très bonnes  raisons de venir y poser des mots et il y en avait tout autant pour les taire. Je ne me demande jamais longtemps le pourquoi, je sais une seule chose: revenir écrire ce soir sur mon petit blog, c’est presque comme retrouver un vieil ami à qui on ne parle pas si souvent mais dès qu’on le retrouve, on a plein de choses à lui partager.

On devrait pouvoir accrocher à certains jours des minutes supplémentaires. Parce qu’on les trouve beaux ou simplement parce qu’on y est bien.

Un mois est passé avec deux semaines de vacances chanceuses, des bolées d’air frais qui sentaient bon les enfants, l’amitié et l’océan. Je ne me demande jamais longtemps de quoi est composée une vie heureuse, je sais une seule chose: un bout d’océan, des sourires et de la gentillesse – celle si peu à la mode, celle qu’on trouve tellement naïve, celle qui ne fait pas les grands soirs – voilà mon trio gagnant, le trio qui sait donner aux gris de nos vies des reflets argentés, le trio qui estompe les contours trop vifs et le rude et l’âpre et le difficile.

On devrait pouvoir accrocher à certains jours des minutes supplémentaires. Parce qu’on les trouve beaux ou simplement parce qu’on y est bien.

Un mois est passé et depuis trois jours, j’ai repris le chemin du collège. Moins perturbé par le fichu virus, un peu plus doux sans doute. Pourtant, mon p’tit bonhomme de sixième reviendra d’ici quelques jours sans son papa, décédé pendant les vacances, et je ne me demande pas trop comment je vais l’accueillir, je sais une seule chose: si nos heures de classe avec eux semblent ne pas faire beaucoup d’envieux, si beaucoup bavardent toujours autant sur l’école sans rien savoir ou si peu, qu’ils soient certains que leurs vies au collège, dans ce que l’on sait d’eux, comptent bien plus que n’importe quel discours.

On devrait pouvoir accrocher à certains jours des minutes supplémentaires. Parce qu’on les trouve beaux ou simplement parce qu’on y est bien.

Un mois est passé et au retour du collège ce matin, j’ai fait un détour du côté de l’abbaye. La lumière était douce, les arbres alignés sur le haut de la colline “donnaient du beau”. Je ne me demande jamais pourquoi je suis bien, là. Je sais une seule chose: il y a toujours quelqu’un qui m’attend. Ce matin, il était vraiment là, le frère avec qui j’avais demandé un petit temps. Vous savez ce temps qu’il faut parfois pour déposer un peu de soi. Je souris à ce qu’il m’a laissé, pour moi, en cadeau après plein de mots en partage, et peut-être pour vous.
“Ton chemin de Carême, si tu veux qu’il soit différent ou neuf ou nouveau… à écrire sur un blog, regarde la colline. Tu vois, les arbres, au loin, je trouve qu’ils donnent du beau. Voilà. Toi aussi, donne du beau.”

On devrait pouvoir accrocher à certains jours des minutes supplémentaires. Parce qu’on les trouve beaux ou simplement parce qu’on y est bien.

Je vais revenir mercredi, le jour des Cendres, dans une petite semaine, et les jours d’après. Je ne vous promets pas chaque jour parce qu’il est des promesses que je ne sais pas bien tenir, mais j’essayerais.
Je vais revenir pour ce nouveau Carême, je vais revenir donner du beau.

à bientôt,
Corine

 

 

Quand ma prière tempête

Ma petite prière suit le cours du temps. Du temps qui passe oui bien sûr mais aussi du temps qu’il fait.
Si, en vrai.
Même que depuis Noël, elle tempête et grelotte plus souvent qu’à son tour.

Tout y passe: le monde mal fichu, le virus et le virus encore, les matins où l’on ne sait pas qui va être là, quel collègue à remplacer au pied levé, quels élèves à accrocher, à raccrocher encore, à donner simplement le goût d’être au collège  malgré tout, et les soirs imprévus où il faut aider M. à remplir sa feuille pour la CAF parce qu’ils n’ont encore rien compris à sa situation, à faire rentrer dans des cases ceux qui ne cochent pas le bon numéro, ces soirs à écouter des peines, et les veillées enfin à essayer d’attraper des mots un peu plus doux pour trouver le sommeil.
Et ma prière tempête, s’écorche aux rochers des jours, s’accroche aux vents mauvais. Tout y est : le monde que je voudrais autrement, les malades que je souhaiterais guéris, et même la mort injuste, là, qui frappe depuis quelques semaines, je Te demande d’arrêter le cours de ce temps. Un peu de répit, dis, un peu !

Pourtant, ma petite prière, elle devrait éclater doucement de joie au rythme des bonnes nouvelles qui existent encore, celles du doux des amis, du foyer, de la famille mais non, elle tempête, s’emporte, s’éclate en ressac qui casse tout sur son passage. Une amie me glissait ce message avant-hier : “Le monde hurle très fort en ce moment. Plus fort je trouve. Ça heurte même les bons moments ou plutôt ça hurle juste après les bons moments, comme pour les voler, les ternir d’un « ce bonheur-là est égoïste »”.
Tellement juste.

Alors peut-être bien qu’elle n’ose plus cette petite prière Te dire merci pour le bon, le bonheur, les heures jolies qui sont là, encore.
Elle a peur d’une joie indécente qui afficherait un sourire comme si de rien n’était. Elle a peur d’oser dire le besoin de douceur, de se faire du bien, de regarder le beau.

C’est pourtant cela qu’elle me murmure, apaisant le souffle de mes colères, me prenant dans ses bras, effaçant d’un revers de mots les larmes futiles.
“Il faut encore aimer, aimer le monde, il faut encore oser.”

 

 

Déboussolée

Mais…on est quel jour au fait ?

Ce matin, la question ne semble pas saugrenue: je crois que chaque année, quel que soit le jour, Noël me déboussole.

Noël me déboussole.
Quelle drôle d’idée. Lui qui est venu pour nous montrer le chemin, guider nos pas, voilà que sa naissance me fait perdre le nord. Et ça me fait bien sourire de l’écrire.
Noël me déboussole.
Peut-être bien qu’il y a pas mal de vrai quand je regarde mes heures quotidiennes. Là où je suis trop sûre de moi, c’est Lui qui questionne mes choix. Là où je doute, c’est Lui qui me tend sa main pour une autre route. Oui, vraiment, Jésus me déboussole avant même de me montrer le chemin. C’est bien cela. Perdre mes propres repères, faire fi de mes certitudes, lâcher prise.
Jésus me déboussole.
On pourrait rire de ma naïveté, on pourrait m’assurer de ma faiblesse: croire que c’est Lui qui guide mes pas, que je ne risque rien, que je n’ose jamais. On pourrait oui, on le fait parfois. Peu importe. Se laisser déboussoler, c’est bien accepter de ne pas savoir. Se laisser déboussoler, c’est bien remettre en questions le monde bien plus que tous les grands discours. Se laisser déboussoler, c’est bien se faire petit, enfin.
Noël me déboussole.
Et il n’y a pas plus belle rébellion aujourd’hui pour moi que de laisser Dieu déboussoler ma vie.

Joyeux Noël amis, amie, d’ici… à vous laisser déboussoler aussi !  😉

 

Hâte

Il lui a peut-être fallu une semaine à Marie. Une bonne semaine de marche à pied. Un âne peut-être ? Juste enceinte. Seule ou presque. Avec la fatigue. Des nausées ?

Mais elle avait hâte de partager la bonne nouvelle. Je me suis dit ça la première fois que j’ai su que j’étais enceinte.

J’ai eu la même envie folle de partager la nouvelle avec mes très proches. On a pris l’auto, on a parfois fait pas mal de kilomètres. On s’est arrêté sur le bord des chemins parce que le ventre brassait trop. Il y avait une joie profonde qui m’empêchait de me plaindre. J’étais même heureuse d’avoir quelques-uns de ces symptômes “occidentaux”. Je me demande même si je ne les ressentais pas juste pour me rassurer. Oui, j’étais enceinte. Bien sûr que je l’étais.
Je me suis dit aussi je ne suis pas seule, je n’ai pas des kilomètres de marche à faire.

Mais je ressentais sa hâte.

Il est des joies qui ne sont joies que parce qu’on les partage à ceux qu’on aime.
Je crois qu’au fond ils sont comme ça mes Noëls.
Dire et redire que ce tout petit, fragile, minuscule corps de notre humanité, est Dieu.
Chaque fois que l’Avent recommence, je ressens cette hâte à sortir mes santons, à  refaire ma crèche, à accrocher ma couronne, à allumer la première bougie, à décorer le sapin, à cuisiner des sablés. Comme si chaque fois, il y avait une urgence à L’annoncer encore. Et j’ai hâte, chaque décembre, d’arriver à la veillée et par mon chant de Le clamer, de L’acclamer, haut et fort. Oh pas trop quand même… c’est un bébé qui dort encore.  😉

J’ai hâte.

 

Zut !

Zut !

J’aime bien ce tout petit mot de rien qui dit les regrets sans s’apitoyer trop longtemps et semble déjà regarder au devant. Zut. C’est une syllabe qui glisse, peut-être trop vite c’est vrai, peut-être qu’elle ne laisse pas suffisamment le temps de regarder derrière, de relire, peut-être qu’elle veut faire oublier trop rapidement les ratés, les manquements. Zut. Je l’aime bien pourtant.
Zut !
Zut, vraiment. J’étais bien partie pour mon calendrier de l’Avent. Les mots, je les aime tant, je les connais bien dans leurs entournures secrètes ou leurs voyelles chantantes, dans leurs histoires et leurs sous-entendus, dans leur petit air à toujours vouloir dire quelque chose entre les lignes. J’étais bien partie, Anne-Marie, dans un commentaire, me l’a redit à l’instant même où je m’apprêtais à publier ce zut.
Et zut ! Le temps ou plutôt la vie m’a rattrapée, la mort aussi parce que l’un ne va jamais sans l’autre.
Parce que l’Avent ne met pas entre parenthèses le quotidien qui file fait de rose et de gris, parce qu’à vouloir n’écrire que les mots doux et jolis, je n’ai pas voulu écrire une grande partie de nos heures.
Zut, vraiment. J’étais bien partie pour mon calendrier de l’Avent. Chaque jour depuis des jours, il y a Sa Lumière pourtant. Chaque jour, une raison d’avoir au creux de moi, au fond tout au fond, la joie. Pas celle qu’on croit futile, pas celle qu’on affiche en grand, pas celle qui se montre en éclats de rire, non. La joie de savoir que Dieu est là, tout près. En silence, presque.
Zut, vraiment. J’étais bien partie pour vous raconter le joli de la crèche au collège, leurs mains qui posent les santons, leur plaisir à écrire des souvenirs de Noël, leur émotion à l’écouter, lui, raconter un Noël triste. J’étais bien partie pour vous raconter les dernières semaines à s’encourager, les clins Dieu des collègues, les coups de main pour pallier les fatigues, les mots qui font du bien.
Zut, vraiment. Et ma paroisse, j’étais prête aussi à vous dire qu’elle n’oublie aucune des blessures du rapport Sauvé, elle n’a rien mis aux oubliettes et retrousse ses manches pour accueillir encore, ouvrir les portes, écouter les paroles. Et ma paroisse, petite et précieuse, prépare Noël pas comme une simple fête de calendrier mais comme un temps pour aimer. Et les amis, les enfants, la famille. Et les voisins, les rencontres, les sourires. Et tous ces liens qui jamais ne se défont vraiment. Oui, j’aurais dû venir poser des mots sur tout cela.

Zut.

Il y avait tant de mots à écrire et je n’ai pas pris ce temps. Regrets oui, vraiment chers amis. Mais il y a mon regard vers l’avant.

Ce temps déjà là d’un Noël qui enferme dans ces quatre lettres dorées le cadeau d’une promesse, qui saupoudre son tréma comme des flocons d’amour sur nos vies, qui laisse sa dernière syllabe s’envoler vers un Ciel non de rêves trop pâles mais de cette Espérance viscérale: au creux d’un ventre de femme, Dieu est venu, sang, chair, corps. Et je Le sais là.
Zut. Il y a la vie. Il y a la mort. Il y a la Vie.
Des langes au linceul, de quelle étoffe Seigneur couvriras-tu notre éternité ? Je ne sais mais je sais seulement que d’une pauvre toile ou d’une soie des plus fines, cela m’importe peu si c’est Toi qui, Petit Enfant, improbable et fragile, là et maintenant, tisse ma vie jusqu’au bout.

Fin d’Avent… encore un peu de temps… à bientôt 😉