Joyeusement

Je ne pouvais pas vraiment y échapper non plus à ce mot-là mais j’ai préféré l’adverbe au nom. Il y a dans la joie une action qui me fait aller, un élan qui me fait bouger, et c’est bien l’adverbe qui m’y pousse davantage.

Joyeusement. On pourrait croire que celles et ceux qui l’ajoutent aux verbes de leur quotidien sont trop naïfs ou inconséquents. À l’époque où on vit. La joie est suspecte souvent, presque indécente aujourd’hui. Comment donc peut-on être encore joyeux ?

Joyeusement. Ils sont entrés dans ma classe avec le sourire. Fatigués dès le lundi mais souriants. Parfois je me demande ce qui les rend joyeux. Une part d’enfance peut-être, un bon mot sur la cour de récré. Je ne m’y trompe pas. Depuis le temps, je sais reconnaître les mauvaises blagues dont ils sont les auteurs et qui les font rire et leur joie sincère, celle qu’ils affichent simplement. Il sont rentrés joyeusement dans ma classe. Hier, c’était une belle joie. Sincère.

Joyeusement. Elle sait être intérieure aussi. Quand même. Je peux prier joyeusement, cuisiner joyeusement, marcher en silence joyeusement. Je peux écrire joyeusement. C’est ce qui m’arrive chaque soir avec ce calendrier de l’Avent. En vrai. C’est tout bête cette petite joie et ça fait du bien.

Joyeusement. Je le colle à ma peau l’adverbe, à chacun de mes pas, à nombreuses de mes paroles. C’est une volonté bien plus qu’un trait de caractère. Peut-être bien un antidote à la noirceur du monde. Rien ne justifie ma joie, sauf Dieu, et je la revendique. Sans naïveté aucune. C’est consciemment que je vais joyeusement.

Joyeusement, je vous souhaite une bonne journée. Puissiez-vous gonfler votre coeur de joie,

à demain

Invitation

Il me semble qu’on devait être vers la fin d’octobre ou début novembre, l’automne s’était bien installé, le feu commençait à réchauffer nos soirées, c’est peut-être ça d’ailleurs qui a donné le signal. Un soir, on a pris nos calendriers, il était l’heure d’envoyer le message. Alors, on fête Noël quand cette année ?

C’est drôle. Cette question m’amuse toujours. Bien sûr, Noël, celui de nos coeurs et de nos églises, Le Sien, il est écrit dans le calendrier en lettres dorées mais ceux de nos familles, pas encore. Parce que Noël, ce sera eux aussi. Un Noël  multiplié par deux ou trois, parfois davantage.
Alors on le fête quand Noël cette année ?
Ce n’est pas toujours simple. Il y a les familles au pluriel, la belle-famille, celle des enfants, chacun la leur. On propose, on réfléchit, on décale. On réussit à s’accorder sur le 24 d’un côté, le 25 c’est compliqué, pas grave le 26 alors, et le week-end d’avant de l’autre côté. Ce n’est pas toujours possible d’ajuster les agendas. On y parvient. On est heureux.
On veut que tout le monde soit là, vous comprenez. Pour que Noël soit vraiment Noël, il est important d’être ensemble.
Il y a dans Noël comme un goût d’absolu parfois.

On a lancé les invitations. On a réussi. Finalement, on fêtera Noël trois fois cette année.

En regardant ma crèche et mes santons qui s’avancent doucement, j’ai souri. Ils sont bien tous là, eux aussi, invités. La date importe peu finalement. Et chaque fois qu’en son nom vous êtes réunis… Chaque jour est une invitation à aimer, sans nul doute.

En attendant les amis, je vous invite moi aussi à commencer une nouvelle semaine, c’est parti !

à demain

 

Humble

Humble, l’adjectif s’efface en un souffle.
Il ne disparaît pas pour autant.
Les humbles, à chaque fois que ma route en a croisés, ont laissé une empreinte en moi bien plus grande que tous les plus grands qui s’affichent.

Il m’est pourtant difficile de parler d’eux quand je sais que leurs vies n’est ou n’a été faite que de gestes de bonté discrets qui ne voulaient ni commentaire ni éloge.
Je crois qu’en choisissant ce mot, je voulais simplement rendre hommage à tous les silencieux du monde qui, malgré tout, le rendent meilleur.

Humble, l’adjectif lui-même s’efface devant lui.
Il est là.
Au coeur de Noël.
Et chaque matin de l’Avent, quand ma petite prière le rencontre, je mesure combien son humilité est à l’image de son amour. Incommensurable.

C’est bouleversant.

 

Bon deuxième dimanche de l’Avent les amis,

à demain

 

Gourmandise

Gourmandise. Je suis sûre que pour vous aussi, ça fait cet effet-là. Il suffit de prononcer gourmandise pour que nos papilles s’activent. En le disant, ses syllabes nous font sourire. Il y a des prémices à la joie dans ces lettres-là. La gourmandise porte en elle cette capacité à rendre heureux.

Mais, à l’heure qui doucement tend vers Noël, je ne vais pas vous parler de réveillons gargantuesques, de menus à n’en plus finir, de petits plats dans les grands. Non, pour moi, la gourmandise est ailleurs.

Elle est dans la cuisine, d’abord.
Elle se trouve là, dans le livre de recettes qui s’étale en grand, on a bien mis quelques marque-pages pour ne pas s’égarer, elle est dans le geste de la main qui fait de la place sur le plan de travail pour installer les ustensiles, elle est dans la disposition des ingrédients. Elle est là, dans la balance qui pèse, dans le verre doseur qui ajuste, dans la cuillère qui soulève doucement la pâte. Elle est là, dans la fenêtre du four qu’on surveille pour vérifier que tout va bien. Laissez-la, au fil des étapes, prendre ses quartiers, se faire désirer, s’accaparer de vos sens et la recette sera à coup sûr réussie, je vous l’assure. Elle traversera l’Avent avec ses biscuits, ses pains d’épices, ses fruits déguisés pour arriver jusqu’à Noël.

Elle est dans la salle à manger, juste avant.
Celle qui va réunir la famille dans quelques heures. Elle est là, autour de la table qu’on a agrandie, sur les chaises qu’on a ajoutées, près du canapé qu’on a poussé un peu pour faire de la place. Si on pouvait, ce sont les murs qu’on pousserait. Elle est là sur la nappe, la plus belle, dans les assiettes, celles du service de table de mariage qu’on ne sort qu’aux belles occasions. Elle est là dans les paillettes, les pommes de pin, les bougies qu’on a disposées tout autour. Laissez-la être parmi vous, la gourmandise vous rassemble, vous relie, vous fait sourire. Elle veillera avec vous et ses bons plats, sa bûche et son petit verre qui pétille.
Et on fêtera Noël, avec elle, dans la joie.

Elle fera briller les yeux, elle réjouira les entrailles, elle offrira la douceur de tout ce qui est là, infime espace de bonheur au milieu du monde. Les gourmands et gourmandes sauront dire qu’ils sont heureux et qu’ils ont cette chance, ce Noël, d’être là où ils sont.
La gourmandise nous ouvre cette conscience du beau et du bon à l’heure où ils semblent si souvent absents de notre monde.

Bons préparatifs de petites gourmandises à partager les amis,

à demain

Fragile

Il fallait faire attention en attrapant la boîte sur l’étagère. Il fallait faire attention en l’ouvrant. Il fallait faire attention en prenant chacune des décorations de Noël faites de verre, de doré, d’argent et de rouge, toutes enveloppées avec soin dans du papier de soie.
– C’est fragile !
Le mot était dit, l’attention à son comble au moment d’accrocher une boule à l’une des branches du sapin. Il ne s’agissait pas de se louper. On l’avait déjà vue, l’année passée, la superble dorée éclater en mille morceaux sur le sol. Chaque fois que cela arrivait, une vraie tristesse de laisser disparaître ce qui était là depuis presque toujours nous envahissait.
– C’est tellement fragile, tu n’y peux rien, c’est aussi pour ça qu’on achète quelques nouvelles décorations chaque année. Ne t’en fais pas.

Les santons aussi l’étaient, fragiles, comme certaines guirlandes. Il y avait dans les préparatifs de Noël un calme trop sérieux qui permettait que tout se passe bien. Et peu à peu, quand tout prenait forme, une détente, une douceur, une joie s’installaient, quelque chose qui nous disait voilà, c’est réussi.

Je me souviens de cette fragilité-là. D’une autre époque je crois, les décorations de papier, de plastique ou de bois nous l’ont peu à peu fait oublier.

Aujourd’hui, de fragiles, je ne garde que mes santons que j’enveloppe aussi dans du papier de soie, rangés dans un carton où j’ai écrit en lettres majuscules
NOËL FRAGILE
Chaque année, je fais attention en attrapant la boîte sur l’étagère, je fais attention en l’ouvrant, je fais attention en prenant chacun d’eux.

Et c’est ma prière.
Ma prière pour toutes les fragilités de la terre.
Je retrouve ce calme trop sérieux en installant chacun d’eux, doucement, dans ma crèche et j’espère, juste après, une détente, une douceur et une joie qui disent que tout est possible.

à demain

 

 

Etonnement

L’étonnement est sans doute l’émotion que je préfère chez la plupart de mes élèves.
J’aime assez leur spontanéité, leur joie quand elle est là, leur gentillesse lorsqu’ils savent l’exprimer avec moi, souvent.
J’aime beaucoup moins leur nonchalance, surtout celle qui oublie d’être curieux, leur paresse qui n’a envie de rien, la méchanceté dont ils sont capables entre eux, trop souvent.

Oui, c’est leur étonnement que je préfère. Il n’est pas si fréquent vous savez mais lorsqu’il est là, leurs yeux écarquillés, leur bouche ouverte et leurs “oh” grandioses sont dignes du meilleur des dessins animés. L’étonnement les réveille, les met en éveil, les questionne. Plus de nonchalance, moins de paresse, et même pas de méchanceté quand l’étonnement leur permet de regarder l’inattendu, l’inhabituel et surtout d’en chercher ensemble les réponses. Il y a dans cette émotion un vrai levier pour apprendre, pour comprendre, pour grandir.

L’étonnement est un mot qui me colle pas mal à la peau en vérité.
Je suis étonnée de milliers de choses autour de moi. Tout, tout le temps, m’étonne facilement. De l’émerveillement des petits riens à la surprise des grands événements. De la bêtise crasse aux horreurs des hommes. Tout m’étonne et me questionne. J’ai peu de réponses sur les faits et gestes du monde, que ce soit du bien ou du mal, et je continue d’être étonnée.

Alors forcément, quand aux soirs de décembre, je m’approche de ma crèche, je m’étonne encore. Je m’étonne qu’un tout petit enfant sans rien, au milieu de presque nulle part, donne au monde l’amour que personne ne mérite vraiment – avouez-le, c’est ce qu’on se dit souvent en nous regardant et ça, depuis la nuit des temps.
Je m’étonne de cet amour mais cet étonnement me réjouit.
Cet étonnement me bouleverse.

Je me demande même si ce n’est pas le plus beau de mes mystères de Noël : mes yeux grands ouverts, à mille lieues de son temps, posés doucement sur ce tout-petit. Et, par lui, croire en Lui.
C’est quand même étonnant.

à demain.

Départ

Il m’étonne ce mot qui peut être tout à la fois un commencement et une fin.
C’est un nouveau départ pour elle.
Nous ne nous attendions pas à un départ si rapide pour lui.
Un élan. Un arrêt.
Un même mot pour supposer des bonheurs à venir ou laisser la peine nous envahir.

Il ne s’agit pas pour moi, ici, de parler de mes départs. Comme vous, il en est des heureux, des motivants, des joyeux aussi. Comme vous, il en est des difficiles, des blessants, des terriblement tristes.
Le mot m’est surtout venu à l’esprit devant ma crèche. Vous savez que quelques instants à la regarder, c’est comme une petite prière qui ne se dit pas. Une petite prière juste avec les yeux.
Regarder et laisser voir.
Et j’ai vu. J’ai vu ce matin Joseph avec son visage des mauvais jours. Faut pas croire qu’un ange a suffi pour l’avoir la confiance! Non. Joseph s’inquiète. Et plus souvent qu’à son tour. Ce départ est assez mal tombé. Une envie d’y échapper l’a même tenaillé quelques nuits mais impossible. Marie n’a pas cessé de lui répéter que tout irait bien. Bien sûr. C’est elle qui le rassure. Tout se passera comme Dieu le veut, pourquoi t’inquiètes-tu ?
Comment pourrait-il en être autrement ?

Il y a dans le départ de Joseph et Marie, bien trop enceinte pour voyager sur un petit âne, le courage que donne une confiance presqu’aveugle, non pas aveuglée mais bien aveugle, qui ne voit et n’entend rien d’autre que ce que Dieu dit, non pas naïvement mais d’une façon totalement consciente et surtout confiante.
Le courage dans la vie telle qu’elle nous est donnée.
Je regarde ma crèche et je souris à ce courage, à cette confiance, à ce départ.

Et dans ma prière, il ya ce petit quelque chose de rien qui gonfle le coeur d’une confiance que personne ne peut m’ôter.

Aujourd’hui, vous pouvez penser aux départs de vos vies les amis, avec confiance, avec espérance aussi.

à demain.

 

 

Chemin

Évidemment.
Pourtant, “chemin” ne s’est pas imposé d’emblée, il est arrivé en douce. La lettre C offre tant de mots, trop sans doute pour choisir sans regrets, tellement de sonorités aussi. Chemin…?  Un peu usé ce mot sans doute. Chemin ? Le mot revient, ne me quitte pas, alors ce sera ce lui.

Pas seulement parce qu’on trouve de nombreuses occurrences de ce mot dans la Bible, pas seulement parce que Jésus lui-même affirme l’être “Je suis le chemin…”, pas seulement parce que passant de Compostelle jusqu’à ceux de nos vies, le terme tellement usité pourrait paraître sans saveur particulière et le défi de lui en redonner un peu semblerait sympathique. Ou peut-être pour toutes ces raisons à la fois. Il ne peut guère en être autrement que d’écrire quelques mots sur lui. Évidemment.

Ce mot est un peu plus qu’un mot d’ailleurs. En le disant, on voit qu’il trace déjà une ligne, deux souvent, qui côté à côté, s’enfuient devant celui qui marche. Large ou étroit, bordé de vagues, de forêts ou de flancs neigeux, il est des chemins comme autant de paysages. Chacun doit avoir le sien, peut-être même que nous en avons un, régulièrement retrouvé, qui est notre préféré. Il y a des chemins que l’on connaît par coeur quand, pour tant d’autres, on ne sait pas où ils pourront nous mener. C’est sans doute ce qu’on aime avec eux, ce qu’on craint parfois.

Chemin. Parfois, à prononcer, ce mot-là ne semble pas tout à fait terminé. Il reste en suspens au bout de nos voix. On lui ajoute presque toujours un complément. On serait même tenté de lui coller une syllabe supplémentaire pour cheminer un peu plus longtemps avec lui, ou encore, en ce mois de décembre, d’en faire autre chose, une cheminée pourquoi pas Les mots sont drôles, drôlement puissants.

Ici, du chemin, j’en aime les bords. Oui, surtout les bordures. Il serait difficile je crois de vivre sa vie en filant sa route sans s’arrêter, sans regarder sur les côtés ce qui ne nous appartient pas vraiment, ceux qu’on ne connaît pas, celles à qui on ne parlerait jamais. Je crois intimement à la rencontre de celui ou de celle qui ne me ressemble pas même si on m’a murmuré trop souvent que ce monde-là n’existait pas vraiment et que ce sont presque toujours nos comparses que l’on rencontre. Tant pis. J’aime bien les bords des chemins, là où il faut prendre soin de ne pas heurter les cailloux plus rudes, là aussi où l’on trouve de petits trésors cachés.

Chemin. Dans ma crèche, il en est un que chaque jour je fais suivre au petit âne. Il traverse les vies de tous mes santons au long de décembre et je trouve ça plutôt joli. De la même façon, je regarde aujourd’hui avec beaucoup de tendresse ma petite-fille de deux ans jouer avec ses personnages et trimballer avec fantaisie Marie, Joseph, l’âne et le boeuf sur tous les chemins de son salon. Il est des gestes de l’enfance qu’on aime garder.

Enfin, il y a cet “autre chemin”. Celui par lequel les mages de ma crèche s’en retourneront chez eux. Bien sûr qu’avertis en songes, ils ne retourneront pas chez Hérode. Cet “autre” chemin, le chemin que l’on fait au retour d’une rencontre – pour eux, de La rencontre. Transformés. Bouleversés. Changés à jamais. Ce chemin du retour, de toutes les façons, ne pourra en aucun cas être le même. Il en est ainsi pour nous-mêmes. On ne revient jamais tout à fait comme on est parti.

Je ne sais de quelle couleur va se teinter votre chemin vers Noël, vos chemins habituels ou ceux de traverse, mais savoir qu’il en existe autant de différents me réjouit en ce décembre qui file tout doucement.

Bon chemin, on arrive à la lettre D, pensez à celle que vous écririez ! à demain.

 

Baluchon

J’aimais le mot. Il me semble bien que je l’ai découvert sur la couverture du Sans Famille d’Hector Malot. Ou plutôt sur une illustration intérieure. Je crois que Vitalis avait un baluchon alors qu’il avançait sur un chemin, ou c’est peut-être Rémi. Je ne sais plus. J’aimais le mot qui disait le peu qu’on pouvait emporter avec soi, quelques affaires emballées dans un vulgaire tissu, noué au bout d’un grand bois qu’on portait sur l’épaule.
J’aimais le mot qui, dans ces trois syllabes, semblait pouvoir ramasser une vie. Pauvrement certes mais souvent, dans mes romans d’enfant, ce baluchon était synonyme d’aventures.

J’ai en tête les phrases d’un roman assez récent dans lequel des femmes et des enfants fuient la guerre et tentent de traverser une mer avec pour tout bagage un morceau de tissu dans lequel ils ont emporté quelques… je ne sais même pas ce qu’ils ont pu emporter, un vêtement, une bouteille, un morceau de pain ? Pas la moindre chose qui ressemble à une vie digne de ce nom. Leur paquet est décrit comme un maigre baluchon. Parfois, je me suis demandée ce que j’emporterais s’il fallait quitter ma maison. La déchirure d’imaginer simplement laisser ce qui fait nos vies devient soudain insupportable. Le mot semble bien impuissant alors, si loin de mes livres d’enfant et l’aventure n’est pas celle qu’on voudrait.

J’ai posé Marie sur son petit âne qui la porte, elle et son gros ventre. Joseph marche à ses côtés. C’est lui qui garde le baluchon sur son épaule pour soulager un peu la bête.

C’est étrange comme un même petit mot peut enfermer dans son sac ce qui, parfois, peut être l’essentiel d’une vie. Rémi trouvera un peu plus qu’une famille. Dans mon roman, les migrants trouvent refuge, rien d’édulcoré mais une histoire vraie d’hommes et de femmes de bonne volonté qui donnent à ces naufragés d’un monde en péril une nouvelle vie. Et dans ma crèche, le petit âne s’est arrêté pour la nuit. Marie se repose. Elle regarde son ventre. Elle sourit. Joseph a déballé le baluchon, a déjà partagé le pain, puis a retrouvé des amis sur le chemin.

Il est peut-être de nos vies comme un petit baluchon qu’on traîne, titubant parfois sous son poids trop encombrant, dansant d’autres fois aux rythmes de pas devenus plus légers. Il reste que baluchon, c’est un mot que j’aime.

à demain

 

Attente

On pourra briser le silence mais ce qu’il y aura eu de plus précieux, c’est bien ce qui n’aura pas été dit, juste avant. Peut-être quelques secondes, à peine, un infime espace d’un silence qui se tait, qui imagine, qui pense. Quel sera le meilleur mot à prononcer ? Quel sera celui qu’il ne faut surtout pas dire? Le rendez-vous a été pris il y a quelques temps déjà, noté dans un calepin, celui qu’on garde encore malgré l’agenda du téléphone. Et on attend. Il y a dans l’attente ce qui ne sera jamais plus après, même si l’après sera sûrement bien.

Au fond, je crois bien pouvoir oser dire aujourd’hui que le jour de Noël ne m’a jamais autant réjoui que de l’attendre, tout au long de décembre, Avent. Vous savez, c’est sans doute la même histoire que celle du chemin et du but. Peut-être bien que Noël, ce n’est plus un but pour moi depuis longtemps. Peut-être que seul le chemin m’importe parce que lui et lui seul ouvre quelque chose de neuf. Il y a dans l’attente les petits riens du quotidien que l’on semble mieux voir comme si notre oeil s’aiguisait. On entend mieux aussi, notre ouïe s’affine. On sent les parfums plus distinctement. Notre corps se tend vers ce qui doit être sans y être encore. L’attente n’endort jamais, au contraire, elle nous réveille.

Évidemment, j’ai sorti le carton de santons, les étoiles, quelques lumières. Ils m’attendaient. Ils ne font que ça tous ces objets serrés dans du papier de soie, des objets qui n’en sont plus vraiment pour moi, oui ils ne font que ça, m’attendre. Je suis pourtant capable de les oublier une année entière. Enfin presque. Parce que des photos, des parfums, des rires m’y feront inéluctablement revenir au fil des jours qui filent. J’ai préparé mes quatre bougies. J’ai attendu de trouver une idée. Comme si une idée ça se trouvait ! Non, en vérité, j’ai cherché. Ce qui pourrait être bien, ce qui pourrait être beau. Il y a dans cette attente tout ce qu’il faut préparer, tout ce temps qui me prépare. Au fond, peut-être l’année entière qui sait ? Ce serait assez réussi une année à attendre Noël.

Je crois que décembre vit dans cette attente. Chacun ses raisons, certains n’attendent jamais rien c’est vrai mais je m’en fiche un peu. J’en connais quelques-uns qui n’aiment pas Noël d’ailleurs. Pas pour Noël mais pour ce qu’il y avait autour dans leur enfance, ou ce qu’il n’y avait pas. Pour ce qu’il y a eu depuis, pour ce qui n’est plus. Je me rends compte que ce n’est plus très important pour moi les gens qui ne veulent pas de Noël. Jésus lui-même n’en aurait pas voulu, j’en suis presque certaine, Lui qui se faisait petit, humble et ne souhaitait absolument rien d’autre que de parler de son Père. Je ne suis pas certaine d’ailleurs d’avoir trouvé cela important un jour que Noël s’affiche en rouge et or. Il me va bien dans l’attente de ma maison, presque en secret. Et si j’aime les chants, les parfums de vin chaud sur les marchés, les lumières des vitrines, je ne suis plus vraiment dupe. L’attente est ailleurs.

C’est drôle, vous savez, j’attendais ce moment où je reprendrai l’écriture ici. Par habitude ? Par besoin ? Je n’en sais rien. J’ai lu La vie en relief de Delerm, c’est peut-être juste pour ça. L’envie d’écrire les instants, ceux un peu précieux, la joie, essayer de mettre des mots sur des émotions, écrire la vie comme je crois qu’elle est. J’attendais ce moment. A comme Attente. Un abécédaire, c’est facile! Il y a 26 jours cette année entre le premier dimanche de l’Avent et le jour de Noël, 26 lettres, ça tombe bien. En d’autres temps et lieu, certains s’y sont essayé bien sûr. Avec talent.
À mon tour ! J’aime bien jouer en écrivant ou écrire pour jouer. Une lettre chaque jour, trouver le mot, l’attendre peut-être: il est de certains mots des évidences, d’autres moins. Le laisser venir avec le jour, pour qu’il soit un peu vrai.

Vous pourrez venir partager vos mots en commentaire si vous en avez envie, cet espace est là pour ça: il n’est pas un livre mais un lieu. Plus vraiment à la mode c’est vrai mais il se partage ainsi. C’est presque mieux.

À demain. B, ce sera B, je n’ai rien compliqué, j’irai dans l’ordre de l’alphabet.