Bien regarder les petits fils argentés qui colorent l’espace de notre monde, de nos vies, de nos cœurs. Parce qu’ils existent, en vrai.
Premier jour.
– Oui, oui sans “h”, une fantaisie de mes parents…
C’est ainsi que j’ai découvert sa voix, au fond de la classe, avant même de me retourner pour la regarder. Le professeur de latin faisait l’appel, commentant l’étymologie du prénom de chacun avec un regard souriant derrière ses lunettes d’érudit qui laissait présager des années d’étude non moins souriantes.
Natalie fut mon premier repère, presque mon ancrage, au milieu d’une faculté des années 80 débordantes d’étudiants, d’amphis pleins à craquer, dans une ville beaucoup trop grande pour celle que j’étais, débarquée, trop jeune, de sa petite province. Natalie, citadine depuis toujours, résidait dans le centre-ville, avec sa famille et très vite, je fus celle qui les retrouvait régulièrement autour de la table du dîner familial. Havre de paix mais aussi de discussions libres et animées.
Très vite, elle a fait un voyage à Rome. Très vite, elle m’a parlé de prières. Très vite, elle m’a confié que sa vie, ce serait avec Dieu.
C’était il y a plus de 40 ans. Et depuis presque 35 ans, je n’ai pas revu Natalie. Elle est pourtant bien là, présente chaque jour, avec toutes ses lettres, dans un tiroir de mon bureau. Natalie est rentrée au monastère, un peu loin d’ici, au tout début de notre licence, un sourire sur le visage comme jamais, je vous l’assure, je n’en ai vu. Je peux lui écrire autant que je veux. Je sais qu’elle répondra deux fois par an. Elle est dans toutes mes prières, je suis dans les siennes. Et je pense particulièrement à elle en lisant l’évangile aujourd’hui, celle que j’entendrai à nouveau ce soir, dans mon église.
"Mais toi quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret; ton Père qui voit dans le secret te le rendra."
J’ai longtemps, très longtemps, cru que Dieu m’attendait dans mes services, seulement là, au-dehors, dans les rues, dans mes “faire”. Écrire à Natalie, prier pour elle, entendre ses prières m’ont, avec le temps, appris que ce temps, celui de la prière, n’est pas vain. Que ses silences sont remplis, pleinement, et qu’elle remplit les miens. Elle reste mon repère, mon ancrage, en Lui.
Puisse, mes amis, ce premier jour de Carême vous faire goûter encore au silence empli de Lui, celui où, si on écoute bien, on finit par L’entendre.
Puissions-nous, en confiance, nous réjouir de toutes celles et ceux qui – sans jamais de soupçons ni d’équivoque ni aucune honte – au milieu des nombreuses et réelles tempêtes de notre Église, ont su et savent encore nous montrer le chemin de l’amour de Dieu.
Un peu de sa douceur, toujours gardée.