Et on a juste dit, c’est très beau.

Le temps file.
Dimanche prochain les Rameaux et mes vacances et la Semaine Sainte.
Le temps file et je le trouve étrange ce temps de Carême cette année.

C’est le temps de notre terre qui l’est sans doute.

Chaque jour déverse un peu plus de tragique et chaque jour je cherche un instant de beau. Je ne vais pas loin, je cherche dans ma vie et j’espère qu’ailleurs il y a d’autres instants. Et ma prière s’enfle, paradoxale, de mercis et de s’il te plaît mon Dieu qui se mêlent, s’entremêlent, démêlent le temps sans vraiment savoir ce qui est bon.

Chaque jour, je me dis à quoi bon chercher dans ma petite vie et raconter.

Peut-être pour cela.

 

Peut-être parce que depuis près de 30 jours déjà, j’apprends la confiance. Et la patience aussi. Et je commence à savoir que quelque part, dans un tout petit instant, dans un tout petit rien, tout près de moi, il y a une raison d’espérer. Parce que le beau est là, toujours.

 

Le temps file. La journée pleine de cours a laissé peu de répit à mes regards. Il a fallu attendre la dernière heure. Pas toujours facile avec les plus jeunes. Il faut ruser un peu parfois pour garder leur attention.
Ce soir, finalement, cela n’a pas été très difficile.
Nous avions découvert des récits de création du monde et ils avaient imaginé leur propre création. À la manière du texte fondateur qu’ils voulaient: de la légende chinoise de Pangu à l’Edda poétique du grand nord en passant par Gilgamesh, la Bible ou le Coran.
Ils ont été créatifs. Inspirés même.
Quand est arrivé son tour de lire son récit, il a prévenu la classe que c’était une idée “comme ça” qui lui était passée par la tête et que ce n’était sûrement pas “très bien” et que c’était “très court” à côté des autres textes. Il n’avait pas très envie de partager son écriture. Je l’ai encouragé.

C’est une histoire de pas. Le créateur dans mon histoire, vous pouvez imaginer que c’est Dieu, ou un géant comme Pangu, peu importe.

“Un jour, il s’est réveillé de la terre, il s’est mis debout et il a fait un premier pas. Sous son pas, le ciel s’est levé, et la lumière avec.
Puis, il a fait un deuxième pas, l’eau est tombée, et a rempli des mers.
Un troisième pas, et sous sa semelle, des herbes ont poussé, puis des arbres.
Un quatrième pas, et des petits animaux ont rampé, puis volé, puis des plus gros. Un cinquième pas, dans son empreinte, un homme est né, puis des milliers.
Quand il a vu que ses pas changeaient la terre, il s’est arrêté. Lui aussi, il s’est reposé. Mais juste avant, il a écrit l’histoire de ces cinq pas dans sa main, sur chacun de ses doigts. Pour ne jamais oublier.”

 

Silence dans la classe.
On a applaudi. Il a souri.
Et on a juste dit: “C’est très beau.”

 

 

 

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