J’la traîne dans ma poche comme si de rien n’était. Ça fait des jours que j’la traîne dans ma poche comme si de rien n’était.
Je voudrais tant la poser, la déposer, pourtant.
Rien à faire, c’est au creux de ma poche, effleurée du bout de mes doigts, qu’elle reste, enfouie.
Elle n’arrive pas à sortir. Blottie, chiffonnée, peur du froid peut-être. Trouille du dehors, elle aussi.
Elle sert à rien alors.
Parfois, elle reste comme ça, des jours à traîner sans rien d’autre à faire, sans personne à qui parler.
Et puis, il suffit d’un interstice, minuscule espace, infime souffle, entre un cours et un autre cours, au fil d’une longue journée de collège compliquée.
Parce que lui, je l’ai gardé un peu pendant la récré. Pour s’expliquer, encore une fois.
Parfois il suffit d’un instant pour qu’elle soit là, vraiment.
Il m’a raconté à nouveau le difficile de ses heures, celles que j’aimerais mieux ne pas connaître. Je t’ai serrée au fond de ma poche. Le compliqué de ses 11 ans, l’injuste tellement, je voudrais ne pas savoir, je voudrais oublier. Mes doigts ont déplié le papier. Et sans rien pouvoir ajouter à ce qui est déjà fait pour lui, je l’ai écouté, longtemps, effleurant du bout de mes doigts des mots laissés là, griffonnés en p’tit morceaux de prière, tout au fond d’une poche oubliée.
J’la traîne dans ma poche comme si de rien n’était.
Mais elle est là. Pour lui aussi.
Comme Toi.
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