Derrière la vitre

 

Derrière la vitre, il y avait du soleil et je l’ai senti dans mon dos. Ça m’a fait plein de bien.

 

Je crois que ça ne m’était jamais encore vraiment arrivé. Enfin, pas de cette façon. Cette distance involontaire entre les choses et moi, entre le monde et moi, entre les gens et moi. Entre Dieu et moi. Comme si je souhaitais que plus rien ne me touche.

Il y a eu cette préparation de messe, il fallait bien y aller pourtant. J’ai failli me trouver des excuses bidons mais le soleil a traversé ma vitre et m’a poussée au dehors. Les fidèles amies, la Genèse et puis Paul et Matthieu. Et comme ce sera le premier dimanche de Carême et le temps fort de première communion et la confirmation des cinq petits derniers de la paroisse, soudain les mille choses en un tourbillon se sont rapprochées de moi.

Il y avait ces colis à envoyer, il fallait bien les rejoindre. J’ai failli ne pas démarrer mais non, Darina m’attend au bord de son Ukraine et le soleil qu’elle ose encore m’envoyer m’a donné un grand coup de pied là où vous savez. Les colis, les couvertures, quelques photos, de la nourriture et du chocolat. Et comme tout à côté de nos colis il y avait Sama qui me racontait sa Syrie, soudain le monde en une bourrasque s’est rapproché de moi.

Il y avait cette voisine qui a frappé à ma porte à la nuit tombée. J’ai failli ne pas ouvrir mais j’ai senti qu’il y avait quelque chose. Elle a parlé et parlé encore, de choses et d’autres, une question, laquelle ? je ne sais plus. J’ai seulement écouté sans répondre. Elle ne voulait pas de réponse. Et comme elle allait repartir sans que je n’ai pensé à lui offrir une tasse un peu chaude, j’ai eu envie de la retenir, je l’ai gardée un peu, on a pris un thé, on a même ri et, soudain les gens en une respiration se sont rapprochés de moi.

Il y avait ce déménagement, c’est demain, si attendu, une aumônerie, enfin au collège, à construire, à remplir, à animer. J’ai commencé à regarder de vieux coins de ma bibliothèque, j’ai décidé de trier des tiroirs, de voir ce qui pourrait aller là-bas. Et soudain, au creux d’un livre, entre deux pages, au détour d’un truc gardé pour le caté sans doute, j’ai retrouvé tout plein de morceaux de ma vie avec Dieu. Et, je ne sais pas qui de moi ou de Lui s’est rapproché le premier.

Il n’y avait rien de prémédité. Je crois que ça ne m’était jamais encore vraiment arrivé. Enfin, pas de cette façon. Drôle de début d’année. Une distance involontaire entre les choses et moi, entre le monde et moi, entre les gens et moi, entre Dieu et moi.
Comme si je voulais sans vraiment de volonté pourtant que plus rien ne me touche.
Je n’avais rien prévu, c’est arrivé.

 

Mais derrière la vitre le soleil m’a tapé sur l’épaule.
Comme pour me dire retourne-toi.
Peut-être qu’il est en avance sur le Carême.

Derrière la vitre, le soleil m’a touchée.

Dans deux semaines, il sera juste le temps de les raconter en 40 petits billets ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit à voix haute parfois ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

Au 22.

Merci.

 

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