40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit, à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.
Je vous l’ai déjà dit je crois que ce Carême a le rythme du quotidien, du travail, du collège. Hasard des calendriers scolaires, il a commencé un peu en vacances mais depuis, il suit mes semaines ordinaires. Dans cet ordinaire-là, je me rends compte qu’il y a vraiment ces petits soleils quand on regarde bien. Je me rends surtout compte que regarder les soleils de nos vies et dire merci, ça pourrait presque sonner faux quand, au soir, je lis mon fil d’actualités. Et en même temps, j’ai beau retourner ça dans tous les sens, 1- les soleils, j’en croise tous les jours 2- le monde qui tourne pas rond, je le croise aussi depuis que je suis née.
Alors, non, je continue à croire que ça ne sonne pas faux et qu’il y a même pas mal de vrai à dire les instants jolis.
Il y a eu ce moment en classe ce matin.
Avec mes sixièmes, on vient de démarrer la lecture d’une belle robinsonnade et aujourd’hui, nous abordions le chapitre du naufrage. Comme je le fais parfois, j’avais décidé de leur lire le chapitre concerné. Vingt minutes d’écoute qu’ils aiment vraiment et la certitude pour moi de pouvoir ensuite explorer un texte que tous auront lu.
Le jeune héros, en pleine mer, en proie aux assauts de la tempête. Son réveil sur une plage qui évidemment est celle d’une île inconnue donc inquiétante. Et enfin, première expédition, avec son chien quand même, au haut d’une colline qui lui fait découvrir la vérité: une île, l’absence des siens et la solitude, une survie peut-être impossible.
Peut-être bien que j’ai mis un peu de cœur dans ma lecture, peut-être ai-je trop appuyé sur les tournants tragiques mais quand j’ai terminé mes dernières lignes et levé la tête, il y avait une grosse larme sur sa joue.
Dans un calme étonnant, la classe est restée silencieuse. J’ai souri comme pour apaiser.
– Ce n’est qu’un roman…
Elle n’a même pas essayé de cacher sa larme d’un revers de main.
-Mais Madame, on a l’impression d’y être. On dirait que les mots sont vrais.
On dirait que les mots sont vrais.
Je n’ai pas manqué la phrase.
Et on a cherché comment les mots semblaient vrais. On a même parlé de leur pouvoir de rendre l’imaginaire si réel.
On est certes parti un peu loin du naufrage mais très près du texte. Et c’était chouette.
Je m’arrête là. Il n’est pas question de vous faire cours. 😉
Je suis rentrée ce midi avec ça et ça m’a juste trotté dans la tête tout l’après-midi. Les mots que j’entends en ce moment, ceux qui disent dire vrais, ceux qui accusent les autres de mentir, les mots qu’on entend, les mots qu’on lit.
Finalement, pour chacun, on dirait que les mots sont vrais.
Mais la vérité elle, où est-elle ?
Merci , p’tits élèves, de me remuer tout le temps les méninges et d’être, parfois, les p’tits philosophes qui manquent à ma vie. 😉