Il faut me voir dans les magasins en ce début novembre, je crois que je suis assez drôle à suivre. D’abord, je ne les fréquente pas plus que ça en cette période chargée d’autres virées mais comme il faut bien manger, il y a quelques inévitables. Il faut me voir avec les petites ornières que j’ai posées au coin de mes yeux pour ne rien voir, vite trouver la farine, l’huile d’olive et les allumettes et filer en douce.
Il faut me voir dans la maison plongeant dans l’automne de mon jardin et le regarder prendre un air de paysage d’impressionnistes, ceux qui peignent les rousseurs avec audace. D’abord, ramasser les feuilles mortes, découvrir les fruits de saison du potager, quelques poires encore, les petites citrouilles, les nouveaux butternuts. Il faut me voir m’arrêter aux recettes de soupes pour ne rien sentir d’autres, éplucher, faire revenir, mixer et ne pas le respirer.
Il faut me voir au collège, en cette reprise, croiser les élèves et les collègues et les parents sur les textes les cours les rendez-vous, ceux de novembre. D’abord, faire le point, avancer doucement encore, écouter la pluie sur les carreaux pendant que leurs nez se penchent sur leurs cahiers. Il faut me voir fermer mes oreilles au projet de fin d’année, pour ne pas trop l’entendre. Pas encore.
Il faut me voir ce soir, à quelques petites heures de se retrouver en équipe pour préparer la messe, celle du 24, celle du Christ-Roi. D’abord, relire les textes, préparer un peu les commentaires avant d’accueillir les amis du quartier, “un roi pas comme les autres”, ne pas regarder plus loin, ni après. Il faut me voir jeter le coup d’œil furtif sur les chants du dimanche qui vient ensuite et vite fermer la chemise pour aussi vite les oublier. Pas déjà.
Il faut me voir, je crois que je suis assez drôle à essayer de ne pas y penser, pas encore, à vouloir ne pas l’écrire, pas déjà, à ne pas regarder ceux qui le font trop tôt un peu trop briller.
Je veux garder encore l’automne avant de poser l’hiver dans mes paysages.
Je veux garder encore l’attente de l’Attente au long des jours gris et pluvieux.
Je veux garder encore les parfums de vin chaud et de pain d’épices loin de moi.
Je veux garder encore Noël* secret, silencieux, tapi tout au fond de mon cœur. Là où Il demeure.
* j’ai soulevé le couvercle de la boîte qui renfermait mes santons, mais ça compte à peine. Si, vraiment. 😉