Le beau à présent

Le Carême a dépassé sa moitié et par-delà les tristesses du monde, au milieu des fatigues de certains jours, au cœur des vies autour faites de rose et de gris, je continue à chercher la beauté des petits riens, des instants parfois fugitifs, des moments qui passent un peu trop vite.

Ce lundi était décalé.
Une heure de moins à l’horloge du week-end, des retours d’élèves guéris, des nouveaux départs d’élèves malades et l’idée d’une semaine trop pleine l’ont peut-être mal commencé.
Ce lundi était fatigué.

Et il s’est passé. Bien, doucement bien, heure après heure.

Parfois le beau, c’est simplement occuper le temps du présent, l’heure avec eux, pas celle d’avant, ni celle d’après. Occuper le temps présent, y être, être là.

Parfois le beau, c’est accepter le temps du présent, entièrement, pas la tête ailleurs, pas le cœur au loin. Accepter le temps présent, y être, être là.

 

 

Je suis rentrée il y a peu de temps.
Le courrier était posé sur la table. J’aime bien feuilleter les pubs. Ouvrir les enveloppes.
– Il y a une lettre pour toi…
J’ai souri parce que j’aime les lettres écrites à l’encre, et l’enveloppe qu’on regarde avant de l’ouvrir, et le temps qu’on prend à lire.
C’est assez rare aujourd’hui. Comme un cadeau désuet qu’on oserait encore savourer.

J’ai reconnu son écriture, ronde et régulière, au stylo Bic bleu foncé, celui qui est transparent et qui écrit un peu gras.
Elle m’écrit une ou deux fois dans l’année, parfois trois ça dépend. Après l’été souvent et après mon anniversaire aussi. Elle prend son temps.
Ses lettres sont de longues pages. Elle me raconte son temps. Son temps présent auprès de Dieu. Dans une abbaye presque inaccessible, loin d’ici.

“J’entends le monde tu sais, je ne t’oublie pas, et je suis heureuse d’être là, à prier pour le monde, pour toi.”

Parfois le beau, c’est simplement occuper le temps présent.

Lire la lettre d’une amie qui a quitté les bancs de la faculté où l’on était deux étudiantes passionnées, à 21 ans, pour devenir religieuse, et qui m’écrit sa joie depuis 34 ans deux ou trois fois par an dans de longues pages bleu foncé, après l’été et après février.
Elle prend son temps.

Parfois le beau, c’est d’oser aimer l’instant, l’instant présent, y être, être là, pleinement.

 

 

 

 

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