Quand on me raconte du beau

C’est drôle d’avoir oublié ça dans ma recherche du beau, d’avoir oublié que souvent, on m’en racontait.

 

On me raconte du beau. Oui. Souvent.
Loin des réseaux, loin des journaux. Tout près de moi, au détour des vies de gens ordinaires. Non pas qu’il n’y ait pas de gens ordinaires sur les réseaux, dans les journaux, non. Mais le beau raconté, pas tant que ça. Et, de toutes les façons, ça n’a pas la même saveur les gens ordinaires, ceux que vous connaissez en vrai, quand ils vous racontent le beau.

Ceux que l’on croise en vrai.

Elle vous arrête entre deux rayons de supermarché, vous êtes en train de choisir vinaigre de Xérès ou vinaigre balsamique, la question est presque grave pour agrémenter la salade. Vous n’avez pas beaucoup de temps. Il est déjà un peu tard. Et des copies encore à corriger, ce serait bien de les rendre demain matin. Elle vous tape sur l’épaule et arrête vos pensées, oh…je suis heureuse de te voir, te revoir, quelle joie oui, comment vas-tu ? Vous posez la question mais là vous voyez bien que son front est rose, ses yeux brillants de vie. Elle a mis de jolies boucles d’oreilles.

Celle que l’on croise en vrai.

C’est pour mettre avec une salade de roquette, des petits légumes croquants, du saumon frais, j’ai vu la recette, j’hésite pour ma vinaigrette, elle m’a demandé pourquoi je restais en plan avec mes deux vinaigres, je lui ai raconté. Et ça l’a fait rire, je n’ai pas vu son sourire, je l’ai entendu. Elle garde le masque. J’ai appris que tu allais bien. Il faut rester très vigilante quand même. Une toute petite boucle de cheveux bruns vient de glisser sur sa joue.

Celle que l’on ne peut pas embrasser mais ça m’a traversé l’esprit de la prendre dans mes bras. Lorsqu’elle a ouvert son joli manteau vert amande et qu’elle a posé une main sur le haut de son ventre. Je n’avais rien vu.
Je suis enceinte seulement de 3 mois, ça se voit pas encore. Mais c’est bon.
Oui, c’est bon d’entendre ta joie.

Celle que l’on a eu comme élève, il y a très longtemps, trop longtemps même, au tout début de ma vie de prof en fait. On a toujours gardé contact, sans doute à cause de ses études. Elle est revenue dans la région, après un long périple.
Et un sale cancer à 37 ans.

Trois ans et des poussières plus tard, une bouteille de vinaigre balsamique à la main, un mardi soir après la classe, je suis rentrée corriger mes copies avec ce truc juste beau, attrapé en plein cœur, entre deux rayons. J’ai dit merci à Marie et Elisabeth.
Elle va enfin devenir maman.

 

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