Je fais comme si

Ce n’est pas que je fais semblant, Jésus, Tu sais, mais je crois que depuis pas mal de temps je fais un peu comme si.
Comme si ça allait.
Comme si ça allait bien.
Le p’tit coin prière, le caté au collège, la famille, les amis de la paroisse, la chouette paroisse, les amies religieuses, les amis prêtres, en vrai, c’est comme si tout allait bien.

Ça ne va pas pourtant.
Cette Église. Mon Église. La tienne, dis, la tienne aussi.
Elle est moche, bien moche, bien amochée même.

Ce n’est pas que je fais semblant non, mais ça fait des mois, même plus longtemps que ça, que le dégoût s’est insinué, que l’abject s’est répandu, que ça ne ressemble pas à ce pourquoi je suis là, au-dedans.

Il ne m’a jamais touchée le très moche, Tu le sais bien Toi qui m’as entourée de regards tellement bienveillants qui m’ont appris à prier,
de mains tellement respectueuses qui, tournant les pages de leur Bible, m’ont fait avancer sur ton chemin,
d’amitiés tellement précieuses qui ont fait grossir mon cœur dans la Foi.
Vers Toi.
Je ne sais pas très bien, Tu sais, où je serais sans eux.
Loin de Toi peut-être.

Ce n’est pas que je fais semblant non, et j’ai lu tous les témoignages du rapport de la Ciase. Tous. Jusqu’à m’en brûler les yeux, jusqu’à l’envie de vomir, jusqu’à l’insomnie.
Il n’y a pas de repos dans l’horreur.

Ce n’est pas que je fais semblant non, et ça continue.
Ça n’arrête pas de continuer.
C’est comme une plaie ouverte qui fait dégouliner tout son pus.

Comment peut-on guérir de ça ?

Je fais comme si.
Mon coin prière, mon caté au collège, mes amis de paroisse, ma chouette paroisse, je fais comme si tout pouvait exister encore, pareillement.
C’est presque facile parfois, Tu sais, parce qu’ autour ça ne change pas grand chose, tout le monde s’en fiche des histoires d’Église aujourd’hui, des scandales, c’est même un sacré argument pour la condamner définitivement. Je ne peux pas les blâmer. À la place de ceux qui sont loin, de ceux qui s’en fichent, de ceux qui ne l’aiment pas mon Église, je serai la première à cracher dessus.
C’est presque facile au dehors.
Mais au-dedans.
Si Tu voyais au-dedans.
Tu vois, dis ?
Ma prière hurle en silence dans son coin,
mon caté lit tes évangiles et ne parle surtout pas d’Église,
ma paroisse, ma chouette paroisse, elle, elle parle, elle s’attriste, je crois même qu’elle pleure et elle essaie de continuer mais le cœur n’y est pas comme avant. Et les amies religieuses, et les amis prêtres. Mon Dieu.
Mon Dieu. Ne nous abandonne pas.

Je fais comme si.
Non.
Plus vraiment.

Il y a des voix, justes, qui parlent encore, qui continuent de parler, qui montent. Puisses-Tu nous aider à les faire entendre. Dis…

 

 

3 réflexions au sujet de « Je fais comme si »

  1. Faire comme si …
    Merci pour ce texte qui me rejoint profondément…
    Mais là je pense ne plus réussir à faire comme si … 1 an après la ciase, toujours la même culture du silence qui conduit notre institution église. Je pense qu’il est temps de ne plus faire comme si et de faire remonter aux évêques notre blessure, notre dégoût face à leur infantilisant silence .

  2. Merci pour ce texte Corine. Il y a de quoi être en colère, découragée, écœurée.
    Mais il y a aussi un gros chantier mis en route après la CIASE, des groupes de travail qui avancent, des gens qui s’attellent à réparer, faire bouger, c’est l’Eglise du Christ. On ne peut pas la laisser tomber. Lui il ne nous a jamais abandonné. Alors là où nous sommes avec notre petite voix essayons de la réparer, de la relever, de retrouver la confiance. L’Eglise est plus grande
    que ceux qui la pervertissent. Il ne faut pas les laisser gagner . Cela doit nous inciter à être plus vigilant, plus combatif. Je choisis de lutter contre la désespérance malgré tout.
    En union de prière.

  3. Alors moi je n’ai pas pu lire tous les témoignages de Ciase pas par manque d’intérêt mais parce que ça à réveillé mes pire démons en temps que victime mais pas de l’Eglise mais victime du lien du sang. Cette honte cette culture du silence je le connais trop bien et pourtant je suis la première à revivre mes doutes et pourtant à redire ma foi et ma confiance en ces religieux qui souffrent des actes de leurs frères et sœurs et du regard salis que l’on porte sur eux.

    Non le célibat des prêtres n’est pas le problème quand on voit des pères des mères faire l’impossible sur la chaire de leurs chaires. Mais je rejoins le fait qu’il faut libérer la parole, il faut sortir de ce silence honteux limite gêné et gênant (comme si la victime devenait coupable). Oui l’affaire Sentier me touche d’autant plus que j’étais en Vendée à ce moment que j’ai participé à des rassemblements mais en temps que ancienne victime il me rappelle aussi que nos évêques nos prêtres ne sont que des hommes il était peut-être temps aussi de les descendre de ce piédestal où ils ont été mis. Les former avec les moyens qu’on a désormais à la psychologie, les accompagner dès les premices d’une détresse vraiment pas juste les déplacer. Dépister comme on dépiste aujourd’hui des troubles mentaux comorbidite parfois de disfonctionnement qui font souffrir l’être humain. J’avais 14ans, j’étais en construction et aujourd’hui à 42 ans malgré la famille que j’ai construit les différents pardons donnés il me reste celui là le plus grand le plus inavouable et le plus beau aussi. Lui pardonner vraiment et lui dire et me pardonner à moi l’enfant que j’étais.

    N’oublions pas qu’il est mort sur la croix dans d’atroces souffrances pour le pardon de nos péchés ne l’oublions pas lui qui souffrent de cette humanité imparfaite qu’il ne cesse pourtant d’aimer.

    Je ne fais pas grand chose à mon échelle sur ce sujet et bien d’autres mais je veux pour toujours continuer d’aimer le monde avec lui si dur que ce soit.

    Pleins de bisous ma Coco merci d’être là avec tes mots sur nos maux ❤️💪🙏

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