Et les mains qui dansent

40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit, à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

Je m’étais dit lundi soir, je prendrai le temps.

J’ai laissé mon cartable, mes cours, mes élèves dans un coin du bureau et j’ai attaché un vieux tablier. Farine, sel, huile et eau. C’est facile. Il faut juste du temps.
J’ai versé dans un très très grand bol en terre cuite. Elles devaient faire comme ça. J’ai pétri. Longtemps. Farine, sel, huile et eau petit à petit. C’est facile, il faut seulement un peu de temps.
J’ai pétri encore. C’est comme l’argile la pâte à pain, il faut faire danser ses doigts, laisser aller jusqu’au bout des ongles, ne rien dire. C’est facile, il faut juste du temps.

La boule de pâte bien lisse s’est reposée sous un linge humide. J’ai repensé un peu à ces deux élèves qui, en fin de journée, n’avaient envie de rien, qui ne veulent plus grand chose. Je me suis dit en souriant qu’ils devraient faire du pain et quelque chose de leurs dix doigts.
La boule de pâte bien lisse sous un linge humide a pris son temps elle aussi. Je crois que j’ai murmuré un tout petit bout de prière pour mes deux élèves à côté. Elles devaient faire comme ça, prier en cuisinant, pour ceux qui allaient moins bien. Peut-être.
La petite heure a passé vite finalement. Le temps de ranger deux ou trois bricoles dans la maison. Elles devaient faire comme ça elles aussi, le temps d’une tétée à un petit enfant, ou le temps de puiser de l’eau dans un seau, ou même le temps de retourner des fromages de chèvre à égoutter. Peut-être.
Ensuite, c’est facile. Des petits pâtons à étaler. Quelques coups de paume et la main qui fait danser encore la pâte pour l’étirer finement. Asma m’a appris, sans rouleau de cuisine. Comme elles.
Et faire cuire, laisser la pâte gonfler en de petits endroits sous l’effet du feu, parfois.

Je m’étais dit lundi soir, je prendrai le temps. C’était ce soir.
J’ai préparé des galettes de pain sans levain pour nos futurs communiants. Dans leur grand temps fort de mercredi, ils mimeront la Pâque juive, la Cène, la messe. On fera le lien avec Jésus, ses Paroles et …son pain.
Bien sûr son pain.
Celui de son pays. Tout plat comme une hostie.
Son Pain, celui que les femmes de son temps préparaient.

Je ne peux pas m’empêcher de penser à elles le Jeudi Saint notamment, et souvent à la messe. À elles qui prenaient le temps.
Farine, sel, huile, eau. Pétrir. Laisse reposer.
Faire danser ses mains.
Cuire.
Sur Sa table, c’est le pain des femmes de son pays, celui de sa mère, celui de Marthe sûrement, c’est ce pain-là qu’il a rompu et partagé.
Et Jésus savait alors combien, plus qu’habituel, plus que facile, il était précieux.

 

Merci à nouveau à ce temps pris au temps, le nez dans la farine, les mains qui dansent sous la pâte et avec Lui, au cœur.

P.S. Ne vous inquiétez pas, je ne viendrai pas demain. Mais, à mercredi, promis.  😉

 

 

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