Deux petits buis

Je prends toujours ma paire de ciseaux dans ma trousse d’école. Je sais, ce n’est pas vraiment l’outil qui convient mais je crois que j’aime assez mes ciseaux encore écoliers. Et je file tranquille du côté du potager. Il fait grand soleil ce matin. Il est même chaud sur le visage. Et ça fait juste du bien cette douceur.

Ils sont là. D’une rondeur vert pomme qui les rend presque gourmands. Deux petits buis. Ma main plonge au cœur pour couper des rameaux qui n’enlèveront rien, presque rien, au joli du petit buisson.
J’aime bien me souvenir de leur histoire juste au moment où j’attache mes brins ensemble.

On avait décidé que le potager serait cerné de buis. Parce que ça nous rappellerait nos jardins d’enfants. Ceux de nos grands-pères. On les avait plantés au tout début de notre vie dans la maison.
C’est lent le buis à pousser mais dans 20 ans, ça fera une belle bordure. 
Et ça fera de beaux rameaux, aussi.
C’était lent. Mais ils poussaient.
Chaque année, mes rameaux devenaient un tout petit peu plus grands que ceux de l’année précédente.
Puis, il y eut cet été. Je ne sais plus exactement lequel mais il fut très chaud. Et l’automne qui a suivi a vu nos buis, les uns après les autres, dépérir.
– Mais pourtant ça ne meurt pas les buis ?
L’ami horticulteur est venu. Il a bien regardé. Il a même tenté un sauvetage. Rien n’y a fait. 
Les buis s’en sont allés. 
Il a fallu les arracher. Les uns après les autres. Malades.

Il en est resté deux, côte à côte.
Devenus qu’un.
Sauvés.

Ils pourraient même être assez gros maintenant pour des boutures. 
De quoi refaire une bordure de potager. Ce sera lent. Mais tant pis. On prendra le temps.

Il en est resté deux.
Redevenus d’une rondeur vert pomme qui les rend presque gourmands.
Ma main a plongé au creux de ce vert pour couper mes rameaux ce matin. Je les ai liés. Doucement (personne ne m’a entendue), j’ai fredonné un Hosanna… Un peu drôlement ( mais personne ne m’a vue 😉 ), je les ai levés au-dessus de mon épaule.
Agités au soleil du matin, caressant l’air déjà chaud, d’un petit éclat de vert, éternel. 

 

Les mots de nos agendas

Lundi 16 mars
J’ai rayé un peu rageusement, le un peu ne va pas très bien avec rageusement d’habitude, pourtant c’était exactement ça.
Cette colère intérieure, incapable de rien, enfermée sur elle-même, mêlée de bien plus de tristesse que d’un bruyant éclat de voix.
J’ai rayé “semaine des voyages scolaires”. Un peu rageusement. Pas tant pour moi qui cette année ne les accompagnais pas mais pour eux,  parce que je sais combien mes élèves attendaient ces périples vers l’Espagne ou l’Allemagne.

Le rageusement se voit encore dans mon trait appuyé sur la page, le tristement dans l’épaissi du crayon gris. L’impossibilité d’y voir clair.

Mercredi 18 mars
Un nouveau rythme de vie déjà pris. Les cours virtuels avec les élèves, la nouvelle organisation de la maisonnée avec deux étudiants revenus au bercail, le doux d’être ensemble malgré tout, le difficile parfois pour trouver le rythme de nos mots toujours proches et ces petits pardons qui adoucissent les mots plus rudes, les plus inquiets, et qui permettent la vie.
Ensemble.

L’agenda de ce 18 mars me fait un gros clin Dieu avec la grande journée-temps-fort-de-préparation-à-la-première-communion. Mais cette fois, pas question de rayer l’info qui promettait la Lumière de cette journée ensoleillée. Bien sûr que la journée ne sera pas mais eux, ils sont là, quelque part dans leurs maisons, certains pas loin de la mienne, leur première communion dans un petit coin de leur vie à venir, sûrement.
Ne pas rayer les mots qui écrivent ma vie.

Je me mets à prier pour eux. Je reprends la liste de leurs prénoms. Une minuscule prière pour chacun d’eux.

Et si mes rendez vous d’agenda je les entourais des mots de mes petites prières ?

Depuis deux semaines, les conseils de classes, le grand projet avec les étudiants étrangers, le deuxième week-end à Martigné-Briand avec mes collégiens, l’anniversaire du filleul, la visite des stagiaires, les messes du dimanche, et tous ces tours chez les uns ou les autres, ici ou là… Depuis deux semaines, chaque rendez-vous, chaque habitude, chaque mot déjà écrit, je le garde au matin quand mon évangile s’ouvre, je l’emporte chaque soir quand ma Bible se referme.

Et les mots de mon agenda écrits pour certains depuis longtemps s’ajoutent au présent et remplissent les mots de mes petites prières.
Et les jours continuent.
Et la vie continue.

 

Nos mots (6)

Au-dedans il y a des mots pour tous ceux qui m’entourent ceux qui sont loin et que je voudrais proches les élèves dont je m’approche chaque matin
Tout au-dedans tout le temps il y a des mots pour Dieu
Au-dehors il y a tous ceux pour qui je prie
Et peu de mots ici comme une pudeur qui ne saurait plus écrire dans le rude du monde

J’ouvre ma fenêtre je fais quelques pas au jardin et je lève le nez
Le vent est vif aujourd’hui je repense à mes vents d’Avent j’entends une petite chanson
Je souris
Je regarde

Ces pépites d’or sur les branches ce sont les bourgeons qui déploient doucement leur vie
Et le printemps s’installe
Têtu

 

 

 

 

 

 

Nos mots (5)

Mes mots et une petite prière écrite il y a très longtemps déjà mais sur Marie et son oui époustouflant, je n’ai rien fait de mieux depuis.
Belle fête de l’Annonciation chers amis lecteurs. Chez moi, le soleil brille largement depuis l’aube, j’espère qu’il est aussi un peu chez vous, et dans vos cœurs, malgré tout. Prenez toujours bien soin de vous, Corine

 

Ton ventre s’est arrondi
Tout doucement
Tes mains se posent sur la sphère de vie
Tendrement
Tes bras se croisent sur ton amour
Passionnément
Marie
Remplie du feu intérieur, tu attends
Tu attends la promesse
Ton visage s’éclaire d’un sourire confiant
Tes mains sont ouvertes maintenant
Offertes en un oui
En merci
Tu attends l’Enfant
Ton enfant
Tu vas donner la vie
Marie
Tu vas nous donner La Vie

 

 

Nos mots (4)

Un dimanche sans messe. Un deuxième dimanche sans messe. Je me suis rappelée hier matin, avec un sourire sur moi-même, le nombre de fois où je me suis dit oh ce dimanche tout froid ou tout gris ou même trop soleil qu’il serait bien de rester au chaud, de ne pas sortir ou même d’aller faire une longue balade au bord de l’eau à l’heure où personne n’y est. Plutôt que d’aller à la messe.
Et de toute façon, je prierai quand même. 

Un dimanche sans messe. Sans Jésus au cœur, au corps. Mais surtout sans les mots des amis paroissiens, leurs sourires, leurs partages. Sans les mots des lecteurs d’évangile. Sans les mots de François ou de Pierre ou de Jo. Je me suis rappelée hier matin, avec un sourire sur moi-même, le nombre de fois où j’ai soupiré oh que cette lecture est mal lue ou  zut j’ai rêvé pendant cette homélie qui ne m’a pas accrochée ou qu’il m’agace à se plaindre encore pendant que…
Et demander pardon à chaque fois pour mes manques.

Un dimanche sans messe.
Bien sûr il y avait la télé, l’écran d’ordi avec des tas de propositions de retransmissions. 
Mais mon église du dimanche, non.

J’ai préféré ne garder que Ses Mots, les Siens. Offerts dans les lectures. Dans les chants du jour. 
Méditer en silence.
Un dimanche sans messe et la première fois d’un dimanche où je célébrais – oh que le mot me paraît trop grand pour moi- où je célébrais oui quand même Sa Parole dans ma maison.
Et c’était beau. 
Comme une Joie de découvrir encore plus profondément qu’Il est vraiment là. Avec nous.
Dans Ses Mots.

 

Nos mots (3)

C’est un peu étrange.

Une semaine de classe déjà terminée. Une semaine de classe sans classe mais avec eux quand même.
C’est un peu étrange. Les mots de professeur que j’écris sont accompagnés d’autres mots. Plus inhabituels. Des prends soin de toi. Des courage. Des tu grandis. Et des tonnes d’encouragements.
En retour, leurs mots qui questionnent et n’oublient jamais de nous dire merci.

 

Une semaine de Carême et sa moitié dépassée. Une semaine sans église mais avec une Église quand même.
C’est un peu étrange. Les amis prêtres d’ici on tout fait pour que de nos maisons, nos églises restent ouvertes, virtuellement mais pas pour de faux: Laudes, messes, temps de prières, vêpres, louanges, chemin de croix en vidéo, et les jolies newsletters de mon curé. Et des tonnes de mots d’ailleurs.
En retour, mes mots qui prient et n’oublient pas de leur dire, de Lui dire, merci.

 

Une semaine sans rencontres de nos corps, sans contacts en vrai mais avec tellement de messages d’amitié quand même.
C’est un peu étrange. Les mots des proches et des amis, des collègues, des rencontres d’hospitalière gardées qui appellent, les sms clins Dieu, les sourires plus lointains de presque inconnus sur les réseaux. Je ne garde que les tonnes de joli et il y en a.
En retour, mes mots, pour eux, et un peu ici, qui ne vous oublient pas, merci d’être là.  🙂

Et soudain, l’écran devient Lumière…  😉

 

 

 

 

Nos mots (2)

Ils affluent de partout. Ils font du bien. Il y en a beaucoup, peut-être même trop. Tant pis. Tant mieux. Je les prends.
Aujourd’hui, c’était un jour pour les donner.
Les mots. D’ici, tout près, qui nous tiennent chaud. Et qu’on redonne aussi vite de peur de les garder seulement pour soi.
Les mots. D’ailleurs. Des tas de bonnes idées, de jolis liens, de bons moments à lire, à écouter. J’ai passé mes heures à les transmettre, les envoyer, les partager.

Jusqu’à ce soir où trouver les mots de ma petite prière, un peu fatiguée, un peu vidée de tant, m’était soudain difficile.
Alors, j’ai ouvert un vieux cahier de petite fille, là où des mots se posaient parfois et à lire, je me suis dit que c’était un peu ça, oui que c’était un peu ça ce que je pourrais Te dire ce soir.

 

Jésus,
Il y a des mots que je n’arrive pas bien à dire quand le monde est trop compliqué
J’en entends plein autour. Des qui pleurent, des qui souffrent, des qui meurent
Je pourrais te dire mes mots. Des qui rient, des qui aiment, des qui vivent
Mais je crois que ce que je préfère ce sont les mots que Tu entends dans ma prière
Ceux que je ne prononce même pas
Mais que Tu sais parce qu’ils T’aiment

 

 

 

Nos mots (1)

Curieux retournement de Carême.
J’avais décidé de vous parler de nos mains et celles-ci ne peuvent plus se rencontrer, se toucher, se raconter.
Elles ne peuvent plus parler.
Mais ils restent nos mots. Dits, écrits, reçus, envoyés, partagés, entendus, lus.

Depuis la journée de vendredi au collège, je mesure combien ils nous sont précieux. Moi qui les aime tant depuis toujours, moi qui désespère des silences mortifères et qui sait combien les mots donnés soignent, apaisent, pardonnent, combien ils aiment, me voilà à vivre cela d’une manière presque extrême depuis quatre jours. Et peut-être bien que ce Carême va se continuer ici avec nos mots, et non plus nos mains, nos mots oui, ceux qui nous font du bien.

 

Les mots de Cécile, jeune hospitalière avec qui je devais partir à Lourdes. Messenger a fait sonner mon téléphone dimanche, au creux de l’après-midi. C’est la première fois que Cécile m’appelle. Pour me raconter son travail de soignante dans un Ephad d’Angers. “Ici, c’est touchant tu sais…il y a des couples séparés, seul le mari ou bien la femme est à l’Ephad et plus de visites autorisées…alors tu vois avec le linge qu’elle apporte, il y a un petit mot d’amour. J’ai même dû le lui lire… ça m’a fait pleurer tu sais.”

Les mots des collègues profs depuis lundi. Les SMS affluent, les mails. Je travaille dans une petite équipe qui se respecte et s’apprécie beaucoup. Mais là, jamais en si peu de temps on s’est tant encouragé.  Et puis, on a partagé hier la douleur d’une collègue qui ne pourra sans doute pas assister à la sépulture de son beau-père. “Et je veux bien que tu m’envoies une petite parole d’évangile chaque jour tu sais…”

Les mots des élèves depuis hier. On a mis en place un relais de cours et d’activités et les premiers retours, appliqués, presque sans fautes, nous rappellent combien le collège est un lieu repère pour beaucoup d’entre eux. “Madame, hier soir j’ai relu les textes d’Anne Frank que vous nous aviez donnés en début d’année et j’ai commencé à écrire mon journal, cela va m’aider je pense…”

Les mots d’Eugène et de Marie-Jo. Les vieux amis courageux et le petit clin d’oeil de Marie-Jo qui ne sort presque plus depuis un moment. “La quarantaine, je sais ce que c’est…”

Les mots de mes proches. Précieux et forts.

Ses mots. Ses mots à Lui. Ma Bible ouverte, pas seulement en prière. Ma Bible ouverte sur le coin de mon bureau, sur un bord du canapé, dans la cuisine, dans un petit tour au jardin. Chercher dans Sa Parole des sourires, des encouragements, chercher l’Espérance. Et trouver.

 

Chers amis, je viendrai vous raconter de jolis mots si au fil des jours, il en est qui réconfortent, soutiennent et même donnent de la Joie.
Prenez bien soin de vous et d’ici, sans crainte, je vous embrasse,

Corine

 

Mes mains

Bonjour chers amies lectrices et amis lecteurs,

Mes mains l’ont compris avant moi je crois.

Mes mains de femme, de maman, de fille, de sœur, d’amie, de voisine, d’enseignante, d’hospitalière
seront ailleurs qu’ici dans les jours à venir.
J’arrête ici mes mains de Carême même si le chemin continue, dans nos vies et dans nos prières aussi.

Prenez bien soin de vous tous, n’hésitez pas à laisser de vos nouvelles surtout !

à très bientôt je l’espère,

Corine

P.S: Ses Mains à Lui nous soutiennent.  🙂

 

à la manière de Joseph…

Les mains du bois ©AnSoF

Coup de main (14)

Je crois n’avoir jamais entendu autant parler de nos mains pendant un Carême.

Hier soir en rentrant d’une longue journée, fatiguée, j’ai posé mes mains sur mon clavier.
Elles sont restées silencieuses.
Ou plutôt, muettes.

Ce matin, à nouveau, j’ai tenté l’écriture.
Et à nouveau, muettes.
Elles qui ne tarissent jamais.

J’ai ouvert ma messagerie.
Retrouvé un sourire d’Anne-Sophie et quelques-unes de ses photos.
Et mon appel au secours. Vers elle.

Entendu.
Je crois qu’Anne-Sophie les a toujours entendus.

Merci Anne-So de “ta respiration en cours de route”.

Voici pour vous, aussi.
à demain, peut-être avec un autre coup de main. 😉

« Je remets mon âme entre tes mains »

Regarde, Seigneur, d’abord je la prends dans mes mains à moi. Comme un oisillon qu’on risque d’étouffer sans y faire attention, nu et fragile, incertain, mais plein de vie. Je la prends dans mes mains un peu sales, un peu maladroites, un peu étroites. Ces mains à qui pourtant Tu confies tant de choses, Seigneur. Je la prends dans mes mains et je te la tends, je la remets entre les tiennes, de mains. Je te la remets comme le don précieux que Tu m’as fait, qui vient de Toi, et que je dépose là où elle pourra grandir et devenir belle. Je remets mon âme entre tes mains. Tes mains de Père éternel, si douces, si confiantes, si rassurantes. Dans cet écrin de tendresse et de force, comblée de ton amour, elle pourra prendre confiance, mon Dieu, et se nourrir de Toi pour abreuver ma vie.
« Je remets mon âme entre tes mains » – dans un soupir de soulagement, un réconfort immense, même si ce mouvement demande un peu de force, celle du lâcher-prise, un peu de confiance. Même si ce geste, Seigneur, il faudra le refaire tous les matins, à chaque minute. Même si je sais que je serai souvent tentée de la reprendre pour en faire à ma guise, souvent tentée de tourner le dos à tout ce qui n’est pas si simple, dans cet abandon-là.
                                                                                                                                               Anne-Sophie F.

 


©AnSoF