Zut !
J’aime bien ce tout petit mot de rien qui dit les regrets sans s’apitoyer trop longtemps et semble déjà regarder au devant. Zut. C’est une syllabe qui glisse, peut-être trop vite c’est vrai, peut-être qu’elle ne laisse pas suffisamment le temps de regarder derrière, de relire, peut-être qu’elle veut faire oublier trop rapidement les ratés, les manquements. Zut. Je l’aime bien pourtant.
Zut !
Zut, vraiment. J’étais bien partie pour mon calendrier de l’Avent. Les mots, je les aime tant, je les connais bien dans leurs entournures secrètes ou leurs voyelles chantantes, dans leurs histoires et leurs sous-entendus, dans leur petit air à toujours vouloir dire quelque chose entre les lignes. J’étais bien partie, Anne-Marie, dans un commentaire, me l’a redit à l’instant même où je m’apprêtais à publier ce zut.
Et zut ! Le temps ou plutôt la vie m’a rattrapée, la mort aussi parce que l’un ne va jamais sans l’autre.
Parce que l’Avent ne met pas entre parenthèses le quotidien qui file fait de rose et de gris, parce qu’à vouloir n’écrire que les mots doux et jolis, je n’ai pas voulu écrire une grande partie de nos heures.
Zut, vraiment. J’étais bien partie pour mon calendrier de l’Avent. Chaque jour depuis des jours, il y a Sa Lumière pourtant. Chaque jour, une raison d’avoir au creux de moi, au fond tout au fond, la joie. Pas celle qu’on croit futile, pas celle qu’on affiche en grand, pas celle qui se montre en éclats de rire, non. La joie de savoir que Dieu est là, tout près. En silence, presque.
Zut, vraiment. J’étais bien partie pour vous raconter le joli de la crèche au collège, leurs mains qui posent les santons, leur plaisir à écrire des souvenirs de Noël, leur émotion à l’écouter, lui, raconter un Noël triste. J’étais bien partie pour vous raconter les dernières semaines à s’encourager, les clins Dieu des collègues, les coups de main pour pallier les fatigues, les mots qui font du bien.
Zut, vraiment. Et ma paroisse, j’étais prête aussi à vous dire qu’elle n’oublie aucune des blessures du rapport Sauvé, elle n’a rien mis aux oubliettes et retrousse ses manches pour accueillir encore, ouvrir les portes, écouter les paroles. Et ma paroisse, petite et précieuse, prépare Noël pas comme une simple fête de calendrier mais comme un temps pour aimer. Et les amis, les enfants, la famille. Et les voisins, les rencontres, les sourires. Et tous ces liens qui jamais ne se défont vraiment. Oui, j’aurais dû venir poser des mots sur tout cela.
Zut.
Il y avait tant de mots à écrire et je n’ai pas pris ce temps. Regrets oui, vraiment chers amis. Mais il y a mon regard vers l’avant.
Ce temps déjà là d’un Noël qui enferme dans ces quatre lettres dorées le cadeau d’une promesse, qui saupoudre son tréma comme des flocons d’amour sur nos vies, qui laisse sa dernière syllabe s’envoler vers un Ciel non de rêves trop pâles mais de cette Espérance viscérale: au creux d’un ventre de femme, Dieu est venu, sang, chair, corps. Et je Le sais là.
Zut. Il y a la vie. Il y a la mort. Il y a la Vie.
Des langes au linceul, de quelle étoffe Seigneur couvriras-tu notre éternité ? Je ne sais mais je sais seulement que d’une pauvre toile ou d’une soie des plus fines, cela m’importe peu si c’est Toi qui, Petit Enfant, improbable et fragile, là et maintenant, tisse ma vie jusqu’au bout.
Fin d’Avent… encore un peu de temps… à bientôt 😉