Encore un peu de beau

Ce sera mon dernier billet de beau, non pas qu’il n’y en aura plus après, non pas que le Carême est terminé, non pas que j’en ai marre d’écrire. 😉

Ce sera mon dernier billet de beau pour ce Carême. Parce que je vais vivre la Semaine Sainte en silence en vous gardant dans mes prières et dans le beau de mes jours.
Merci à toutes et à tous d’avoir lu, aimé, partagé. Cela faisait bien longtemps que venir ici, chaque soir ou presque pendant plus de cinq semaines, ne m’avait fait autant de bien: plaisir de partager et joie de regarder tous ces petits riens de beauté qui peuvent, malgré tout, donner la joie de Jésus, celle dont il remplit les cœurs.

Encore un peu de beau alors…

Je reviens du monastère de Martigné-Briand toujours fatiguée (parce que je vieillis un peu les jeunes ça s’endort très tard ou plutôt très tôt le matin et qu’il faut veiller sur eux à chaque instant) et en même temps, toujours le cœur  rempli de plein de mercis. Merci à l’amie qui m’accompagne et prépare avec moi, même si c’est le premier week-end de nos vacances, merci aux familles qui font confiance, merci aux jeunes qui osent vivre un temps différent de leurs habitudes, mercis aux Sœurs souriantes et toujours étonnantes, merci à la campagne autour, aux vignes qui touchent le bord du ciel, au soleil qui écarte les nuages. Merci à Dieu de m’aider à chaque heure de ma vie à croire en Lui.

Oui, c’est ça, c’est ça le petit truc beau dans toute cette histoire. On pourrait croire que c’est facile et hop elle croit en Dieu, voilà, naïve pour certains, chouette pour d’autres, mais non, ce n’est pas ça le beau.
Le plus beau, c’est que c’est Lui qui croit en moi. Je vois bien que ça peut en faire sourire plus d’un. Peu importe. C’est Lui qui croit en nous, jusqu’au bout.

 

– Madame, vous croyez en Dieu vous ?
– Oui…
– Comment vous êtes sûre ?
– Sûre de quoi ?
– Sûre qu’Il existe.
– Je ne suis sûre de rien. Je sais, je sens qu’Il est là.
– Bah c’est être sûre ça, non ?
– Non, moi, je le sens, je le sais, mais Dieu me laisse libre.
Silence.
– Ah oui, si c’était sûr…si c’était sûr…, si Dieu, on était sûr qu’il est là, on serait obligés de croire…
– Voilà. En fait ce que je crois c’est que Dieu c’est Lui qui croit en nous.
– Vous êtes rigolote.

La dernière phrase c’était comme un merci tellement rigolote était doux.
Fin d’un beau petit moment.

 

Et belle entrée dans la Semaine Sainte, beau chemin à toutes et à tous,
à bientôt, et merci encore.

Corine

 

Si vous saviez comme c’est beau

Ça doit être à cause de mon caractère.

Il y a des jours où je trouve qu’il y a plein de beau.

Et ça, ça doit être parce qu’on me dit joyeuse, optimiste et pas des plus rebelles, celles qui se mettent toujours en colère.
Ma rébellion à moi, c’est la joie. Je ne suis pas née comme ça, je l’ai voulu.
Je le veux chaque jour davantage.

Et puis , j’ai pas mal de chance.
Le beau, il est à côté de moi.

Par exemple, tu vois, dans ma paroisse, tout près de l’autel, en aubes blanches, il y a depuis toujours des gars et des filles. Les petites Anaé et Ramina, en ce moment, c’est ma joie. Je les ai vues grandir depuis leurs 3 ans à l’éveil à la Foi aux côtés de leurs mamans et maintenant elles sont là, servantes avec les servants. Il y a Matthieu aussi, je l’ai vu grandir pareillement depuis l’éveil à la foi. Ma rébellion face à celles et ceux qui ne comprennent pas ça, cette simplicité-là – Anaé et Matthieu, Ramina et son frère – cette simplicité d’aimer Jésus jusqu’à le servir, ma rébellion sera toujours de les faire grandir, petit garçon ou petite fille ou même autrement, de les faire grandir avec les mêmes mots de mon éveil à la Foi. Exactement les mêmes.
Et qu’ils viennent voir comme c’est beau des enfants qui servent Dieu, heureux.

Le beau, il est à côté de moi.
Par exemple, tu vois, dans mon collège, au cœur de la campagne, il y a depuis toujours des gars et des filles un peu loin de la culture. On râle souvent après ce manque-là. Mes élèves, c’est ma joie. Quand je leur raconte un livre, quand je leur fais découvrir un héros, quand on les accompagne au musée ou en voyages, quand une élève de 3è me dit que le plus loin où elle est allée c’est aux Sables d’Olonne, à 120 kms environ, on a une envie folle d’ouvrir le monde pour elle. Alors,  il y a ce petit ciné-club qu’on a mis sur pied il y a quelques années pour leur faire goûter des classiques, des films qu’on aime bien aussi. Ce soir, ils sont sortis du cinéma avec le sourire. C’était bien, m’dame !
Si vous saviez comme c’est beau des élèves qui découvrent encore, heureux.

Le beau, il est à côté de moi.
Par exemple, tu vois, il est un peu tard et je prépare encore les derniers trucs pour partir demain en monastère. Encore!!! Non, je ne pars pas seulement, je pars avec. Avec mon amie collègue très chouette et avec nos “catés” 5ème très chouettes aussi. Des gars et des filles un peu loin de l’Église pour certains. Et les emmener dans un de mes lieux préférés, non pas pour les convaincre de quoique ce soit, surtout pas, juste pour leur faire goûter au silence de la prière, au temps que l’on peut vivre autrement. Il y aura demain leurs yeux un peu étonnés, leur joie d’être ailleurs.
Si vous saviez comme c’est beau des jeunes qui cherchent Dieu, heureux.

 

Il y a des jours où je trouve qu’il y a plein de beau.
Mais ça doit être à cause de mon caractère. Ma rébellion à moi, c’est la joie.

Et demain, je ne pourrai pas vous raconter ici le beau de Martigné-Briand, alors, à samedi sûrement. 🙂

Cet absolument beau

C’est difficile d’expliquer cet absolument beau qui se passe dans la prière.

J’ai déjà essayé de le dire à des jeunes il n’y a pas si longtemps, à des amis parfois qui me demandaient ce que c’était la prière, ce que c’était ma prière, à quoi ça ressemblait, et comment je savais que c’était une prière d’abord.
C’est difficile. Je ne sais pas trop l’expliquer en vrai.
En revanche, je peux raconter.
Oui, parfois, je peux la raconter.

Ça ne se passe pas toujours au même moment, ni toujours dans le même endroit. C’est au tôt du matin, au cours de la journée, au soir.
C’est avec une tasse de café entre les mains, au bout de ma plume sur un petit cahier, au bord d’un océan, sur un chemin vers une abbaye, dans ma voiture, entre deux rayons d’un supermarché.
C’est n’importe quand et n’importe où ma petite prière.
Mais c’est toujours de la même façon, exactement de la même façon.

Il y a ce truc assez beau, c’est que je la reconnais.
Ça n’a rien à voir avec une conversation intérieure qui m’arrive plus souvent qu’à mon tour parce que oui, je me parle, je m’engueule, je m’encourage. Mais non, c’est pas une petite voix au dedans, pas du tout. Et surtout pas ma voix.
C’est même tout le contraire.

Je n’entends absolument rien d’autre que du silence. C’est même ça qui est beau. Alors que j’ai toujours un tas de trucs qui fourmillent à mille à l’heure dans mon crâne, ma prière elle, elle fait le silence.
Silence total.
C’est un peu comme si tout s’effaçait un instant, parfois fugitif, pour laisser de la place à Dieu.
C’est juste ça.

Je dis – ou le plus souvent j’écris – mes mercis, mes pardons, mes demandes, mes mots parfois sans rien d’autre autour. Juste mes mots.
Puis, l’instant d’après, le silence vient les envelopper, doucement.
Parfois, le silence vient envelopper mes mots en même temps que j’écris. C’est d’ailleurs pour cela que j’aime écrire mes prières.

 

Le silence vient envelopper chaque boucle, chaque trait, chaque point de chacun de mes mots.
On dirait qu’Il les écoute.
On dirait qu’Il les emporte.

 

Et je reste là, quelques secondes, quelques minutes, à essayer d’écouter à mon tour.
Je n’entends rien.
Le silence toujours.
Pas l’absence, non.
Le silence.

Et je reste là, quelques secondes, quelques minutes, à sentir mon cœur.
Je ne sais pas l’expliquer. Il n’y a pas vraiment de mots. C’est difficile.
Mais à cet instant-là, je crois, je sens, je sais qu’Il est là.
Et c’est beau.

 

 

Quand on me raconte du beau

C’est drôle d’avoir oublié ça dans ma recherche du beau, d’avoir oublié que souvent, on m’en racontait.

 

On me raconte du beau. Oui. Souvent.
Loin des réseaux, loin des journaux. Tout près de moi, au détour des vies de gens ordinaires. Non pas qu’il n’y ait pas de gens ordinaires sur les réseaux, dans les journaux, non. Mais le beau raconté, pas tant que ça. Et, de toutes les façons, ça n’a pas la même saveur les gens ordinaires, ceux que vous connaissez en vrai, quand ils vous racontent le beau.

Ceux que l’on croise en vrai.

Elle vous arrête entre deux rayons de supermarché, vous êtes en train de choisir vinaigre de Xérès ou vinaigre balsamique, la question est presque grave pour agrémenter la salade. Vous n’avez pas beaucoup de temps. Il est déjà un peu tard. Et des copies encore à corriger, ce serait bien de les rendre demain matin. Elle vous tape sur l’épaule et arrête vos pensées, oh…je suis heureuse de te voir, te revoir, quelle joie oui, comment vas-tu ? Vous posez la question mais là vous voyez bien que son front est rose, ses yeux brillants de vie. Elle a mis de jolies boucles d’oreilles.

Celle que l’on croise en vrai.

C’est pour mettre avec une salade de roquette, des petits légumes croquants, du saumon frais, j’ai vu la recette, j’hésite pour ma vinaigrette, elle m’a demandé pourquoi je restais en plan avec mes deux vinaigres, je lui ai raconté. Et ça l’a fait rire, je n’ai pas vu son sourire, je l’ai entendu. Elle garde le masque. J’ai appris que tu allais bien. Il faut rester très vigilante quand même. Une toute petite boucle de cheveux bruns vient de glisser sur sa joue.

Celle que l’on ne peut pas embrasser mais ça m’a traversé l’esprit de la prendre dans mes bras. Lorsqu’elle a ouvert son joli manteau vert amande et qu’elle a posé une main sur le haut de son ventre. Je n’avais rien vu.
Je suis enceinte seulement de 3 mois, ça se voit pas encore. Mais c’est bon.
Oui, c’est bon d’entendre ta joie.

Celle que l’on a eu comme élève, il y a très longtemps, trop longtemps même, au tout début de ma vie de prof en fait. On a toujours gardé contact, sans doute à cause de ses études. Elle est revenue dans la région, après un long périple.
Et un sale cancer à 37 ans.

Trois ans et des poussières plus tard, une bouteille de vinaigre balsamique à la main, un mardi soir après la classe, je suis rentrée corriger mes copies avec ce truc juste beau, attrapé en plein cœur, entre deux rayons. J’ai dit merci à Marie et Elisabeth.
Elle va enfin devenir maman.

 

Et on a juste dit, c’est très beau.

Le temps file.
Dimanche prochain les Rameaux et mes vacances et la Semaine Sainte.
Le temps file et je le trouve étrange ce temps de Carême cette année.

C’est le temps de notre terre qui l’est sans doute.

Chaque jour déverse un peu plus de tragique et chaque jour je cherche un instant de beau. Je ne vais pas loin, je cherche dans ma vie et j’espère qu’ailleurs il y a d’autres instants. Et ma prière s’enfle, paradoxale, de mercis et de s’il te plaît mon Dieu qui se mêlent, s’entremêlent, démêlent le temps sans vraiment savoir ce qui est bon.

Chaque jour, je me dis à quoi bon chercher dans ma petite vie et raconter.

Peut-être pour cela.

 

Peut-être parce que depuis près de 30 jours déjà, j’apprends la confiance. Et la patience aussi. Et je commence à savoir que quelque part, dans un tout petit instant, dans un tout petit rien, tout près de moi, il y a une raison d’espérer. Parce que le beau est là, toujours.

 

Le temps file. La journée pleine de cours a laissé peu de répit à mes regards. Il a fallu attendre la dernière heure. Pas toujours facile avec les plus jeunes. Il faut ruser un peu parfois pour garder leur attention.
Ce soir, finalement, cela n’a pas été très difficile.
Nous avions découvert des récits de création du monde et ils avaient imaginé leur propre création. À la manière du texte fondateur qu’ils voulaient: de la légende chinoise de Pangu à l’Edda poétique du grand nord en passant par Gilgamesh, la Bible ou le Coran.
Ils ont été créatifs. Inspirés même.
Quand est arrivé son tour de lire son récit, il a prévenu la classe que c’était une idée “comme ça” qui lui était passée par la tête et que ce n’était sûrement pas “très bien” et que c’était “très court” à côté des autres textes. Il n’avait pas très envie de partager son écriture. Je l’ai encouragé.

C’est une histoire de pas. Le créateur dans mon histoire, vous pouvez imaginer que c’est Dieu, ou un géant comme Pangu, peu importe.

“Un jour, il s’est réveillé de la terre, il s’est mis debout et il a fait un premier pas. Sous son pas, le ciel s’est levé, et la lumière avec.
Puis, il a fait un deuxième pas, l’eau est tombée, et a rempli des mers.
Un troisième pas, et sous sa semelle, des herbes ont poussé, puis des arbres.
Un quatrième pas, et des petits animaux ont rampé, puis volé, puis des plus gros. Un cinquième pas, dans son empreinte, un homme est né, puis des milliers.
Quand il a vu que ses pas changeaient la terre, il s’est arrêté. Lui aussi, il s’est reposé. Mais juste avant, il a écrit l’histoire de ces cinq pas dans sa main, sur chacun de ses doigts. Pour ne jamais oublier.”

 

Silence dans la classe.
On a applaudi. Il a souri.
Et on a juste dit: “C’est très beau.”

 

 

 

Le beau de vivre

J’ai cherché le beau dans un vendredi rempli.
J’ai rien trouvé.
J’ai rien écrit, donc.
Faut pas se mentir, il y a des jours où rien n’est vraiment joli, tant pis.

 

 

Ou peut-être tant mieux.
Ça met en relief le beau des lendemains.

 

 

Elle vient juste de partir.
Elle ne rentre jamais très tard chez elle. Elle arrive à l’improviste sur la fin d’un après-midi de samedi comme aujourd’hui. Elle ne veut jamais nous déranger très longtemps surtout si les enfants sont là. Mais aujourd’hui, ils n’y sont pas.
On peut prendre notre temps. Elle raconte ses petites sections de l’autre côté de la Loire et je lui parle des collégiens de ma campagne. Et ensuite, on parle toujours un peu politique. Pas seulement celle des grands noms, pas seulement celle des élections, on se raconte aussi nos villes, nos associations, les projets, les espoirs, les galères de ceux qu’on connaît. On se dit qu’on peut encore changer des petites choses. On essaie. On y croit. Et ensuite, il y a toujours ce moment qui vient où on parle des souvenirs. Souvent les mêmes. Lorsqu’on était plus jeunes et qu’on croyait aux mains tendues. On y croit toujours, dis ? Oui même si on ne le montre jamais vraiment le beau de toutes ces petits mains qui se tendent et s’accrochent et se tiennent et s’embrassent pour rendre l’ordinaire des jours plus beaux.

 

 

On a la même petite croix autour de nos cous.

 

 

On a continué à parler. De nos ateliers d’écriture avec des enfants qui auraient aimé vivre mieux.
Ça paraît loin parfois. Et pourtant, c’est si proche.
Elle m’a demandé si on ne pourrait pas monter encore un projet. Quand on aura à nouveau un peu plus de temps. On a ri.
Elle a une idée.
Je l’ai trouvée belle.
L’idée, et elle aussi.

Elle vient juste de partir.

Il y a des jours où rien n’est vraiment joli et des lendemains amis qui aiment la vie.

C’est le beau de vivre, je crois.

Trois flocons et puis s’en vont

Fichu temps, fichu froid, j’avais déjà rangé la laine de mes pullovers pour les fleurs des chemisiers tout légers, tout jolis, tout sourires même si on me répétait tu sais mars et ses giboulées et qu’on m’annonçait avril et son fil enfin le truc qui dit de ne pas se découvrir tu vois.

Fichu temps, fichu froid, j’avais attrapé une heure à un après-midi tout chaud il y a seulement quelques jours pour coller à mes fenêtres des primevères de printemps, jaunes et bleues, et au soleil déjà elles s’éclataient, rondes et belles, et  voilà que maintenant, mes primevères bleues et jaunes, aux couleurs d’une paix que j’espère, elles grelottent.

Fichu temps, fichu froid, ma classe était bien fraîche ce soir pour recevoir à nouveau des parents. On s’est dit bonjour avec la météo histoire de commencer. On brisait un peu la glace à coup d’un c’était l’été il y a trois jours et nous revoilà en hiver. Puis on a regardé de près leurs deuxièmes trimestres. Et on s’est salués par un rentrez vite au chaud !

Fichu temps, fichu froid.
Soirée de rencontres terminée.
Voiture glacée.
Je démarre.
J’allume le chauffage.
Et la musique.
Sur mon pare-brise.
Trois petits flocons.
Ils dansent.

Sourire.

Et soudain, fichu temps, fichu froid, il neige. Trois flocons et c’est déjà beau.

Non pas les flocons, non. Il n’y en a jamais chez moi, presque jamais.

Non, ce qui est beau, c’est le sourire qui vient avec. L’espoir du joli qui se poserait doucement sur le paysage, pour une fois. De la neige en avril, pourquoi pas. On remettrait les pullovers, on sortirait les plaids et puis on rallumerait un feu. Peut-être que les routes seraient pas mal encombrées. Peut-être qu’on ne pourrait plus rouler. Une fin de semaine à rester au chaud de la maison. On pourrait faire des crêpes.
Et ce serait bien.

C’est rien ce temps. C’est tellement rien. Trois flocons et puis s’en vont. Et c’est beau.
Sourire.

 

 

Des minutes de beau silence

Il y a des soirs où l’on sait pourquoi on se sent fatiguée et ça nous donne la pêche.

Paradoxal petit système humain qui lorsque le corps ralentit sait que son carburant passe aussi par…la joie.

La joie, j’en ai reçue des tonnes aujourd’hui avec la journée retraite de première communion mais je ne vais pas vous en faire une jolie litanie.

Non. Je vais juste vous dire le beau.   

Cet après-midi, avec moi, c’était petit atelier prière. Les groupes d’une dizaine d’enfants sont venus les uns après les autres. Entre copains souvent, entre copines aussi, avec la jolie énergie très débordante de leurs 9 ans.

Le beau, c’est ce qu’ils ont tous réussi à s’offrir, à m’offrir.

Tour à tour, les groupes ont goûté à un silence, un silence complet, un silence même pas pesant, un beau silence pour écrire leurs mots en prière.

Cinq longues et belles minutes de silence à chaque fois. Sans rechigner, sans faillir, sans que ce soit très compliqué de leur dire le pourquoi. Un beau silence pour écouter leur cœur. Cinq belles minutes pour eux, avec leur toute petite prière.
Vous savez, j’ai même eu un peu de mal avec certains à les sortir de ce petit espace sans bruits, sans paroles, sans ce qui remplit leur temps tout le temps, tellement ils semblaient y être bien.

Et ça, au milieu de ma semaine à ras bord, c’était juste cadeau. C’était juste beau.

 

 

 

 

On saura que c’est beau

Parfois, mon cœur parle un peu trop vite.

 

Je savais la semaine pleine à ras bord pourtant, mais j’ai dit:
– Je peux faire des pains sans levain.

Parce que, ce mercredi, c’est leur journée de retraite de première communion, qu’ils vont jouer la Pâque juive, le dernier repas de Jésus et l’Eucharistie pour essayer de comprendre et qu’une boule de campagne ou une baguette de pain blanc sur les tables, ça me disait pas trop.
Parce que ce mercredi, je me suis dit qu’il pourrait l’imaginer d’une belle façon le pays de Jésus en posant sur les tables des galettes de pain azyme.

–  Je peux faire des pains sans levain si vous voulez.

Sans aucune prétention. Parce qu’au retour d’Israël, j’ai eu envie de refaire ici le pain sur lequel on posait l’houmous. Simplement parce que c’est bon, c’est tout.

Je savais la semaine pleine pourtant et ce mardi soir avec douze rencontres de parents de ma classe.

J’ai pétri la pâte en rentrant. Il faisait déjà nuit. Et je me suis dit que les femmes, du temps de Jésus, devaient aussi le faire la nuit tombée ou avant le jour. Parce que le jour, il y avait tant à faire, parce que le pain, ça ne se fait pas dans la chaleur des journées, jamais.

 

Et ce temps pris au temps était beau.
Le silence de ma cuisine. La nuit au dehors. Quelques chants d’oiseaux.
Et j’ai pétri, longtemps. Avec mes mains.

J’ai pensé au monde et à tous ceux que j’aime.
Une petite prière farinée. J’ai bien aimé.
Lui aussi, j’espère.

 

Dans la poêle bien chaude, les galettes une à une. Imparfaites.
Mais belles.

Et demain, sur leurs tables, on racontera ce pain rompu, ce pain partagé, ce corps donné. Ce sera balèze à comprendre. Peut-être qu’on ne comprendra pas bien.
Mais on saura, par le pain, par les gestes, par Ses mots, que c’est beau.

 

Le beau à présent

Le Carême a dépassé sa moitié et par-delà les tristesses du monde, au milieu des fatigues de certains jours, au cœur des vies autour faites de rose et de gris, je continue à chercher la beauté des petits riens, des instants parfois fugitifs, des moments qui passent un peu trop vite.

Ce lundi était décalé.
Une heure de moins à l’horloge du week-end, des retours d’élèves guéris, des nouveaux départs d’élèves malades et l’idée d’une semaine trop pleine l’ont peut-être mal commencé.
Ce lundi était fatigué.

Et il s’est passé. Bien, doucement bien, heure après heure.

Parfois le beau, c’est simplement occuper le temps du présent, l’heure avec eux, pas celle d’avant, ni celle d’après. Occuper le temps présent, y être, être là.

Parfois le beau, c’est accepter le temps du présent, entièrement, pas la tête ailleurs, pas le cœur au loin. Accepter le temps présent, y être, être là.

 

 

Je suis rentrée il y a peu de temps.
Le courrier était posé sur la table. J’aime bien feuilleter les pubs. Ouvrir les enveloppes.
– Il y a une lettre pour toi…
J’ai souri parce que j’aime les lettres écrites à l’encre, et l’enveloppe qu’on regarde avant de l’ouvrir, et le temps qu’on prend à lire.
C’est assez rare aujourd’hui. Comme un cadeau désuet qu’on oserait encore savourer.

J’ai reconnu son écriture, ronde et régulière, au stylo Bic bleu foncé, celui qui est transparent et qui écrit un peu gras.
Elle m’écrit une ou deux fois dans l’année, parfois trois ça dépend. Après l’été souvent et après mon anniversaire aussi. Elle prend son temps.
Ses lettres sont de longues pages. Elle me raconte son temps. Son temps présent auprès de Dieu. Dans une abbaye presque inaccessible, loin d’ici.

“J’entends le monde tu sais, je ne t’oublie pas, et je suis heureuse d’être là, à prier pour le monde, pour toi.”

Parfois le beau, c’est simplement occuper le temps présent.

Lire la lettre d’une amie qui a quitté les bancs de la faculté où l’on était deux étudiantes passionnées, à 21 ans, pour devenir religieuse, et qui m’écrit sa joie depuis 34 ans deux ou trois fois par an dans de longues pages bleu foncé, après l’été et après février.
Elle prend son temps.

Parfois le beau, c’est d’oser aimer l’instant, l’instant présent, y être, être là, pleinement.