Le beau de vivre

J’ai cherché le beau dans un vendredi rempli.
J’ai rien trouvé.
J’ai rien écrit, donc.
Faut pas se mentir, il y a des jours où rien n’est vraiment joli, tant pis.

 

 

Ou peut-être tant mieux.
Ça met en relief le beau des lendemains.

 

 

Elle vient juste de partir.
Elle ne rentre jamais très tard chez elle. Elle arrive à l’improviste sur la fin d’un après-midi de samedi comme aujourd’hui. Elle ne veut jamais nous déranger très longtemps surtout si les enfants sont là. Mais aujourd’hui, ils n’y sont pas.
On peut prendre notre temps. Elle raconte ses petites sections de l’autre côté de la Loire et je lui parle des collégiens de ma campagne. Et ensuite, on parle toujours un peu politique. Pas seulement celle des grands noms, pas seulement celle des élections, on se raconte aussi nos villes, nos associations, les projets, les espoirs, les galères de ceux qu’on connaît. On se dit qu’on peut encore changer des petites choses. On essaie. On y croit. Et ensuite, il y a toujours ce moment qui vient où on parle des souvenirs. Souvent les mêmes. Lorsqu’on était plus jeunes et qu’on croyait aux mains tendues. On y croit toujours, dis ? Oui même si on ne le montre jamais vraiment le beau de toutes ces petits mains qui se tendent et s’accrochent et se tiennent et s’embrassent pour rendre l’ordinaire des jours plus beaux.

 

 

On a la même petite croix autour de nos cous.

 

 

On a continué à parler. De nos ateliers d’écriture avec des enfants qui auraient aimé vivre mieux.
Ça paraît loin parfois. Et pourtant, c’est si proche.
Elle m’a demandé si on ne pourrait pas monter encore un projet. Quand on aura à nouveau un peu plus de temps. On a ri.
Elle a une idée.
Je l’ai trouvée belle.
L’idée, et elle aussi.

Elle vient juste de partir.

Il y a des jours où rien n’est vraiment joli et des lendemains amis qui aiment la vie.

C’est le beau de vivre, je crois.

Trois flocons et puis s’en vont

Fichu temps, fichu froid, j’avais déjà rangé la laine de mes pullovers pour les fleurs des chemisiers tout légers, tout jolis, tout sourires même si on me répétait tu sais mars et ses giboulées et qu’on m’annonçait avril et son fil enfin le truc qui dit de ne pas se découvrir tu vois.

Fichu temps, fichu froid, j’avais attrapé une heure à un après-midi tout chaud il y a seulement quelques jours pour coller à mes fenêtres des primevères de printemps, jaunes et bleues, et au soleil déjà elles s’éclataient, rondes et belles, et  voilà que maintenant, mes primevères bleues et jaunes, aux couleurs d’une paix que j’espère, elles grelottent.

Fichu temps, fichu froid, ma classe était bien fraîche ce soir pour recevoir à nouveau des parents. On s’est dit bonjour avec la météo histoire de commencer. On brisait un peu la glace à coup d’un c’était l’été il y a trois jours et nous revoilà en hiver. Puis on a regardé de près leurs deuxièmes trimestres. Et on s’est salués par un rentrez vite au chaud !

Fichu temps, fichu froid.
Soirée de rencontres terminée.
Voiture glacée.
Je démarre.
J’allume le chauffage.
Et la musique.
Sur mon pare-brise.
Trois petits flocons.
Ils dansent.

Sourire.

Et soudain, fichu temps, fichu froid, il neige. Trois flocons et c’est déjà beau.

Non pas les flocons, non. Il n’y en a jamais chez moi, presque jamais.

Non, ce qui est beau, c’est le sourire qui vient avec. L’espoir du joli qui se poserait doucement sur le paysage, pour une fois. De la neige en avril, pourquoi pas. On remettrait les pullovers, on sortirait les plaids et puis on rallumerait un feu. Peut-être que les routes seraient pas mal encombrées. Peut-être qu’on ne pourrait plus rouler. Une fin de semaine à rester au chaud de la maison. On pourrait faire des crêpes.
Et ce serait bien.

C’est rien ce temps. C’est tellement rien. Trois flocons et puis s’en vont. Et c’est beau.
Sourire.

 

 

Des minutes de beau silence

Il y a des soirs où l’on sait pourquoi on se sent fatiguée et ça nous donne la pêche.

Paradoxal petit système humain qui lorsque le corps ralentit sait que son carburant passe aussi par…la joie.

La joie, j’en ai reçue des tonnes aujourd’hui avec la journée retraite de première communion mais je ne vais pas vous en faire une jolie litanie.

Non. Je vais juste vous dire le beau.   

Cet après-midi, avec moi, c’était petit atelier prière. Les groupes d’une dizaine d’enfants sont venus les uns après les autres. Entre copains souvent, entre copines aussi, avec la jolie énergie très débordante de leurs 9 ans.

Le beau, c’est ce qu’ils ont tous réussi à s’offrir, à m’offrir.

Tour à tour, les groupes ont goûté à un silence, un silence complet, un silence même pas pesant, un beau silence pour écrire leurs mots en prière.

Cinq longues et belles minutes de silence à chaque fois. Sans rechigner, sans faillir, sans que ce soit très compliqué de leur dire le pourquoi. Un beau silence pour écouter leur cœur. Cinq belles minutes pour eux, avec leur toute petite prière.
Vous savez, j’ai même eu un peu de mal avec certains à les sortir de ce petit espace sans bruits, sans paroles, sans ce qui remplit leur temps tout le temps, tellement ils semblaient y être bien.

Et ça, au milieu de ma semaine à ras bord, c’était juste cadeau. C’était juste beau.

 

 

 

 

On saura que c’est beau

Parfois, mon cœur parle un peu trop vite.

 

Je savais la semaine pleine à ras bord pourtant, mais j’ai dit:
– Je peux faire des pains sans levain.

Parce que, ce mercredi, c’est leur journée de retraite de première communion, qu’ils vont jouer la Pâque juive, le dernier repas de Jésus et l’Eucharistie pour essayer de comprendre et qu’une boule de campagne ou une baguette de pain blanc sur les tables, ça me disait pas trop.
Parce que ce mercredi, je me suis dit qu’il pourrait l’imaginer d’une belle façon le pays de Jésus en posant sur les tables des galettes de pain azyme.

–  Je peux faire des pains sans levain si vous voulez.

Sans aucune prétention. Parce qu’au retour d’Israël, j’ai eu envie de refaire ici le pain sur lequel on posait l’houmous. Simplement parce que c’est bon, c’est tout.

Je savais la semaine pleine pourtant et ce mardi soir avec douze rencontres de parents de ma classe.

J’ai pétri la pâte en rentrant. Il faisait déjà nuit. Et je me suis dit que les femmes, du temps de Jésus, devaient aussi le faire la nuit tombée ou avant le jour. Parce que le jour, il y avait tant à faire, parce que le pain, ça ne se fait pas dans la chaleur des journées, jamais.

 

Et ce temps pris au temps était beau.
Le silence de ma cuisine. La nuit au dehors. Quelques chants d’oiseaux.
Et j’ai pétri, longtemps. Avec mes mains.

J’ai pensé au monde et à tous ceux que j’aime.
Une petite prière farinée. J’ai bien aimé.
Lui aussi, j’espère.

 

Dans la poêle bien chaude, les galettes une à une. Imparfaites.
Mais belles.

Et demain, sur leurs tables, on racontera ce pain rompu, ce pain partagé, ce corps donné. Ce sera balèze à comprendre. Peut-être qu’on ne comprendra pas bien.
Mais on saura, par le pain, par les gestes, par Ses mots, que c’est beau.

 

Le beau à présent

Le Carême a dépassé sa moitié et par-delà les tristesses du monde, au milieu des fatigues de certains jours, au cœur des vies autour faites de rose et de gris, je continue à chercher la beauté des petits riens, des instants parfois fugitifs, des moments qui passent un peu trop vite.

Ce lundi était décalé.
Une heure de moins à l’horloge du week-end, des retours d’élèves guéris, des nouveaux départs d’élèves malades et l’idée d’une semaine trop pleine l’ont peut-être mal commencé.
Ce lundi était fatigué.

Et il s’est passé. Bien, doucement bien, heure après heure.

Parfois le beau, c’est simplement occuper le temps du présent, l’heure avec eux, pas celle d’avant, ni celle d’après. Occuper le temps présent, y être, être là.

Parfois le beau, c’est accepter le temps du présent, entièrement, pas la tête ailleurs, pas le cœur au loin. Accepter le temps présent, y être, être là.

 

 

Je suis rentrée il y a peu de temps.
Le courrier était posé sur la table. J’aime bien feuilleter les pubs. Ouvrir les enveloppes.
– Il y a une lettre pour toi…
J’ai souri parce que j’aime les lettres écrites à l’encre, et l’enveloppe qu’on regarde avant de l’ouvrir, et le temps qu’on prend à lire.
C’est assez rare aujourd’hui. Comme un cadeau désuet qu’on oserait encore savourer.

J’ai reconnu son écriture, ronde et régulière, au stylo Bic bleu foncé, celui qui est transparent et qui écrit un peu gras.
Elle m’écrit une ou deux fois dans l’année, parfois trois ça dépend. Après l’été souvent et après mon anniversaire aussi. Elle prend son temps.
Ses lettres sont de longues pages. Elle me raconte son temps. Son temps présent auprès de Dieu. Dans une abbaye presque inaccessible, loin d’ici.

“J’entends le monde tu sais, je ne t’oublie pas, et je suis heureuse d’être là, à prier pour le monde, pour toi.”

Parfois le beau, c’est simplement occuper le temps présent.

Lire la lettre d’une amie qui a quitté les bancs de la faculté où l’on était deux étudiantes passionnées, à 21 ans, pour devenir religieuse, et qui m’écrit sa joie depuis 34 ans deux ou trois fois par an dans de longues pages bleu foncé, après l’été et après février.
Elle prend son temps.

Parfois le beau, c’est d’oser aimer l’instant, l’instant présent, y être, être là, pleinement.

 

 

 

 

Petite amphore d’argile

Peut-être qu’il n’y avait rien de beau aujourd’hui.
Il n’y avait rien de vraiment moche non plus.
Une journée ordinaire faite de petits riens, avec quelques moments jolis, c’est vrai.
Mais rien de beau. Rien de vraiment beau.

Peut-être parce qu’Elle était là, depuis ma prière du matin.
Peut-être parce qu’Elle était là, au long de ma journée.
Peut-être parce que c’était Elle, le beau.

Au soir, j’ai ouvert à nouveau ce tout petit livre que j’aime beaucoup. Je l’ai relu, encore une fois.

“Je suis restée muette. C’était bien l’accueil qu’il lui fallait, il m’a annoncé un fils. Destiné à de grandes choses, de grands saluts, mais j’ai fait peu attention aux promesses. Dans mon corps, dans mon sein s’était créé un espace. Une petite amphore d’argile encore fraîche s’est posée au creux de mon ventre.”

Au nom de la mère, Erri De Luca, éd. folio, page 21

 

Au soir, j’ai trouvé le beau enfin qu’Elle a laissé, Marie.

Le simple creux d’un ventre de femme pour le salut du Monde.

 

Par-dessus nos murs

21 heures 28.
J’ouvre mon ordi, je viens ici pour vous raconter.
Je ne vous oublie pas.
Ni vous ni ma quête du beau parce qu’à le chercher, à bien le regarder, je crois qu’il prend peu à peu plus de place dans les gris du monde autour.

21 heures 30.
Je suis arrivée il y a peu de temps à la maison. Je pourrais vous raconter le beau d’une découverte mais j’ai un peu peur de vous raser vraiment avec mes monastères  😉 et puis cette histoire d’un après-midi de “ressourcement” jusqu’aux Complies, je vous assure que cette fois, ce n’est pas tout à fait mon idée.
Voilà, en vrai, c’est l’invitation d’une amie prof dans un collège voisin il y a quelques semaines:
– Tu veux pas venir, il y a un après-midi “ressourcement” pour les profs !

Je me suis dit ça doit être un truc comme le cadeau de l’enseignement catholique du Maine et Loire cette journée, l’abbaye de Notre-Dame des Gardes toute proche, je connais à peine – parce que dans ma vie il n’y a qu’un monastère et ce n’est pas celui-là – et puis une pause, pourquoi pas.
Et me voilà inscrite.

 

Sauf que là, aujourd’hui, à la sortie de ma matinée de cours, filer à l’abbaye et bien, ça tombait pas bien du tout.
Un grand mur devant moi.
Un mur de travail à faire, de rencontres parents et conseils de classe à venir très vite et à préparer, des réunions, des bilans, des copies, bref, et puis, le soleil là, je serais bien restée tranquille à la maison.

Mais, j’étais inscrite.

 

21 heures 46. C’était bien.

Le mur de travail est toujours là mais il semble soudain bien moins grand et le cœur, lui, un peu plus.

Alors le beau ?

Il est là, lui aussi.
Dans le temps d’une petite balade un peu prière cet après-midi, j’ai vu qu’au-delà des murs, ceux de nos dedans et ceux du dehors, au-delà de ces murs, on peut laisser la place au beau.
Parfois, il suffit de s’arrêter, d’oser s’arrêter pour le voir. 🙂

 

Demain, mi-Carême chers amis lecteurs, ce sera pause ( pour en découdre avec mon mur de choses à faire  😉 ).

 

 

Je vous retrouve vendredi donc. Prenez bien soin de vous.
Corine

 

Son merci, le beau de mon aujourd’hui

“Merci ma petite marraine Coco”

Pardon. C’est peut-être un peu familier.
C’est vrai qu’aujourd’hui, le beau aurait pu tenir dans une gigantesque branche de mimosa tendue vers le ciel bleu ou dans les yeux de ce grand gars de troisième qui s’extasiait sur le retour des pâquerettes dans la cour du collège – enfin dans le pré qui fait partie de la cour du collège – ou dans la gentillesse d’une voisine qui avait déposé sur le pas de ma porte une douzaine d’œufs tout frais  et un petit mot “pour le plaisir et pour ta bonne cuisine”.

Pardon. C’est sans doute un peu familier de parler de lui.
Il a eu 16 ans aujourd’hui. Mon p’tit filleul devient grand.
Mon p’tit grand filleul n’est pas baptisé et je ne sais pas s’il le sera un jour.
Je suis sa marraine à part entière.
Immensément.
C’est moi qui lui ai parlé de Jésus. C’est lui qui me demandait une carte postale de Lourdes chaque fois que j’y allais. C’est lui qui aime venir quelques jours à la maison à Noël ou pendant l’été. Et on se parle, doucement. De la vie.

Pardon. C’est un peu loin de vous ce beau-là. Il m’appartient sans doute.

Mais il y a quelque chose qu’on peut, tous, trouver beau pendant ce Carême et qui me fait penser à mon p’tit grand filleul.

Ce sont les petits pas, les pas de côté, les pas de travers, les autres pas.
Tous ceux qui nous semblent parfois loin de Lui alors qu’on n’en sait rien du tout, absolument rien.
Tous ceux que Dieu voit et accompagne, sans rien dire.

“Merci ma p’tite marraine Coco”

Son merci, c’est le beau de mon aujourd’hui.

 

Drôle de printemps d’une petite rose

Pour une fois, je vais vous raconter le beau d’hier.

Parce qu’hier, c’était dimanche et que les dimanches de Carême, avec Annie, on retrouve les tout-petits pour un temps d’éveil à la Foi. De l’accueil jusqu’aux prières universelles, on file un peu en dehors de la messe. C’est toujours drôle de voir la petite ribambelle qui nous suit accompagnée souvent par une maman ou deux, une mamie ou deux, une très grande sœur parfois.

Quand nous sommes arrivés devant la porte de notre salle, Annie ne nous avait pas suivis. Je me suis dit qu’elle avait dû attendre un plus petit encore pour l’aider à marcher.
Annie est arrivée une ou deux minutes plus tard avec trois petites filles et une maman. Inconnues. Enfin presque, on nous les avait présentées juste au début de la messe.
Annie avait pris le temps de leur expliquer et de les inviter à venir.

 

Alors on a commencé.
Comme d’habitude on s’est redit nos prénoms.
Les leurs avaient un nouvel accent.
Comme d’habitude on a chanté.
On a chanté un joyeux anniversaire aussi.
Le sien avec l’écho d’une autre langue.
Et on a raconté un peu avec Annie et nos mots simples comment on attendrait Pâques encore ce troisième dimanche.
– Avec nos mains, cette fois, on va attendre Pâques, en fabriquant quelque chose de beau ( tiens…  😉 ) !
Et on a sorti notre pâte à modeler.

Leurs petites mains ne s’y sont pas trompées: la barque de Jésus pour notre grand Manuel, l’escargot d’Elya, un gentil serpent, une fleur, des cœurs, des étoiles.

Et ce moment-là est arrivé, comme un cadeau.
Vicka, loin de son Ukraine natale, loin de son papa, sans doute de ses cousins, de ses  oncles, peut-être loin de son grand-père, Vicka a chanté hier son anniversaire avec nous et nous a montré comment faire une rose.
Une rose de son drôle de printemps.
Avec un ruban de pâte et des feuilles délicatement posées tout autour.
Petite fille artiste.

Et ce moment-là, mêlant notre tristesse face à cette guerre de folie et notre joie devant les sourires de Vicka, ce moment-là était beau.

Je trouve ça beau

Parfois il y a des instants minuscules que je trouve beaux.

J’ai reçu des nouvelles de ce petit bonhomme gravement malade il y a plus d’un an.
Sa maman m’avait demandé de prier pour lui parce qu’elle ne prie pas et que toi, de toute façon, Dieu peut t’entendre.
Je me souviens que juste après ma p’tite prière, la radio de ma voiture m’avait fait ce clin Dieu.

J’ai reçu des nouvelles de ce petit bonhomme hier soir. Il va bien. Il a été très bien soigné par des grands docteurs géniaux.
Sa maman m’a dit emmène-moi dans ton église pendant les prochaines vacances, cela ne changera rien tu sais pour moi mais il faut quand même que je dise merci.
J’écoute la chanson en boucle depuis ce matin.

Je trouve ça beau les chansons et les prières et la vie quand elles se croisent.

Bon dimanche, merci d’être là vous aussi.  😉
à lundi

Corine