Une petite route, un chemin de vie et une fromagère

Il y a des jours avec un peu plus de soleil.

Une petite route, ma petite route, mon chemin d’habitudes qui part de la maison et rejoint le collège. Neuf kilomètres de campagne vallonnée, de soleil dans la vue, de musiques et de podcasts dans les oreilles. Neuf kilomètres de sourires. Au bout il n’y aura pas d’élèves mais des collègues venus travailler là, et moi qui viens récupérer la plante de ma classe avant un collège fermé pendant les vacances. Et on s’attarde à bavarder, à raconter un peu notre semaine, à se dire à bientôt. Oui, à très bientôt.

Une petite route, ma petite route, mon chemin d’habitudes qui repart du collège vers ma maison. Moins de dix minutes de jolies vagues jaune colza qui côtoient les ondulés de verts et les ombres des bois. Au bout, il y aura ma maison, un chemin de vie peut-être, un chemin de vie oui. J’ai tant parlé sur cette petite route, tant rêvé, tant prié, pleuré parfois. Et je m’attarde à me raconter les jolis instants, ceux à venir surtout.

Une petite route, ma petite route, mon chemin d’habitudes qui avant de rentrer s’arrête chez Augustine, c’est le nom du magasin d’Amandine, le prénom de la grand-mère de cette jeune commerçante installée depuis un peu plus d’un an avec son sourire, son dynamisme et sa passion pour les fromages. Et on s’attarde à bavarder, à me raconter le gouda aux orties, le parmesan aux parfums d’une Italie tant aimée – ah Florence, vous connaissez ? Et la Toscane, oh… Et ce vieux comté de 30 mois qui vient d’une rencontre qu’elle a faite avec un fermier du Jura un jour de randonnée. Il faudra que je raconte tout ça dans mes pépites, c’est sûr.

Une petite route, ma petite route, mon chemin d’habitudes qui ouvre la porte, les bras chargés, le cœur rempli, qui grimpe les escaliers. Il est 17 heures et alors. On peut prier à n’importe quelle heure. Une petite route, ma petite route, mon chemin d’habitudes qui court Lui dire merci, doux petit temps des bras d’une Bible toujours posée là. Vous savez qu’une Bible c’est toujours les bras de Dieu grand ouverts ?

” Avez-vous ici quelque chose à manger ? ”
Et c’est l’heure du soir, déjà, petit chemin de mes habitudes, de mes partages, de ma cuisine. Jésus m’y invite.  

Il y a des jours avec un peu plus de soleil.

 

 

La mort, la vie, Céline et les shortbreads

C’est un peu étrange aujourd’hui. J’ai retrouvé mon cahier de 2020. Ce n’est pas vraiment un journal parce qu’il y a un peu de tout dans mon cahier, il y a un peu de tout dans  mes cahiers, des recettes, des prières, des morceaux de vie, des idées. J’ai retrouvé la journée du 7 avril. Un mardi confiné. Un mardi de cours confiné qui attendait des vacances confinées.

C’est un peu étrange le temps. Ce temps. Ma tante Catherine nous a quittés entre ce  jour d’avril et celui d’aujourd’hui et on apprend aujourd’hui que tonton Jean a ses jours comptés. Depuis un an, la mort avec ce virus imprime chaque jour. On ne s’habitue pas. Mais la mort imprime nos vies de toutes les façons. On ne s’habitue pas à la mort.

Je me demande parfois si mon amour de la vie m’aide à apprivoiser la mort. On n’apprivoise pas la mort. On la tient à distance. Même ma petite prière je crois met un peu de distance entre Son ciel et le mien.

C’est un peu étrange. J’ai allumé ma playlist “Céline Dion” aujourd’hui. Je l’aime bien. Il y a des chansons qui me font du bien je crois. J’aime tant la vie et je parle tout le temps de la mort, enfin souvent. Toute petite, déjà. Toujours. On ne change pas. Céline chante  dans mes oreilles et c’est la vie qui reprend.

Je me demande parfois si mon amour de la vie m’aide à apprivoiser la mort. On n’apprivoise pas la mort. On la tient à distance. Même mon regard au ciel je crois met un peu de distance entre là-haut et ici.

C’est un peu étrange. J’ai sorti la farine, le sucre et le beurre. J’ai envie de cuisiner, j’ai besoin de cuisiner, très souvent. Peut-être que ça rend vivant la cuisine, non ? J’ai pétri la pâte, repensé à Jane et Mila, aux paysages gallois que j’aime tant, j’ai façonné mes shortbreads en suivant leur recette, en rêvant d’Écosse aussi, ce devait être le voyage de l’été 2020, ce sera un jour prochain, forcément. La vie reprendra. C’est étrange. On n’est pas morts et on dit la vie reviendra. 

Je me demande parfois si mon amour de la vie m’aide à apprivoiser la mort. On n’apprivoise pas la mort. On la tient à distance. Même mes petites recettes je crois veulent mettre un peu plus de distance entre la fin et moi.

C’est un peu étrange aujourd’hui. Un jour comme un autre pourtant. Avec la mort et la vie. C’est mieux dans ce sens là non ? Et puis, Céline fredonne encore dans mes oreilles et mes shortbreads sentent bon. Tellement.

De la patience

Je me souviens de celle que j’avais quand mes enfants étaient petits et même après.
Patience à les aimer. Patience à les attendre. Patience à les laisser grandir.
Patience à prendre le temps d’être avec eux.
La patience a besoin de présence.

J’ai toujours eu beaucoup de patience avec mes élèves.
Cela fait partie de moi, sans que je ne fasse rien, sans que je prenne sur moi. Mon caractère, on dit ça je crois.

Quand j’entre dans une classe, je sais qu’avant toute autre chose, avant tout programme, je vais prendre mon temps.
Patience infinie, sans que rien ne me pèse, patience du temps qu’il faut pour apprendre.
Le temps a besoin de patience.

De la présence et du temps, ce nouveau confinement va les rendre difficiles encore une fois. 
Etre présente derrière mon écran, avec mes mots, avec ma voix, avec mes sourires mais sans mon corps.
Prendre le temps avec la technique, sans leurs regards qui cherchent, sans nos yeux qui parlent, sans nos rires souvent.

 

La patience a besoin de nos corps aussi.
Et nos corps me manquent déjà.

 

Et étrangement, je repense ce soir au Christ, à sa résurrection.
Et aux jours d’après qui commencent, recommencent pour nous aussi. 
Longtemps, je me suis demandée pourquoi Dieu avait laissé tout ce temps, à nouveau, encore, au Ressuscité.
Pour revenir au milieu des siens.
Pourquoi Dieu a laissé tout ce temps à ses amis pour être encore avec Lui.

Et ce soir, je me demande s’Il n’a pas simplement donné la patience.
La présence des corps et le temps pour comprendre.

La patience pour  reconnaître, accepter, croire.
La patience pour attendre après, infiniment.

 

La patience a besoin de nos corps. 
Et nos corps me manquent à nouveau.
Et ma petite prière se fait patiente à croire que je vais pouvoir encore attendre, à nouveau. Un peu.

 

 

Et vous ne saurez ni l’heure ni le jour

Samedi 15h00
Nous avons terminé quelques achats pour le dîner avec ma grande fille. Un petit tourbillon de joie, déjà, dans les rues, avec elle et ses sourires. Après un matin et un midi à regarder le temps compté pour tout préparer, nous voilà presque prêts.
15h45
Nous sommes partis sous le grand soleil du jour, Jésus au profond de nos cœurs.
16h00
L’église se remplit, avec plein de douceur. Les amis sont là. Les enfants. Les fragiles aussi. Ceux pour qui il faut du temps.

 

19h15
Nanou a appelé pour me souhaiter un joyeux jour de résurrection. J’ai écouté ses mots qui eux aussi ont emmené le petit groupe d’adultes handicapés dont elle s’occupe, à l’église de sa paroisse, à 16h30.”C’est la première fois qu’ils pouvaient veiller, le soir ce n’est jamais possible.”
Huit grands garçons et filles qui demandent des heures avant d’être prêts et qui, passées 20 heures, sont déjà très fatigués.

Dimanche 15h00
Un petit tour sur les réseaux qui s’enthousiasment de la veillée de 6h30. J’aurais bien aimé la vivre.
Un vieil ami  prêtre m’envoie un “Joyeuses fêtes de Pâques”. Et me raconte un peu son matin.
C’est beau.
Je luis dis que finalement je suis un peu triste d’avoir manqué ça.

“Manqué quoi ? ”
Il éclate de rire.
“J’espère bien que tes réseaux se sont davantage réjouis de Sa Résurrection que de l’heure d’une veillée ! “

Et soudain, ça va mieux.

Oui 6h30, c’était bien. Et mon 16h30 aussi. Et ceux du dimanche 9 heures, 10 heures, 11 heures, tout autant.
Peu importe l’heure.
Il est ressuscité. Alleluia !

 

J’ai eu un instant comme l’impression que cette année l’heure avait compté bien davantage que Son Temps.
Mais non. Bien sûr que non.

Et de ces histoires d’heures, je garde Ses mots retrouvés – comme un clin Dieu – sur une vieille lettre.

“Tu peux L’attendre chaque jour, c’est-à-dire qu’Il soit dans ton cœur chaque jour, chaque instant, car pour ce qui est de l’heure ou du jour, nul ne sait. Mais Il est là, déjà là. Ne l’oublie jamais.

🙂

Le temps de sa croix

Je crois toujours que le Carême sera long et puis j’arrive au seuil de la Semaine Sainte l’instant d’après.

Je crois toujours qu’ici je n’y arriverai pas, 40 jours, quelle idée. Ecrire un petit texte chaque jour.
En vérité, j’y suis arrivée, souvent.
Pas cette année.

 

Du jour 25 à aujourd’hui, j’ai laissé filer le temps.

Le temps qui se resserre. Le temps qui s’approche. Le temps qui s’essouffle aussi.
Et je ne l’ai pas pris ce temps de venir chaque jour.
Mais pas de regrets non. Il reviendra peut-être.

 

Le temps est ailleurs depuis plus d’un an. Le temps est autrement. Le temps est différent aussi.
Et il y a eu tellement d’heures devant l’écran de l’ordinateur – il y en a encore pour suivre mes élèves – que j’ai moins hâte il est vrai de venir ici.
Mais pas de regrets non. Il reviendra sûrement.

 

Le temps me dit “plus que quelques jours encore plus proches de Lui.”
Semaine Sainte, les mots écrivent tant de souvenirs. Tant d’images. Tant de parfums. Des rameaux, des cierges qui s’allument, de l’encens, des lumières et  des pénombres dans les églises de ma vie, des feux de joie, des Allé…non, je garde encore le mot. Trop précieux.

Le temps a l’allure d’une croix parfois.
Ces derniers temps à le confiner entre des heures autorisées. Celui de celles et de ceux qui comptent des jours avant que le temps change enfin ou ne comptent plus parce qu’il n’y a plus le temps.

Le temps a l’allure de ta croix Seigneur.
Et je vais la garder au creux de mon cou, au plein de mon cœur.

 

Merci de votre patience chers amis.

Je reviendrai pour des petits bouts de vie, à Sa Lumière. Promis.
Belle, belle Semaine Sainte.

Corine

 

De la tête aux pieds – 25

Jour 25

Mercredi non stop, ça arrive parfois. Cours toute la matinée, déjeuner sur le pouce, direction centre pastoral pour un après midi d’animation et de rencontre avec les futurs communiants. Masques, gel hydroalcoolique, désinfectant mais tant pis, enfin!! nous pouvons nous retrouver. Il fait soleil alors avec Isabelle et Claudine, nous avons installé notre grand jeu sur la Bible dans la cour. Et c’est parti. Trois heures à découvrir la Bible, des questions, des mimes, des chants. Leur bonne humeur, leur spontanéité, leur 9 ans pleins de vie, d’espoir, d’avenir.

Et ce petit moment pour ma petite croix du jour. Mes petites croix même.
Grand jeu un peu chasse au trésor. On parle Bible, ancien testament, Hébreux. J’explique. On parle évangile. On cherche les évangélistes, leur prénoms. On parle nouveau testament. Je raconte. On cherche, ils trouvent.
Et puis, cette petite soudain:

-Ah oui c’est ça l’évangile à la messe ! On fait des petites croix sur le front, sur la bouche, sur le ventre… euh non… le cœur.
-Bravo  ! 

Mon enthousiasme fut à la hauteur de sa réponse à ma question qui lui demandait pourquoi.

-Parce que Jésus on l’aime de la tête aux pieds !

 

Jour 25.  Carême. Parce que Jésus je T’aime de la tête aux pieds.  😉

à demain, Corine

 

 

 

 

Prière en croix -24

Jour 24

 

Il y a des matins où la prière semble loin, lointaine, aride.
Et il suffit d’un signe de croix pour avoir l’impression de sentir Sa main guider la mienne.

 

Soutenir mon front
Aider mon regard
Aimer

                                                                      Toucher mon cœur              Le laisser aller

 

 

Me nourrir de Lui
 Me tourner vers eux
Oser

 

 

à demain 🙂

Corine

Sa croix – 23

Jour 23

 

On était ressortis après le dîner. On nous avait dit d’être prudents quand même. On l’avait été même si Jérusalem, là où nous étions, ne craignait rien.
La petite boutique était encore ouverte. Il y avait vu de jolies petites croix. Il en a acheté une. Simplement. Et elle ne l’a jamais quitté depuis.

C’est étrange. Nous nous sommes rencontrés il y a bientôt 30 ans. Je portais ma médaille de baptême. Depuis toujours. Quelques années plus tard, il m’a offert une toute petite croix en or. Simplement. Elle ne m’a jamais quittée depuis.

Il m’avait dit alors: – oh tu sais moi, les croix, non, ce n’est pas pour moi.

Octobre 2017. On était ressortis après le dîner. Prudents, nous étions rentrés assez vite. J’aurais aimé rester encore dans les parfums de Jérusalem. La petite croix en bois au creux de sa main, le temps qu’elle soit bénie. Elle ne l’a jamais quitté depuis.

 

Jour 23. Il y a toujours un moment de chaque Carême qui me redit combien il est là, celui qui marche à mes côtés, tout près, avec Dieu. Et me parle de nos petites croix, ensemble.

Croix de mains -22

Jour 22

Oups. Deux jours sans petite croix mais rempli de Dieu… et me revoilà 😉

 

“Curieux retournement de Carême.
J’avais décidé de vous parler de nos mains et celles-ci ne peuvent plus se rencontrer, se toucher, se raconter.
Elles ne peuvent plus parler.
Mais ils restent nos mots. Dits, écrits, reçus, envoyés, partagés, entendus, lus.”

J’ai retrouvé ces mots-là d’il y a un an tout juste. Pas spécialement envie de fêter un anniversaire de confinement-déconfinement-reconfinement mais plutôt l’envie de raconter ces mots-là, partagés ce vendredi 13 mars 2020.

Vendredi 13 mars 2020. L’emploi du temps se chamboule en fin de journée pour dire au revoir à nos élèves, les aider à prendre tout leur matériel, vérifier les codes pour se connecter à distance, rassurer du mieux que nous pouvons les inquiétudes, répondre aux questions dont on n’a pas de réponses. Dans une heure, on se quitte et on ne sait pas trop pour combien de temps. Confinés.

Vendredi 13 mars 2020. Mon groupe de caté de 5ème n’a pas caté ce jour-là. On se retrouve quand même 15 minutes avant la récréation. Des questions, beaucoup d’inquiétude. 

 – On peut prier non ?

– On se fait une croix de mains ? 

C’est drôle d’y repenser aujourd’hui. On pouvait se toucher.

 

Alors quatre par quatre, on s’est fait des croix de mains. En forme de prières. Notre Père. Nos yeux fermés et nos mains qui se tiennent du bout des doigts. Et on s’est dit à bientôt sans idée sur le temps que durerait ce bientôt.

 

Jour 22. Je me souviens avoir pensé souvent, pendant le premier confinement, à leurs croix de mains.
Ils m’ont aidée à prier. Les enfants, les jeunes, mes élèves  m’aident toujours à prier.

 

Bon 4ème dimanche de Carême dans la Joie !

à lundi…enfin j’espère !  😉

Corine

 

 

Crois-tu ? – 19

Jour 19

 

– Vous savez, moi, je ne crois pas…

Ce n’est pas toujours difficile. Ce n’est pas souvent impossible. Ce n’est pas simple mais rencontrer quelqu’un qui ne croit pas – pas quelqu’un qui affiche comme un étendard le mot athée, pas quelqu’un qui me mettrait vite dans la case naïve ou grenouille de bénitier sans me connaître, pas quelqu’un qui me regarderait de haut ou ne me regarderait même pas. Non. Quelqu’un qui même s’il ne croit pas en Dieu veut bien accepter que je puisse croire en Dieu. Alors, ce n’est pas toujours difficile de parler de Dieu avec lui. Ce n’est pas vraiment impossible non plus.
Et il y a ce moment où il répète doucement:

-Vous savez, moi, je ne crois pas…

Il y a même eu aujourd’hui comme une excuse dans sa voix, une excuse de ne pas croire ou de ne pas pouvoir croire.
Alors, j’ai souri :
– Ce n’est pas grave. Cela ne change rien.
Un ce n’est pas grave qui dit aussi que je m’en fiche qu’il ne croit pas, que ça ne changera vraiment rien à ce joli projet.
– C’est vrai ! …

Et, ce soir, en y repensant, je me dis que si Dieu est là comme je le crois, Il n’en voudra à personne de ne pas croire en Lui.
Et moi qui ose dire je crois, à Qui je crois, à Toi …crois-tu ?

 

 

Jour 19 –  Bonne soirée, à demain, Corine