Endormis

“Il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis.”

 

Endormis. C’est mon premier mot d’évangile pour ce nouvel Avent.

 

Il aurait suffi d’écrire “éveillés” ou mieux,“veiller”, pour que les mots viennent plus facilement. Ou pour être dans le bon ton peut-être.
Il y a toujours des mots-clés, ceux qu’il ne faut pas louper. “Veiller”, depuis longtemps et pour toujours, est de ceux-là,  j’ai bien compris.
Éveillée… Je crois bien le connaître dans ma vie ce mot pourtant.

Je restais éveillée toute petite dans mon lit pour surprendre le père Noël, certaine que cette fois je le verrai.
Je suis restée éveillée de longues heures pour écrire d’aussi longues copies de collégienne, de lycéenne, d’étudiante.
Je suis restée éveillée pour mes bébés lorsque leurs front brûlants empêchaient tout sommeil.
Je reste éveillée sur leurs copies, tasse de café et musique collée aux oreilles, pour les corriger à temps.
Je reste éveillée, si souvent, soucieuse des gens autour, de la vie, du monde.

Et chaque matin, réveillée au tôt de la journée, ce sont les pages de Ta Bible qui ouvrent mes heures.
Et je tourne Tes pages en Te demandant seras-Tu là vraiment et me servant un café j’entends un oui, reste-là près de Moi et je souris, confiante.

 

Il aurait suffi d’écrire “éveillés” comme Tu semblais m’y inviter ce matin. Cela paraissait si facile.
Pourtant.
Pourtant, c’est “endormi” mon mot d’évangile Seigneur. Pas pour prendre le contre-pied, oh non, je ne suis même pas cette audacieuse. Mais écoute un peu…

Je me suis toujours endormie avant de les entendre discrètement glisser mes cadeaux dans mes souliers. Je ne l’ai jamais vu ce drôle de Père Noël et c’est tant mieux. Ils ont gardé ce petit rêve précieux de l’enfant qui croit encore aux rêves.
Je me suis endormie sur mes cahiers, mes livres, mes études et  j’y ai même rencontré, longtemps, un Saint Joseph bien plus endormi que moi !
Je me suis endormie de fatigue, épuisée, laissant le papa prendre le relais et lui faisant confiance- enfin ! – pour calmer les pleurs de nos enfants.
Je m’endors souvent heureuse avec ce qui pour mes élèves est bien plus important qu’une copie à rendre le lendemain.
J’aime quand la paix, Ta paix, parfois, vient endormir mes inquiétudes.

Et au soir, presqu’endormie, ce sont les pages de Ta Bible qui ouvrent mes nuits, n’attendant plus rien, confiante.

 

Endormie. Finalement, il semble que le mot me concerne davantage.
Je le suis bien plus souvent qu’éveillée je crois. Et c’est les yeux clos que je sais lâcher prise et reposer en Toi, me reposer sur Toi.


Je ne sais pas si, tout au fond, je sais bien L’ attendre Ton retour.
Eveillée ? Comment l’être en vérité ?
C’est bien là que Toi, Tu m’attends, au tournant. 

 



Seigneur, cet Avent est bien là pour qu’une fois encore nos yeux ne se ferment pas trop vite. Et qu’ils voient le monde.
Qu’ils Te voient dans ce monde pour apprendre encore et toujours à aimer, à l’aimer ce monde aussi même si, lui, ne semble plus vraiment T’attendre.

Premier jour d’Avent. Endormis.
Allez Seigneur, laisse à ce premier mot l’audace de nous réveiller doucement. 😉

Mon Avent d’évangile

    Et bon Avent Corine, écris tes doux mots…à la lumière de l’évangile !

Ma vieille amie bénédictine ne croyait pas si bien écrire en terminant sa lettre en cette moitié de novembre.

 

Que pourrais-je venir écrire encore ici que je n’aie déjà écrit pendant tous mes Avents de blogs ? Quelle nouvelle idée pour décliner ces jours vers Noël et y dire encore quelque chose qui vaille la peine d’être lu ?
Dix ans de petits mots partagés, dix ans déjà, avec toujours le même plaisir de vous savoir là, fidèles, et l’envie de continuer encore un peu. Mais comment ?

 

Des mots d’évangile.
Non pas une idée mais une évidence. Ces confinements successifs, privés souvent de rassemblements d’église et de réunions de paroisse, m’ont donné le temps – ou l’envie, ou le besoin peut-être ? –  d’ouvrir encore davantage les pages de Son Livre. Goûter Sa Parole, la ruminer, la laisser prendre de la place. 

Des mots d’évangile.
Voilà un Avent plein d’évidences et en même temps de nouveautés car ce n’est pas mon “métier” de creuser l’évangile et le risque d’y dire ce qui n’y est pas ou ce qu’on voudrait y voir n’est jamais très loin. Il y a toujours cette méfiance à mon propre égard chaque fois que j’ose commenter, même brièvement, Sa Parole. Et souvent, je préfère, simplement, la lire et la laisser faire.

Des mots d’évangile.
Alors, oui, j’ose, à l’instar de cette vieille amie qui souvent m’encourage à commenter mes propres remarques et à les oser. Alors oui, des mots d’évangile, mais avec ce que je sais faire: les faire résonner dans mon quotidien, dans la simplicité d’une petite vie de prof, d’épouse, de maman, de femme. Rien d’autre, car, finalement, je ne sais rien d’autre.

Des mots d’évangile. Un par jour, au petit matin, pour le garder au long des heures. Un seul, attrapé dans la lecture du jour. Simplement. Ce mot qui saura m’arrêter, qui osera me faire réagir, qui pourra aussi me pousser à quelques pas sur son chemin vers la pauvre mais si lumineuse étable de Bethléem.

 

Bonne semaine et à dimanche, amis lectrices et lecteurs  🙂

Corine

Couleurs (5)

Une histoire de vermillon

 

Il est des tout petits moments en classe de français qui ressemblent à des pépites. 

Au détour d’un texte, mes 6è ont rencontré l’adjectif vermillon et comme il s’agissait de qualifier un vêtement, je leur ai demandé sa couleur. Le vert a fusé. Vert millon dans leur tête sûrement. Des mains levées, toutes du même avis. Au milieu de leur acquiescement – que j’ai cru un instant unanime – pour un vert sans doute un peu clair, une main timide s’est levée, hésitante. Une main qui ne se lève jamais.
– Je crois que c’est rouge plutôt. Je crois qu’on dit rouge vermillon.

La classe s’est tue, scrutant mon regard puisqu’il n’y a plus que le coin de mes yeux qui se plisse légèrement pour sourire.
Alors, félicitant ma jeune élève, j’ai raconté le vermillon, l’origine latine du pigment, son rouge éclatant aux frontières d’un orangé en sortant de ma trousse ma panoplie de crayons de couleur.

Un adjectif de plus dans leur sac de mots qui peu à peu grossit de leurs échanges. Et le rappel que chaque parole compte et que, parfois, 29 réponses identiques ne savent pas ce que la 30ème ose dire.

 

J’ai repensé à ce tout petit moment de classe ce matin. Cette presque unanimité qui parlait fort et sa petite voix qui disait la vérité. Et je crois bien que cela m’a rassurée un peu en traversant rapidement les réseaux de me rappeler que les vérités tout comme les jolis mots, les petits instants de paix, les presque riens qui donnent du sens à nos existences, ce ne sont pas souvent les paroles les plus bruyantes. 

Il est des tout petits moments de classe qui me font – les font je l’espère aussi – sourire. Un peu plus.

 

 

Couleurs ( 4)

La couleur d’un dimanche

Je ne sais pas trop quelle couleur colle à la peau de mon dimanche, je sais seulement qu’il était joli. Comme cette chanson que j’aime toujours fredonner, toujours autant. 
Je l’ai mise dans mes oreilles, en boucle, et je suis partie, à pied. Seule. La petite famille occupée au jardin et ailleurs m’a souhaité une “bonne petite sortie d’une heure”. Il est drôle ce temps limité.
Une heure, une heure seulement, ça oblige à choisir son chemin.

J’ai pris celui vers l’église. Il descend doucement.
Il y a le soleil, le ciel vraiment bleu, on dirait un début de printemps. Un début de printemps en novembre. Il est drôle ce temps bouleversé.

J’ai poussé la porte laissée entrouverte. J’ai éteint la musique dans mes oreilles. J’ai respiré un peu au-dedans les parfums des bancs de bois. Personne.
Je ne suis pas certaine d’être déjà entrée dans mon église sans personne et d’y être restée seule. Il est drôle ce temps confiné.

Je me suis assise. Devant. J’ai souri en Lui disant que je ne venais pas prier mais que j’avais juste envie d’être là, avec Lui. Chez Lui.
J’ai jeté un regard à droite, vers notre coin pour les enfants. Livres et coloriages bien rangés.
La lumière était belle. Je l’ai attrapée sur mon portable. Comme pour Le garder, Lui.

Je me suis levée. Et avant de repartir, j’ai fait le tour de l’autel. Petite lumière rouge. Je suis restée là, sans bouger, à Le regarder. Je lui ai souri, encore. Il est drôle ce temps d’Église. 

15 heures a sonné. Je suis repartie. Comme j’étais venue, sans rien dire. Comme on passe voir un ami, parfois, juste pour lui dire tu sais, je suis toujours là, moi aussi.

Il y a toujours le ciel vraiment bleu et le soleil, dans les yeux cette fois. 

Je descends encore. La boulangerie est ouverte. Je vais leur rapporter des pains au chocolat. On reste un peu à bavarder oh…de rien, juste du soleil comme un printemps. Il est drôle ce temps de novembre décidément.

Il faut remonter maintenant. Je remets la musique dans mes oreilles. Je souris au doux de ce dimanche qui ne ressemble à rien.
Je ne sais pas trop quelle couleur lui colle à la peau d’ailleurs.
Je sais seulement qu’il était joli.

 

Couleurs (3)

Aux couleurs de nos p’tits riens et de leurs prières

Le lundi est toujours rempli. Ce lundi de reprise l’était encore davantage. Rempli de la joie de retrouver nos élèves, de nos premiers échanges suite aux attentats, de nos idées encore pour vivre le quotidien le mieux possible. Et puis, entre collègues, de notre soutien, notre écoute, notre bienveillance. On est bien loin de Paris et des grandes villes. Et même si on comprend l’ailleurs, on ne peut pas vraiment au fond. Parce qu’ici l’envie d’être là, ensemble, malgré tout, est toujours la plus forte.
Et parce qu’elle est possible.

Au soir, rentrée fatiguée, inquiète de l’avenir mais heureuse.
Et trouver sur mon bureau un mot doux. Un faire-part de naissance tout blanc, tout beau, et un tout petit garçon me redit que la vie est belle malgré tout. Parce qu’elle est vie.

 

Et la semaine a continué. On aurait pu l’imaginer en demi-teinte, entre mille précautions et autant de soucis du monde.
Mais non. Il y a bien autre chose dans les petits riens du quotidien.
Mardi a pris la couleur de leurs idées, peut-être parce que dans la rue, juste en face, vraiment juste en face du collège, il y a l’Ephad. En temps normal, c’est l’occasion de quelques blagues sur notre devenir de vieux profs dans la salle du même nom. ” Et si ça continue, on aura plus qu’à traverser la rue.” On ne rit plus trop de ça aujourd’hui. Mais au matin, en ouvrant les fenêtres de ma classe, je ne peux m’empêcher de regarder les lumières en face et leur dire “on pense à eux.” Certains savent que, là, leur arrière grand-mère aimerait bien les voir. Il suffirait de traverser cette rue. On ne peut plus.
–  Mais …on pourrait leur écrire des lettres pour Noël madame ?
– Avec des décos !
Et il suffit de croiser Marie-France en arrivant le mercredi matin qui me dit que c’est possible. L’infirmière jouera la factrice pour nos lettres colorées.

 

Et la semaine se termine. Elle aurait dû s’étirer en longues soirées de rencontres avec les parents, elle a finalement filé un peu autrement. Et au dernier jour,  j’ai retrouvé mon groupe de caté 5è. Ils voulaient parler de Dieu et du mal, de Dieu et de la guerre, de Dieu dans tout ça et finalement, au soir de ce vendredi, ils n’avaient plus très envie. 
– On en parle beaucoup de ce qui va mal madame, moi j’aimerais mieux prier. 
J’ai cru que sa parole tomberait à l’eau au milieu des vingt jeunes réunis avec moi. C’était oublier trop vite que lorsque nous sommes réunis…Il est là, Lui aussi.

– M’dame, on fait comment si on veut prier ?
L’un a dit son coin prière mais qui ne lui “sert” plus, “c’était quand j’étais au primaire”. Lui, l’église de ses dimanches à servir l’autel. Mais pour tous les autres, pas de prières non.
– D’abord, on ne sait pas comment faire.

Alors.
Alors, il y a toujours cette musique sur ma clé USB. Des couleurs dans mon sac de caté. En crayons, en papiers. Des icônes imprimées.

J’ai sorti mon bazar. Souri secrètement en repensant à Mary Poppins et son grand sac.
– Moi, mes p’tites prières, je les écris à Dieu. En couleurs. Si vous voulez je vous montre un peu…
Ils ont eu l’air de sourire. Leurs mots ont dit un chouette que j’ai reconnu.
On a baissé un peu les volets. Laissé la musique se dérouler. Et dans un silence improbable dans une classe de 5è, un vendredi en dernière heure, il ont posé les mots de leurs prières sur le papier.
Ils ont prié, je crois.
Et moi avec eux.

 

Couleurs (2)

Parfois la couleur de mes jours est musicale.
Elle sonne dans mes oreilles depuis le réveil.
Première chanson sur ma playlist au matin, clin Dieu sûrement.  😉
Demain peut-être oui, mais c’est dès aujourd’hui que Dieu met dans nos vies l’adjectif “heureux”,
adjectif aux contours bien naïfs que Lui seul sait rendre immensément profond.
Bonne fête de la Toussaint à vous qui passez par ici !

Toussaint I, 1911, Vassily Kandinsky

 

Couleurs (1)

Dans les gris de novembre et du monde, il est difficile d’apercevoir les couleurs. Aucune nuance ou si peu. C’est souvent ainsi mais nul doute que cette année, la noirceur semble estomper la lumière.
Alors, peut-être pourrais-je essayer d’en poser ici des couleurs, celles que j’attrape d’un regard, celles que je touche du doigt, celles qui embaument un peu l’espace de mes jours. Au fil de novembre et avant un Avent de possible douceur.  😉

 

Un rond de soleil

J’ai travaillé toute la journée.
Me replonger dans la poésie pour mes 3è, dans des contes merveilleux pour mes 6è, dans des montages audio pour mes latinistes. Oh… qu’elles m’ont fait du bien ces heures à lire, chercher et écouter à nouveau leurs voix ! Oui, qu’elles m’ont fait du bien. Je ne voulais plus rien entendre du monde. Rien. Surtout pas tous ces profs qui ne cessent de tempêter contre un pouvoir qu’ils critiquent mais dont ils attendent Tout pendant que mon petit collège silencieux – et beaucoup d’autres comme lui je le sais –  travaille d’arrache-pied ce vendredi de vacances pour prendre à bras-le-corps le retour des élèves et leur préparer un temps de parole et d’écoute. Et c’est prêt. Et cela se fera, comme d’habitude, à la seule force de notre bienveillance, de notre imagination  et de notre temps donné. 
J’ai travaillé toute la journée.
Par la fenêtre de mon bureau, le noir du ciel annonçait la pluie. Je l’ai aperçu lui aussi, cherchant à occuper son temps ailleurs que derrière son écran, ramassant les feuilles mortes, allégeant la terre de son potager, sciant les rondins pour le feu qui bientôt nous réchaufferait. Oh… qu’il m’a fait du bien son sourire, son clin d’œil par la fenêtre ! Oui qu’il me fait du bien. Je ne voulais plus entendre les cris du monde. Plus aucun. Surtout pas tous ces gens qui savent mieux que personne ce qu’il faut dire ou ce qu’il faut penser quand je ne sais pas ce qu’il faut répondre au mal, quand  je ne sais que les larmes et si peu la colère, quand je crois seulement au verbe aimer.
J’ai travaillé toute la journée. J’ai rempli l’espace de mon temps pour oublier.
Mais rien ne s’est vraiment apaisé.
Puis l’heure s’est approchée. Celle qui mène doucement mes pas vers la cuisine. Celle où je travaille autrement de ma tête et de mes mains.
J’ai fait bouillir l’eau, jeté le riz en pluie, mélangé le lait à la crème et aux raisins blonds, laissé frémir le dessert à petits bouillons. 
J’ai attrapé le potiron, caressé un peu ses joues dodues et orangées, coupé sa chair en morceaux. J’ai préparé une soupe à la douceur du velouté en ajoutant quelques herbes, un peu de crème encore. Les odeurs se sont entremêlées, parfums prometteurs d’une belle fin de journée. Un rayon de soleil par la fenêtre a percé les nuages. J’ai sorti les assiettes et dressé joliment ma table. Comme si je m’invitais à être heureuse. Un peu.

Et curieusement, le verbe aimer a enfin pris du sens, autour d’un petit rond de soleil.
Premier jour orangé.

 

 

 

 

 

Comme une pâte de fruits

Je préférais les pâtes de fruits.
Et pourtant, le chocolat était plus qu’un péché mignon.
Mais à Noël, je préférais la petite boîte de pâtes de fruits au sachet de crottes en chocolat. Sans doute, y avait-il alors l’attrait pour les couleurs, puis les grains de sucre qui fondaient d’abord en bouche avant de découvrir la saveur du fruit que le rose, le vert pâle ou l’orangé ne révélaient pas toujours. Il faut dire aussi que ces pâtes de fruits-là avaient le bon goût d’une fabrication artisanale et que la praline des chocolats n’avaient pas le croquant du carré noir que j’aimais tant.

Je préférais les pâtes de fruits.

Ma petite boîte, je la gardais assez longtemps contrairement aux tablettes de chocolat souvent dévorées trop rapidement. C’est comme si chaque petit carré coloré était promesse d’un instant de douceur dans le gris de l’hiver. Souvent, la pâte de fruits accompagnait le début d’une lecture, lovée dans le sofa, près du feu, et annonçait ainsi un moment hors du temps.

Il est arrivé hier soir avec une jolie boîte. Je crois que cela faisait une éternité qu’on ne m’avait offert des pâtes de fruits. Moi-même, j’en achète encore à l’abbaye tout près d’ici, de temps en temps, mais en cadeau, non, je n’en reçois plus depuis ces Noëls d’autrefois. 
Il est arrivé l’ami, avec son sourire et avec  cette chaleur des retrouvailles devenues plus rares depuis quelques temps.

Ce matin, à l’aube de recevoir à nouveau des nouvelles qu’on annonce difficiles, j’ai regardé la jolie boîte et je me suis demandée comment du joli, j’allais pouvoir en donner dans les semaines à venir. Dans les gris des nouvelles, trouver de la joie, encore.
Peut-être garder les sourires comme autant de petits grains de sucre qui augurent un moment de douceur.
Peut-être offrir mes doux mots comme autant de parfums, de fruits et de saveurs qu’on peut garder au cœur.
Peut-être rappeler les couleurs des milliers de petites choses apparemment insignifiantes pour ne pas laisser la grisaille envahir l’espace.

Savoir être pour les proches, les amis, les collègues, les élèves peut-être, les gens autour, un petit instant de douceur.
Un peu comme une pâte de fruits.  😉

Rien que des petits instants

Un vrai week-end d’automne avec des heures de pluie qui rendent la terre plus parfumée, des coins de ciel encore bleus pour éclairer doucement les jaunes, les orangés, les rouges même des feuillages. Et puis, les jolis instants partagés avec les filles, les petits messages du fils encore confiné, les sourires de Léa qui va mieux, l’envie de se revoir tous et la crainte des jours à venir, quand même.

La balade a mené nos pas dans les feuilles mortes qui au vent semblaient si vivantes à tournoyer sans cesse.
Comme la vie est étrange soudain, celle qui me demandait encore au matin comment bien aimer.

Je traîne les pieds dans les feuilles.
J’ai l’impression que tout s’effiloche.
Mes presque certitudes.
Celles qui mettaient l’amour du prochain en tout premier.
Je tape dans les bogues.
Pourtant si.
Chaque fois, c’est bien cette Parole d’amour qui a raisonné ( ou résonné, comme on veut).
Pourquoi je doute.
Je ne suis même pas sûre de ma question.
Des petits cyclamens sauvages étalent leurs frimousses mauves au-dessus des feuillages qui jonchent le sol, morts.
Pourtant si, c’est bien l’amour qui reste.


Alors, rentrer auprès du feu, cuisiner une quiche vraiment gourmande et savourer le temps. Celui qui s’abrite dans la maisonnée, qui attrape les minutes tristes, qui garde la joie intacte. Pas à la folie, pas cette joie intempérante, indomptable, impatiente. Non. Une joie toute petite, toute modeste, presque invisible.

Celle qui sait dire que de beaux jours reviendront. Certainement.

Et qui fait sourire. Encore.

 

Une p’tite claque

Ils sont partis en stage alors on s’est dit au revoir mardi. Dernier cours, j’ai échangé une petite série de bouquins à leur prêter contre leurs carnets autobiographiques à lire.
Pas sûre d’un échange équivalent.

Parce que moi, au soir, j’ai passé deux heures à les lire sans pouvoir décrocher mon regard de leurs mots.
Un petite claque.

Ils ont répondu à mon questionnaire de Proust un peu revisité.
Ils ont dit leur défaut, leur qualité. Justesse des mots.

Ils ont dit leurs couleurs, leur animal, leurs héros de fiction préférés.  Tendresse.
Ils ont écrit leur état d’esprit, celui du moment. Avec humour, souvent.

 

Ils ont collé des photos. Jolies.
Ils ont dit leurs dégoûts aussi. Pour les insultes, les injustices, les manques de confiance qu’on avait en eux.
Et le don de la nature qu’ils voudraient avoir. Voler au secours, soulager, guérir.
Arrêter les catastrophes.

Et leurs héros de la vie réelle. Des stars parfois. Leurs parents souvent. 
Et sa p’tite soeur, pour Lui qui n’a plus qu’elle.

Et leur rêve de bonheur. Être et rendre heureux. Tous. Bluffant.

Et pas un mot, un seul, sur le virus, les masques, les râleries du monde, les bêtises des grands.
Ils m’ont fait sourire. Ils ont 14 ans.
Merci.

Une jolie p’tite claque.