De nos mains (9)

Pour ce Carême, je viens vous raconter des mains…les miennes, les nôtres, les vôtres, et, à venir cette semaine, de “belles” mains que j’ai rencontrées ou que je croise encore…

 

Les mains de Joël

 

Beaucoup se souviennent de leur index qui suivait la ligne des mots et s’arrêtait presque sous chaque syllabe pour essayer d’en sortir un son et si possible le bon. Personnellement,  j’ai oublié mes débuts de lectrice. En revanche, je revois la pages du manuel de classe primaire avec les syllabes découpées et je crois entendre encore quelques phrases que la maîtresse nous faisait répéter en chœur.

Et je me souviens aussi que j’ai toujours lu avec mes mains.  Non pas seulement pour suivre les lignes, mais plutôt pour tenir les pages, les tourner, laisser filer mes doigts sur un passage que j’aimais vraiment, pointer un mot moins ordinaire, en montrer un autre très étonnant, caresser une couverture, rechercher un personnage, un lieu, un instant.
Depuis toujours et jusqu’à aujourd’hui, mes mains lisent autant que mes yeux.

 

Cela m’a rappelé un souvenir de mains.
Je
me souviens de Joël. J’aime beaucoup me rappeler cette rencontre et ce petit bout d’histoire. Je l’ai racontée ici il y a longtemps. Une amie m’avait demandé si je pouvais donner des cours à Joël pour qu’il apprenne vraiment à lire. Cela n’aurait rien eu d’un peu joli si Joël n’avait pas eu presque 30 ans quand les cours ont commencé, s’il n’avait pas fait un collège seulement à moitié parce que sa vie en avait décidé ainsi avant d’entrer à l’usine puis de reprendre la route de l’école pour pouvoir apprendre le métier de menuisier qui le faisait rêver. Il a fallu beaucoup de confiance et beaucoup de courage pour qu’en plusieurs mois, Joël sache lire normalement et qu’il passe d’un déchiffrage à une lecture fluide et à la découverte de tous les plaisirs que cela suppose quand on peut enfin se plonger sans difficulté dans un roman.

 

C’était il y a 10 ans déjà mais je me souviens comme si c’était hier de la main hésitante de Joël à suivre les lignes puis de son rythme de plus en plus assuré au fil des semaines d’apprentissage. Très vite, il a étanché sa soif de lire en s’inscrivant à la bibliothèque. Très vite il est devenu intarissable sur ces nouvelles lectures.

 

Depuis quelques années, cinq bientôt exactement, Joël est papa. Et quand on se voit, le plus joli, ce sont ses mains qui ouvrent un conte et tiennent le livre devant son enfant pour lui raconter une histoire.

Chaque fois les mains de Joël me redisent le beau d’une vie qui continue de vouloir, bien au delà des apparences, des préjugés, des épreuves.

 

Bon vendredi !
Deuxième vendredi de Carême: que vos mains puissent rester ouvertes, qu’elles aient le courage d’oser.

à demain

 

Une réflexion sur « De nos mains (9) »

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