Leurs prénoms sur leurs blouses

Bien regarder les petits fils argentés qui colorent l’espace de notre monde, de nos vies, de nos cœurs. Parce qu’ils existent, en vrai. 

Jour 7

Catherine. J’ai lu son prénom sur sa blouse quand elle s’est penchée pour caler un oreiller sous mon cou. Vous serez mieux ainsi m’a t’elle dit, encourageant d’un regard, d’un sourire, de quelques mots mon souffle, mon cœur, mes efforts. Je l’ai vue là, constamment. Elle a veillé quelques heures. Elle avait pris la relève de garde au tôt du matin.
Catherine. C’est elle qui a posé mon bébé sur mon ventre.
Je l’ai revue souvent par la suite, au détour d’un rendez-vous, parfois dans un rayon de magasin, un soir de spectacle même. Elle habitait ici elle aussi. À chaque fois que je croisais son regard en un bonjour, le souvenir du prénom écrit sur sa blouse me revenait comme un sourire.

Stéphanie. Je n’ai pas oublié son prénom sur sa veste quand elle lui a donné le sandwich. L’aire d’autoroute ce matin de vacances de printemps n’était pas encore bondée de touristes, il était trop tôt sans doute. Murielle avait décidé de me faire découvrir Firenze – elle ne disait pas Florence, jouant de son bel accent italien-  et elle avait arrêté sa vieille super 5 essoufflée  le temps d’un bon café avant de passer la frontière. Je crois que mes presque 20 ans oubliaient le monde autour parfois, bercés de la douce illusion qu’il n’existait qu’entre littérature et Botticelli.
Stéphanie me l’a rappelé en un geste, un regard, un sourire. Devant moi, une femme à l’accent qui n’était pas italien mais qui venait de loin. Ses mains vides lui ont montré qu’elle n’avait rien, seulement faim. Stéphanie a jeté un regard rapide autour pour voir si aucun autre employé ne la voyait, a attrapé un sandwich, s’est dirigée vers sa caisse pour faire comme si et lui a tendu le repas sans rien attendre en retour.

Annie. Je ne peux pas l’oublier. C’est le premier prénom que j’ai croisé, épinglé sur le revers de sa blouse. – Je suis chargée de l’accueil des nouvelles hospitalières. Enfin, l’idée est de vous donner envie de le rester ! Elle a éclaté de rire et cette première année ne fut que joie.
Yann. Je ne peux pas l’oublier. Son prénom en lettres rouges devant un nom impossible à prononcer sur une blouse jamais bien boutonnée.
Isabelle. Aurélie. Line. Leurs prénoms, dans les gardes de nuit, sur leurs blouses d’infirmières.

 

Une pensée aujourd’hui pour tous les visages que vous croisez sur vos chemins,  lorsque vous levez un peu les yeux au-dessus du prénom écrit sur leur blouse.

 

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