S’habiller de velours

Peut-être qu’on devrait s’habiller de velours, peut-être qu’on devrait poser sur nos peaux un peu plus de douceur.

Je me souviens que septembre, lorsque j’étais petite enfant, rimait avec rentrée scolaire et cahiers neufs bien sûr mais aussi avec pantalon de velours. Sans nul doute, les étés étaient moins chauds et leur fin, surtout, plus précoces. Septembre était définitivement la saison par laquelle on entrait, dès son commencement, en automne. Je me souviens que j’aimais ça. Retrouver l’école, passionnément. Les lignes bleues à remplir de mots, encore davantage. Et la douceur du velours, étonnamment, me rassurait.

Peut-être qu’on devrait s’habiller de velours, peut-être qu’on devrait poser sur nos peaux un peu plus de douceur.

Je crois que cela ne s’est jamais vraiment démodé. Cela me rassurait encore de mettre sur les petites jambes de mes enfants ce velours aux lignes parfois fines, parfois plus larges. Les photos me rappellent leurs couleurs : un rouge bordeaux, des verts sapin ou amande, du bleu d’océan. Ils en ont porté tous les trois de ces pantalons aux lignes douces avant qu’elles ne se râpent aux genoux. Il me semble que j’avais l’impression de leur faire traverser les pluies d’automne et les froids d’hiver avec un peu plus de douceur. Peut-être qu’il m’en coûtait moins de les laisser à la porte de l’école ainsi vêtus avant de rejoindre la mienne.

Peut-être qu’on devrait s’habiller de velours, peut-être qu’on devrait poser sur nos peaux un peu plus de douceur.

Septembre est revenu. Revenu comme avant dans mon Ouest. La pluie s’est invitée, le vent, le froid déjà. L’été nous a quittés très vite cette année. Je ne sais pas s’il est vraiment parti mais ce dimanche, j’ai eu envie d’un peu de velours. Un signe ? Je ne sais pas. Les vacances avaient mis la machine à coudre en pause. Elle m’attendait. Le tissu d’un vieux rose aussi. Petite couture, jolie nouvelle entreprise. Et les heures ont filé, le doux du tissu entre mes mains.

Peut-être que j’avais envie de lui offrir un peu de velours pour les jours de son automne, ceux qui vont fêter sa première année bientôt. Déjà.
Peut-être l’envie aussi de poser un peu de douceur encore sur ta petite vie, Petite-fille.

Au soir, les volets déjà fermés sur le début de la nuit, il reste la lumière de nos intérieurs.
Un peu comme une prière.
Comme cela nous ferait du bien à toutes, à tous, de s’habiller de velours, de revêtir un peu plus de douceur  avant de sortir, avant d’aller au-dehors, avant de  nous rencontrer.

Champ de bataille

On a beaucoup parlé batailles ces derniers temps.
On parle beaucoup de batailles tout le temps.

Il faut se battre pour son avenir, il faut se battre pour une meilleure vie, il faut se battre pour nos libertés.
Il faut se battre pour exister, il faut se battre pour son couple, il faut se battre pour sa famille.
Il faut se battre.
J’ai toujours l’impression, à les entendre autour, que la vie doit s’armer de poings tout le temps.

Je ne suis pas certaine d’être une fille de ces batailles mais je suis sûre d’une seule chose: oser la joie est mon plus âpre et mon plus beau combat.

Un peu plus vrai encore depuis  huit mois et quelques poussières de jours à voir grandir l’enfant de mon enfant. Dans quelques autres mois, l’enfant de mon garçon naîtra à son tour.

C’est comme d’un autre ordre, comme un nouveau chemin de vieillir en laissant la vie peu à peu grandir derrière soi.
Que restera -t-il de moi si ce n’est cette joie de vivre à donner, à transmettre, à aimer ?

Petite fille déjà, quand tes rires aux éclats résonnent, la vie elle aussi a un autre éclat.

Il est des combats qui demandent de sourire et ce combat sur ce champ de bataille là, c’est ma joie.

 

Ses petites mains

Je sais qu’elles peuvent blesser, faire le mal, trahir.
Je sais qu’elles peuvent repousser, gifler, griffer.
Je sais qu’elle peuvent juger, accuser, pointer du doigt.
Mais, depuis toujours, nos mains restent pour moi les possibles du bon et du bien.

Et j’aimerais bien qu’on retrouve nos mains.

 

Celles qui soulagent, soutiennent, réconfortent.
Celles qui se serrent, se tendent vers l’autre, s’accompagnent.
Celles qui pardonnent, celles qui se réconcilient.
Celles qui s’engagent.
Celles qui embrassent.
Celles qui aiment.

Ils semblent dérisoires mes mots, pas vraiment nouveaux, mais tant pis, moi, j’aimerais bien qu’on retrouve nos mains.

 

Je crois que j’ai trop regardé  les menottes de ma petite-fille ces derniers jours. On dirait qu’elle me raconte le chemin à suivre lorsque sa paume découvre pour la première fois le toucher de l’herbe.
Fraîcheur, douceur, picotements.
Elle regarde les curieux fils qui s’élèvent devant elle, elle avance la main, confiante, referme le pouce et l’index, prend délicatement un premier brin puis doucement laisse filer le doux entre ses doigts.

 

Comme elle, j’aimerais bien qu’on retrouve nos mains.
Fermées, ouvertes, priantes.
Aimantes au point d’attraper la joie, au point de garder la vie.

 

Regarder

Quitter le temps qui presse pour celui qui se laisse regarder.

Les vacances m’ouvrent leurs bras et je n’ai jamais senti autant d’urgence à attraper – presque goulûment – ce temps qui s’offre.
Il me faudra encore répéter que c’est ma chance et que j’aimerais bien que chacun puisse l’avoir : non pas seulement avoir du temps mais bien plus avoir le temps de s’arrêter pour regarder.
Il me faudra répéter que c’est ma chance et que d’autres ne l’ont pas comme pour m’excuser encore d’un privilège, celui d’avoir du temps parce que je sais que pour en prendre, il faut véritablement en disposer.

Alors ça y est, le temps, mon temps, va enfin se poser.
Au matin, il gardera un peu plus longtemps la tasse de café dans la main, traînera son regard sur le jardin qui se lève, taquinera le chat qui, lui, dormira encore.
Mon temps va enfin se reposer. Aux heures qui s’allongent à lire ces livres qui n’attendent que ça, à cuisiner les bons petits plats, à coudre la jolie robe pour l’automne de petite-fille peut-être, à écrire des mots qui le racontent ce temps qui passe, sans nul doute.
Mon temps va enfin faire une pause. S’accorder des balades improvisées qui frappent aux portes voisines, retrouver l’océan et les coins familiers, embrasser l’amitié, la famille et rester bien plus qu’il n’est permis à rire, refaire un peu le monde qui n’en peut plus d’être défait autour des promesses de nos tablées.
Il sait si bien faire le temps avec la vie quand elle sourit.

Au soir, il saura encore dire qu’il est là, qu’il y a encore le temps d’y penser, qu’il y a encore le temps d’espérer, qu’il y a encore le temps simplement.
Au soir, il redira ses peines et ses joies en croisant ses mains sur une petite prière au temps de son humanité, il murmurera des mercis aux heures, aux minutes, aux secondes qui le tiennent en vie.
Et le temps regardera encore par-dessus son épaule son oeuvre doucement accomplie.

Bel été les amis.

Tant mieux

J’oublie souvent que Jean-Baptiste s’est fait trancher la tête.
J’oublie souvent que la bêtise, l’ignorance et la haine sont de ce monde depuis la nuit des temps.
Certains diront tant mieux si tu oublies un peu, d’autres crieront que je suis bien trop naïve et que c’est dommage. Je crois que les deux camps ont raison.

Mais tant mieux si le soleil de ce dimanche m’a fait secouer la nappe du jardin, ouvrir ma table aux bavardages des voisins, ramasser les premières fraises et courgettes du potager, allumer ( enfin non, ça c’est pas moi) le barbecue pour quelques grillades. Tant mieux la joie de vivre.
Mais tant mieux si les sourires des élèves et leurs petits mots gentils remplis de fautes m’ont fait oublier une année parfois difficile. Tant mieux la gentillesse au fond.
Mais tant mieux si l’été qui vient et les promesses de repos me font laisser de côté le sérieux de quelques projets à travailler. Tant mieux le bon temps qui passe.
Mais tant mieux l’amie qui m’appelle pour un petit ciné et qui me fait oublier la réalité l’espace d’une heure et demie. Tant mieux les rêves, oui tant mieux.
Mais tant mieux si je regarde en boucle la dernière vidéo de ma petite-fille qui grandit sans me faire trop penser à l’avenir. Tant mieux le doux présent.

Tant mieux la joie, la gentillesse, le doux du temps, mes rêves et l’amour.
Tant mieux la fragilité, nos petitesses, le presque rien, l’invisible et la vie comme elle est.

J’oublie souvent que la bêtise, l’ignorance et la haine sont de notre humanité.
Mais, au fond, je n’oublie jamais les femmes et les hommes de bonne volonté qui se sont toujours levés pour un peu plus de justice et de paix.
Tant mieux si je n’oublie jamais qu’aimer existe.

Petits mots

 

Son petit garçon a cinq ans je crois, peut-être presque six, je ne sais plus exactement. De retour au collège mardi, nous déjeunions ensemble et elle a raconté ce petit mot que j’ai trouvé amusant et tendre à la fois.
Elle l’emmenait pour la première fois à une messe de Pâques dimanche en lui expliquant qu’ils allaient dans la maison de Jésus. Le petit bonhomme s’est simplement interrogé en entrant dans l’église :
– Maman, elle est où sa salle de bain à Jésus ?

Amusants oui, comme le sont souvent les petits mots d’enfants lorsque ces derniers collent à leur monde les paroles des grands juste comme elle sont.

Au-delà du sourire, je me dis souvent que le petit enfant a cette faculté qui semble tellement simple de parler de Dieu comme de quelqu’un de proche, de presque semblable et à chaque fois, ça me fait du bien. Si j’aime les ouvrages, même ardus, qui creusent Sa Parole, j’aime tout autant les mots qui Le racontent dans son extrême évidence.

 

Ma petite-fille a cinq mois aujourd’hui et j’avoue avoir presque hâte de vous raconter des petits mots d’elle lorsque je lui lirai des histoires d’évangiles ou même lorsqu’elle voudra bien me suivre un peu… au détour d’une église.

 

Eblouie

Je suis toujours éblouie, oui éblouie c’est bien le verbe, je suis toujours éblouie par ce matin où les femmes rencontrent Jésus ressuscité.

Il y a dans cet impossible à penser le même éblouissement de mon enfance à chaque fois que je découvrais ce que je ne connaissais pas quelques minutes plus tôt.

Je suis toujours éblouie par ces femmes au pied de Jésus et aussitôt abasourdie par la volonté de quelques-uns à cacher la nouvelle, la bonne nouvelle, la joie incommensurable de cette Bonne Nouvelle.

 

Et au matin, je me dis que rien ne change vraiment dans notre humanité, dans cet acharnement souvent à ne pas laisser le beau et le bon agir, ou être simplement.

Puissent ces femmes nous montrer à nouveau le chemin. Pas seulement celui qui voit et croit mais surtout celui qui se réjouit, celui qui aime.

Drôle de Carême

 

Il faudrait commencer par un pardon.
Pardon de n’avoir pas été là comme promis au long de ce Carême.
Arrêtée comme en plein élan par une santé qui défaille, on dirait que Dieu sait me redire l’imprévu de ce chemin qu’est la vie, celle qui doit parfois s’écouter et se taire. Et de ce Carême. Drôle de Carême.

Drôle de Carême. Je crois que je l’ai aimé encore davantage en cette deuxième moitié, celle qui a emprunté les sentiers détournés, les doutes et les silences. C’est là que la fragilité de Dieu-fait-homme approche les miennes, c’est là que je crois, c’est là que j’espère.

Drôle de Carême. Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi vivante, non pas bonne vivante mais vivante à en mourir. De cette vie qu’on ne voudrait jamais voir finir et dont la fin pourtant nous semble être un commencement. Paradoxe infini, mystère insondable de notre destinée.

Drôle de Carême. Je crois que jamais une semaine sainte ne fut aussi fragile et forte à la fois. J’ai l’impression d’avoir suivi chacun de Ses pas, des plus acclamés sous les Rameaux aux plus humiliés sous les épines, les crachats, les jurons.

Drôle de Carême. Il a pris fin. De cette fin qu’on sait infiniment riche de Lui.

La vie continue.

Ces derniers jours, elle a résonné des babillements de ma petite-fille, des sourires de mes enfants et de mon mari, des rires d’une amitié de 30 ans.
Et Dieu semble me murmurer ce soir que jamais la Vie ne s’arrêtera.

Jamais.

C’est drôle de croire, de ce drôle que je répète en anaphore, drôle à en rire parfois, drôle à ne rien y comprendre, drôle d’espérer encore et encore.

Et je vais bien parce que c’est la vie qui m’aime. Infiniment.

à très bientôt les amis et merci.
Corine

Smita, Giulia et Sarah

Bien regarder les petits fils argentés qui colorent l’espace de notre monde, de nos vies, de nos cœurs. Parce qu’ils existent, en vrai. 

Jours 13 et 14

Vous l’aurez compris. Il y a eu l’océan et les balades. Hier, je n’ai pas ouvert l’écran de mon ordinateur. C’est Carême après tout. 😉

En vrai, il y a eu aussi une lecture, d’une traite, jusqu’à très tard.
Le livre traînait sur la table du salon de ma grande fille, je l’ai attrapé parce que celui-là, j’en ai entendu parler et je ne l’ai pas encore lu.

Vous savez qu’il y a des prénoms de livres que je garde. Je sais les personnages être des personnages mais je sais aussi que derrière leurs prénoms, il n’y a qu’un pas vers un individu qui existe. Je les aime comme des amis je crois. Les romans sont des livres ouverts sur le monde, je ne vous apprends rien.

Alors cette nuit, j’ai embarqué avec Smita, Giulia et Sarah. J’ai traversé l’Inde, l’Italie et le Canada. J’ai lu les misères du monde. J’ai lu la force, le courage et l’amour du monde. Oui j’ai lu l’amour du monde, celui qui, seul, nous rend vivants. Nous sauve.
J’ai lu “La tresse” et c’était une belle étape sur ce chemin de Carême.

 

Que ce temps vous offre aussi des lectures qui font grossir vos cœurs.

 

Au coeur

Bien regarder les petits fils argentés qui colorent l’espace de notre monde, de nos vies, de nos cœurs. Parce qu’ils existent, en vrai. 

Jour 12

C’est un peu étrange.
Je regarde par la fenêtre d’un soir breton qui tombe et je me dis qu’il n’y a pas eu de prénoms aujourd’hui. Non pas qu’il n’y ait personne, bien au contraire, mais pas de mots pour raconter quelqu’un ou quelqu’une.

Et en regardant le soir qui tombe, l’horizon qui s’éteint doucement, ici ou ailleurs, j’ai toujours cette conviction, intime et profonde, sans jamais pouvoir l’expliquer, que tous nos prénoms sont réunis dans le cœur de Quelqu’un.